ASSEMBLÉE NATIONALE: L’ombre de Prakash Maunthrooa !

L’ombre du Senior Adviser au Prime Minister’s Office, Prakash Maunthrooa, a plané sur la tranche du Question Time hier à l’Assemblée nationale. La conséquence de ces instants de vive tension au sein de l’hémicycle a été l’expulsion du député du MMM, Veda Baloomoody, suivie du Walk-Out du MMM. Il était alors 16h03 à la pendule de l’hémicycle. Lors de la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, le nom de Prakash Maunthrooa a été mentionné dans le cadre des allégations au sujet d’ingérence dans les affaires du Mauritius Turf Club en vue d’ouvrir la voie à un « hijacking » de Michel Lee Shim et de SMS Pariaz Ltd des courses hippiques à Maurice.
Un autre sujet susceptible de rebondir porte sur les salaires et allocations d’Arjoon Suddhoo du Mauritius Research Council et Chairman du board de la compagnie aérienne nationale, Air Mauritius. Le député Rajesh Bhagwan a cherché confirmation auprès du ministre de la Technologie, de la Communication et de l’Innovation, Yogida Sawmynaden, que le Monthly Pay Packet d’Arjoon Suddhoo est de l’ordre de Rs 509 224, faisant de lui un des candidats imposables sous le régime du Solidarity Levy de 5%.
Toutefois, ce qui retiendra encore l’attention lors du Question Time d’hier demeure les documents déposés sur la table de l’Assemblée nationale et relatifs aux dessous de la commission d’enquête sur les courses hippiques à Maurice. Pire encore : les détails explosifs d’un des commissaires dans un e-mail en date du 12 janvier dernier adressé au Senior Adviser de l’ancien Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, et membre du board de la Gambling Regulatory Authority, Dev Beekharry. Ainsi, il a été confirmé qu’une copie de l’Interim Confidential Report, présenté jusqu’ici comme étant “untraceable” au Prime Minister’s Office, avait été remise au Senior Adviser par le commissaire Rick Parry en mars 2015. Ce détail devra relancer de plus belle toute la polémique sur la mainmise politique sur les courses hippiques à Maurice. L’e-mail du 12 janvier dernier avait été également transmis sous forme de copie au leader de l’opposition et à la haute commission britannique.
Jusqu’à la Parliamentary Question des plus sibyllines de Rajesh Bhagwan sur le cas d’un Human Ressource Manager de la Corporation Nationale de Transport, trouvé coupable et condamné par le tribunal de Flacq de “Larceny” mais toujours en poste, tout semblait pourtant se dérouler dans le calme, pour ne pas dire la monotonie parlementaire. Mais la seule mention du nom de Prakash Maunthrooa dans la catégorie de « Guilty People » au sein du gouvernement devait mettre le feu aux poudres.
Répondant à l’interpellation parlementaire sur la CNT, le ministre des Infrastructures publiques Nando Bodha devait déclarer que le dénommé P. K. avait été recruté en tant que HR par la CNT sur un contrat de deux ans en date du 12 octobre 2015. Il bénéficie de salaires de Rs 74 350, incluant le transport.
Bhagwan : Le ministre sera-t-il surpris d’apprendre que ce HR, proche du MSM, « a very dangerous person », avait été accusé par la police dans un cas de Larceny sous le code pénal; he was found guilty by the District Court Magistrate.
Bodha : De Flacq…
Bhagwan : You are fully aware. La condamnation fut prononcée le 9 mars dernier avec le magistrat soutenant que “the accused has been found guilty as charged”. Tout indique que le gouvernement comprend des coupables comme le HR Manager et autre Prakash Maunthrooa. The government is managed by guilty people…
Pravind Jugnauth : Je voudrais intervenir pour faire prévaloir un point. L’honorable membre a cité le nom de Prakash Maunthrooa, qui est un Special Adviser au Prime Minister’s Office. À ma connaissance, il n’a pas été trouvé coupable…
Bérenger : Parey kuma MedPoint…
Pravind Jugnauth (sortant littéralement de ses gonds et à l’adresse du leader du MMM) : To ine gagn klak ek lakur siprem. Respekte lakur siprem to fer bien…
Bérenger : Kokin.
À partir de là, l’ambiance est devenue des plus électriques au sein de l’hémicycle, la Speaker, Maya Hanoomanjee, perdant alors tout contrôle sur les parlementaires.
“I order you out…”
Pravind Jugnauth : Lakur to pa respecte…
Bérenger : Ta alle do roke.
