Accueil En une Ajitha Murday : le rêve mauricien de la diva tamoule

Ajitha Murday : le rêve mauricien de la diva tamoule

0
Ajitha Murday : le rêve mauricien de la diva tamoule

Ajitha Murday, chanteuse originaire du Chennai, a imaginé et conçu le concert fusion Imagine en 2016, un spectacle multiculturel qui a connu un certain succès. En prêtant sa voix sur le seggae Pake Linz, sorti fin 2017, aux côtés de Jerry Rouget, elle n’a fait que confirmer son empreinte sur la scène locale. Alors qu’elle était très sollicitée pour des représentations en marge de la fête Thaipoosam Cavadee, Scope a rencontré cette dame qui veut insuffler son rêve mauricien à ses compatriotes : vivre dans une île unie dans sa diversité.

Assise sur un banc dans le cadre reposant du Tiruttani Murugan Kovil à Rose-Hill, Ajitha Murday plonge dans ses souvenirs. Avec une simplicité étonnante, elle dévoile les raisons de son engagement, son optimisme sans faille, sa confiance en l’humain. Sans oublier les étapes de son incroyable parcours, depuis sa naissance à Chennai jusqu’à son arrivée à Maurice en 2003. “Une île qui représente pour moi un petit bijou dans l’océan Indien. Je me plais toujours à dire que Maurice est une version en miniature du monde, avec toutes ses cultures et ses religions réunies.”

Sans jamais oublier ses racines, Ajitha Murday revendique avec fougue son ouverture sur le monde. “Je ne veux pas seulement faire partie d’une communauté mais d’une nation.” Drapée dans un magnifique sari aux couleurs chaudes et flamboyantes, s’exprimant en kreol et en anglais, elle se souvient de cette jeune fille qui caressait des doigts son rêve de devenir une grande chanteuse internationale. De ce père assistant réalisateur de film qui lui chantait des berceuses, de cette grande danseuse de bharat natyam qu’elle admirait et qui n’était autre que sa sœur.

Par amour et sans regret, elle a tout quitté pour venir s’installer à Maurice avec son époux. “Je ne regrette pas mes choix. Je crois fermement qu’il y a une raison derrière toute chose. Ce qui se passe dans votre vie est pour votre bien.” Elle ajoute “que le projet Imagine est la preuve de cet incroyable destin que nous réserve l’existence”. Si elle était restée en Inde, elle n’aurait jamais entrepris ce projet unique de concert fusion, porteur à travers dix langues d’un message universel de paix et d’amour, tout en célébrant la richesse de notre pays.

Balade musicale fusionnelle.

“L’Inde est un pays avec différentes cultures, langues et religions : marathi, télougou, hindi, punjabi, gujrati, tamoul, etc. Depuis mon enfance, je suis très patriotique. En débarquant chez vous, j’ai perçu cette même unité dans la diversité, mais j’ai aussi réalisé, au fil du temps, que c’était une notion très fragile.” Une réalité qui la chagrine et la taraude. En voulant apporter sa pierre à l’édifice de la tolérance et du respect mutuel entre les cultures, Ajitha Murday a imaginé le spectacle Imagine. “Une balade musicale fusionnelle qui pourrait toucher toutes les composantes de la population mauricienne avec sa portée patriotique. Ne dit-on pas que la musique est une langue universelle et sans barrières ? C’est le meilleur moyen d’apporter l’unité.” La chanson du spectacle, une reprise d’Imagine de John Lennon en dix langues, connaît un franc succès.

C’est aussi une plate-forme pour qu’Ajitha Murday poursuive ses rêves de jeunesse. Elle quitte son emploi de professeur de musique au Friendship College pour se lancer corps et âme dans son projet. “Je me suis heurtée à bon nombre de critiques et à des soucis administratifs et financiers, sans oublier quelques tiraillements au sein de l’équipe.” Une semaine avant le jour J, elle perd sa voix. La grand-mère de son époux, dont elle est très proche, est admise en clinique et décède le jour du concert. Des épreuves difficiles, mais également une belle leçon de vie.

Pake Linz.