Bancs du gouvernement : Rekin ! Kot Rs 10 millions BAI…
Bérenger : Ti a konne ki li pou morde…
Pravind Jugnauth : The Senior Adviser has never been convicted…
Bérenger : To pa honte ?
Jhugroo : Ki bizin honte ?
Bérenger : Bann voler !
Bancs de l’opposition : Boskalis ! Boskalis ! Boskalis !
Bancs du gouvernement : Ajay Gunness…
Tentant de répondre à cette réplique au sujet du secrétaire général du MMM, Veda Baloomoody intervient énergiquement. Il est rappelé à l’ordre par la Speaker mais, dans le feu de l’action, le député du MMM ne se rend pas compte de la situation jusqu’à la sentence de l’expulsion.
La Speaker : Honourable Baloomoody, I have called you to order several times. At least three times. I order you out…
Bérenger (à l’adresse de la Speaker) : Alle mang inpe biskwi to fer bien do foutour…
Speaker : … This is not acceptable. I have called you to order several times. I’ll order you out now.
Baloomoody : Je ne vous ai pas entendue. Vous n’entendez pas ce qui est dit de l’autre côté de la Chambre. Vous n’entendez que de ce côté de la Chambre.
Bérenger :  Zotte pe protez voler !
Pravind Jugnauth : Sa pa kapav fer ar mwa. Ar mwa, li pa kapav fer sa. Sa pa pou passe…
Bérenger : Alle do bann voler.
Jhugroo : To pa mem leader de loposision. Alle to fer bien…
Bérenger : Voler…
Bhagwan : Bann voler !
Sur ce, les députés du MMM ont effectué un Walk-Out, le ministre Bodha reprenant le fil de sa réponse.
Bodha : Le Human Resource Manager avait été trouvé coupable par la Cour de Flacq le 9 mars dernier. Il a fait appel contre le jugement en Cour suprême et l’affaire a été appelé pro forma le 1er juin. Le board de la CNT avait sollicité l’avis du conseil légal, Me Ithier, au sujet de cette affaire. Il a fait comprendre que le HR Manager ne pouvait ni être renvoyé ni être sanctionné. I have asked the board to consider the matter.
D’autre part, poursuivant la série initiée avec Vijaya Sumputh en tant qu’Executive Director du Trust Fund for Specialised Medical Treatment et avec le Senior Adviser, Gérard Sanspeur, le député Bhagwan a épinglé Arjooon Suddhoo du Mauritius Research Council à son palmarès. Les salaires et allocations mensuels perçus sont de Rs 509 244.
Sawmynaden : En tant que directeur du Mauritius Research Council, Arjoon Suddhoo perçoit un salaire de Rs 152 000 par mois, une allocation d’essence de Rs 15 940 et une allocation d’internet de Rs 1 349. Ses conditions de service sont alignées sur les recommandations du Pay Research Bureau (PRB). Il a également droit à un billet d’avion en première classe sur le trajet Maurice/Londres/Maurice. En sa qualité de Chairperson du comité sur les énergies renouvelables, il bénéficie d’allocations de Rs 29 925 par mois et de jetons de Rs 1 000 pour chaque réunion du board du Mauritius Oceanography Institute. Il est également Chairman du board d’Air Mauritius. Cette dernière compagnie est cotée à la Bourse et tout renseignement pertinent est publié dans le rapport annuel de la compagnie.
Bhagwan : Le ministre sera-t-il surpris d’apprendre, de même que le public et les actionnaires, qu’en tant que Chairman d’Air Mauritius, il a droit à des allocations mensuelles de Rs 70 000 et qu’il siège sur six filiales d’Air Mauritius avec des allocations mensuelles de Rs 40 000 pour chacune d’elle. Le ministre est-il au courant de ces bénéfices ?
“I can answer ?only for the MRC”
Sawmynaden : Air Mauritius ne relève pas de mes responsabilités. Sa contribution au Mauritius Research Council est plus que satisfaisante à l’image de son soutien au projet de Robotics.
Bhagwan : Avec le renvoi de Megh Pillay « in a dirty way », Arjoon Suddhoo se comporte en tant que PDG de la compagnie aérienne nationale. Il siège sur différents comités, notamment le Procurement Committee et le Recruitment Committee. Comment trouve-t-il du temps pour tout cela ?
Sawmynaden : Unfortunately, I can answer only for the MRC.
Bhagwan : Le ministre peut-il révéler quand il a rencontré pour la dernière fois le directeur du MRC ?
Sawmynaden : We do meet regularly. Nous sommes en discussions sur le plan de travail pour le Mauritius Research and Innovation Council, annoncé dans le budget.
La teneur des documents déposés par le leader de l’opposition au sujet de la commission d’enquête devrait se révéler un sujet de gros embarras pour le gouvernement. Jusqu’ici, le gouvernement avait vendu l’idée que le Confidential Interim Report du 28 novembre 2014 était « Untraceable ». Or, dans un e-mail adressé au Senior Adviser, Dev Beekharry, un des commissaires fait voler en éclat cette thèse en soulignant : « The handling of the highly sensitive report is shrouded in mystery in spite of a copy handed personally to you by Rick Parry in March 2015. The contents were crucial to the subject matter of the subsequent Judicial Review. »
Donc, après la première copie remise au président de la République en novembre 2014, dont il n’existerait aucune trace au PMO, ce même PMO avait reçu une autre copie en mars 2015. Que s’est-il passé avec cette nouvelle copie remise à Dev Beekharry, également membre du board de la Gambling Regulatory Authority ?
Ce rapport intérimaire, et considéré comme étant de nature hautement confidentielle, avait relevé les faits suivants :
– l’existence de “prima facie evidence” contre certaines personnes commettant des délits criminels de Cheating aux courses et au Betting sous la section 146 de la Gambling Regulatory Authority Act 2007,
des cas de “maladministration” frisant l’institutional corruption, au sein du Mauritius Turf Club avec « an environment in which the suspected criminal activity is allowed to flourish »;
– des manquements graves au chapitre de la gouvernance avec pour effet que les board of administrators du MTC ne sont pas en mesure d’opérer, comme dans l’octroi d’une Stable Manager’s Licence à Paul Foo Kune, qui est “widely regarded as a bookmaker”, ou la réembauche d’Ian Paterson en tant que Director of Racing par le MTC en 2013.
Les autres points évoqués dans ce rapport sont les conditions d’emploi des jockeys, les mettant en position de vulnérabilité sous l’influence corruptrice des entraîneurs, des Stable Managers, des propriétaires d’écuries et des Bookmakers, et les pressions financières sur les propriétaires et entraîneurs, qui doivent miser gros pour complémenter leurs revenus. « We have heard numerous witnesses estimate that the size of the illegal betting market is at least as big as the legal market. The fact that such bets are unrecorded provides a ready vehicle for cheating and other forms of corruption », notent les commissaires dans ce rapport intérimaire, qui avait recommandé la mise sur pied d’une Special Team pour enquêter sur ces activités criminelles.
“Apparent criminal activity”
Trois raisons étaient mises en avant pour justifier l’urgence de cette Special Team, à savoir : « The gathering of evidence for criminal charges may be jeopardised by any delay and, indeed, it is likely that further criminal activity will occur; if the Commission continues to inquire into cases it has identified, future evidence gathering may be prejudiced and the real victims of the apparent criminal activity are the tens of thousands of ordinary punters who are being cheated; steps need to be taken now to restore their confidence. »
L’e-mail du 12 janvier dernier, avec copie au leader de l’opposition, est encore plus compromettant et confirme l’extrême irritation des commissaires britanniques. « Notwithstanding the total lack of courtesy by the Prime Minister’s Office in failing to notify us of any developments since a copy of the Commission of Inquiry Report was submitted personally to you and the Prime Minister by the Chairman Rick Parry in March 2015, these matters raise serious political issues of significant public concern », note l’auteur de cette correspondance, ajoutant que c’est à travers des coupures de presse que les commissaires ont pris note de la décision de la “Judicial Review”. Et pour corser la note, l’e-mail du 12 janvier dernier à Dev Beekharry comprend quatre questions, soit :
– Que s’est-il passé avec les recommandations des rapports intérimaires et officiels ?;
– Quel sort a été réservé au rapport Gunn/Scotney et les recommandations ?;
– Qui avaient représenté les commissaires Parry, Gunn et Scotney lors de la “Judicial Review” ou encore « why none of us respondents alerted to the fact that the Judicial Review was taking place and why none of us informed of the outcome ? »; et
– Pourquoi aucun paiement n’a été effectué en faveur de Gunn et Scotney en dépit de dernières réclamations « now nearly seven months overdue » ?
Ce que l’on pourrait dire, c’est que les commissaires britanniques de la commission d’enquête sur les courses hippiques ont dénoncé une attitude des plus cavalières à leur égard par le Prime Minister’s Office…

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