Le jour J, la magie opère sur scène. Elle retrouve sa voix. Dans une incroyable communion, tous les artistes de différentes composantes de la population mauricienne brandissent très haut le message patriotique qu’Ajitha avait en tête lors de la création du spectacle. “Je dirais que ce concert m’a changée : mon état d’esprit a évolué. J’ai compris que la musique n’était pas l’affaire d’un seul registre. Ce qui était aussi le cas pour Jerry Rouget, qui participait également à ce concert.”
Après avoir repris Kabhi Na Kabhi, un tube Bollywood à la sauce seggae qui inonde les ondes, Jerry Rouget propose à Ajitha Murday de le rejoindre sur un projet musical réunissant son style seggae et le côté oriental. “C’est ainsi qu’est née la fusion Pake Linz”. “Babe nou ale, nou ale gate, mo dir pran to pake linz nou ale” : ce refrain vous parle sûrement. Un seggae rythmé par la voix mélodieuse d’Ajitha Murday. En écoutant la maquette envoyée par Jerry Rouget, la chanteuse est conquise et imagine déjà comment la sublimer. Les paroles lui sont venues d’un trait, “car j’avais mon époux comme inspiration”, lance-t-elle avec son plus beau sourire. Résultat : la chanson a touché les gens et s’est même classée à la première place sur une radio privée.

Respect et dignité.

Rien n’arrive par hasard. “Si j’étais resté en Inde, j’aurais été peut-être une chanteuse de renommée mondiale, reconnue par tous. Mais à Maurice, j’ai beaucoup appris sur la vie et les gens.” Elle a aussi été portée par l’éducation et les valeurs que ses parents lui ont transmises. “Mon père m’a toujours dit qu’être humble ne peut que te faire grandir et t’élever. Ce sont les valeurs de respect, de dignité et de la famille qui m’animent et que je transmets à mes trois enfants, Dhanika, Dhanuvanth et Dhaneshwar.”
Des qualités qui l’ont accompagnée quand elle se pose à Maurice avec son époux, Govinden Murday. Elle participe au concours Isai Amudham, organisé par la télévision nationale. Son passage à l’audition fait mouche. Portée par son talent et sa personnalité, elle est recrutée comme présentatrice. Entre-temps, Ajitha Murday lance deux albums dévotionnels sur Lord Krishna et Lord Muruga, tout en participant à de nombreux événements organisés par l’Union Tamoule et d’autres organisations. Elle sera part-time lecturer dans la filière musique au MGI, avant de rejoindre le corps enseignant du collège Friendship, “où j’ai vécu des expériences uniques avec des élèves merveilleux”.

Nightingale of Karthikeyan.

Ses années au collège en Inde lorsqu’elle était étudiante en musique ont été les plus marquantes de sa vie. “Grandir au sein d’une famille d’artistes m’a permis de développer ma passion pour la musique. Cela vous donne l’opportunité de montrer votre talent.” Elle étudie à la Karthikeyan Matriculation Higher Secondary School et rejoint ensuite l’académie de musique, où elle complète son certificat de formation de professeur de musique vocale carnatique. Elle obtient dans les deux institutions le prix de “meilleur étudiant”. En 2004, elle complète un baccalauréat en musique à l’Université de Madras.
“Un des jours les plus inoubliables de ma vie est quand j’ai interprété la chanson Chinna Chinna Aasai. On m’a surnommée le Nightingale of Karthikeyan Matriculation Higher Secondary School.” Des moments déterminants de sa vie, “où dieu me montrait la voie à suivre”. Elle touche à tout : la danse avec le bharat natyam, le sport, devient actrice pour des séries en tamoul… “Mais mon objectif, c’était la musique.” Ajitha Murday rejoint un célèbre orchestre appelé Balu & Balu Shruthi. Elle acquiert une grande expérience dans l’interprétation de tous les types de chansons de films. Elle a également l’occasion de se produire dans plusieurs temples et auditoriums et a chanté avec les plus grands, tels que S.P. Balasubramaniam, T.M. Soundarajan, Mano, Anuradha Sriram, S.P.B. Charan, Vasudevan, P. Susheela, Unni Menon ou encore L.R. Eswari.

Ajitha Murday continue à apporter sa pierre à l’édifice de l’harmonie sociale. D’autres projets sont en cours, notamment à travers Imagine 2, qui devrait voir le jour d’ici l’année prochaine, mais à une plus grande échelle…