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(Reportage) Madagascar : rouge d’espoir

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(Reportage) Madagascar : rouge d’espoir

Invité principal pour les activités qui marqueront la fête nationale, le 12 mars, Andry Rajoelina a repris les rênes de Madagascar en janvier. Au pays du mora mora (lentement), TGV, comme il est surnommé, veut bouger rapidement pour continuer le changement enclenché dans l’île rouge depuis quelques années. De la capitale, Antananarivo, jusque dans les villages du sud, ces changements sont perceptibles à bien des niveaux. L’espoir que nous avions ressenti lorsque nous y étions en reportage il y a cinq ans n’était pas trompeur, comme nous l’avons constaté lors d’une nouvelle visite dans la grande île, le mois dernier.

Des zébus broutant paisiblement l’herbe au sud-est de Madagascar

Si cette rencontre n’avait pas été décidée à la dernière minute, Mamy, notre hôte, aurait prévu du Vary sosoa sy kitoza pour ce matin. Ce petit-déjeuner traditionnel malgache est composé d’un bol de soupe de riz aux feuilles de manioc, d’un morceau de zébu ou de canard. La table n’en est pas moins bien garnie : des beignets, du pain, du fromage fondu, du café ou un thé vert au miel sauvage. Une dizaine de jours plus tôt, nous avions marqué les retrouvailles à Antsirabe (à 167 kilomètres au sud de Tana) autour d’un tendre morceau de viande grillé au four, avec des légumes et du riz. Une rencontre réchauffée d’une potion maison dont Mamy nous a dévoilé le secret. Du rhum déniché dans une gargote populaire, qui en fabrique dans son arrière-cour, des graines de maïs, des tiges de vanille et du miel. Le tout laissé à macérer pendant quelques jours. Ce matin de février, la convivialité et la bonne humeur de Mamy en disent long sur ce sentiment d’espoir et de renouveau qui plane en ce moment sur Madagascar. L’homme, qui a acquis sa sagesse et ses connaissances lors de ses nombreux voyages à travers son pays, nous confie : “Les choses vont mieux que la dernière fois où nous nous sommes rencontrés. Il y a de l’espoir.”

La vie a repris son cours.

L’artisanat occupe une place importante dans l’économie malgache

La dernière fois à laquelle il fait référence remonte à cinq ans. Quelques semaines auparavant, Hery Rajaonarimampianina prenait la présidence avec la promesse de placer Madagascar sur les rails d’un nouveau départ. La période de transition sous Andry Rajoelina avait été difficile et avait affecté les secteurs clés du pays.

L’économie fonctionnait à peine, le chômage battait son plein, l’insécurité imposait des contraintes considérables, le tourisme tournait au ralenti, la corruption semblait hors de contrôle, des bureaux et même les établissements scolaires arrivaient à peine à fonctionner, plusieurs ayant même été contraints à la fermeture.

Quelques centaines de kilomètres plus loin, les rues d’Ambositra, la capitale de l’artisanat malgache, sont de nouveau bondées de lycéens le matin. Les écoles ont rouvert leurs portes. Dans leurs uniformes bleus, filles et garçons rêvent d’un autre avenir, qui semble à portée de main. Ici aussi, après une période de disette imposée, la vie a repris son cours, permettant aux artisans de vivre pleinement de leurs activités. Dans les ateliers, on taille de nouveau dans le bois pour créer des sculptures et d’autres objets de décoration vendus dans les boutiques d’ici et d’ailleurs. Bien plus loin, au bord du Canal de Mozambique, dans le petit village d’Ifaty, Marc espère que ses enfants ne seront pas obligatoirement pêcheurs, comme il est de tradition depuis des générations ici.

A la recherche de pierres précieuses

Veiller sur la sécurité.

Si les orages passagers et les cyclones imposent à l’homme et à ses collègues de garder à terre leurs pirogues taillées dans de grands troncs, le tourisme leur offre des occasions de se débrouiller autrement. Connaissant sur le bout des doigts les noms et les vertus des arbres de la forêt des baobabs d’Ifaty, Pedro s’improvise guide pour des balades dans des calèches tirées par des zébus. Marc grille sur du charbon du poisson, du calamar et des cigales de mer à l’intention des clients avides de manger chez l’habitant. Depuis que ce petit village a été relié à Tulear il y a deux ans par une route goudronnée, les fréquents visiteurs apportent de nouvelles opportunités à la population. On veille à leur offrir confort, et c’est toute la population qui a compris qu’il vaudrait mieux veiller sur la sécurité des vasa afin que ces derniers contribuent activement à l’économie du petit village côtier.

Les fruits et légumes se cultivent sans insecticides ni pesticides, trop onéreux pour les agriculteurs

À Tana, parti tenté sa chance au casino, Jocelyn, touriste canadien, nous raconte avoir regagné son hôtel la veille au soir, encadré de deux solides gaillards qui se sont par eux-mêmes mis à ses côtés pour l’escorter. Depuis quelque temps, hôtels, restaurants, discothèques et casinos ont fait appel à des agents de sécurité privés pour contrer l’insécurité légendaire de la capitale à la nuit tombée. Désormais, on y circule avec une plus grande sérénité. La pression a baissé dans l’avenue de l’Indépendance, où les étrangers se font généralement harceler par des groupes d’enfants mendiants aux mains habiles quand il s’agit de fouiller dans les sacs et les poches. Ces derniers sont nettement moins nombreux.

“Le pays se porte mieux”.

Noël, guide dans les massifs d’Isalo, s’étonne de notre question sur un éventuel couvre-feu dans cette région du sud réputée dangereuse. Dans le passé, les affrontements entre les soldats et les dalahos, les voleurs de zébus, posaient d’importants problèmes de sécurité. “Ce n’est plus le cas. Vous pouvez rester sur la route jusqu’à très tard, il n’y a plus de problème.” Effectivement, passées 18h, les échoppes proposant des brochettes de zébus et les boutiques restent ouvertes. Il n’y a plus de crainte de la nuit dans les huttes aux toits de paille de riz plantées à l’orée des grands espaces sauvages. Pour Noël, tout ceci s’explique : “Nous avons un nouveau président depuis peu. Avec lui, tout a changé. Le pays se porte mieux, les gens ont du travail et les bandits ne sont plus un problème.”

À Manakara, sur la côte malgache baignant dans l’océan Indien, le pessimisme a sombré dans les eaux du canal de Pangalanes. Les travaux seront très prochainement lancés afin que le port puisse reprendre ses activités. En 2002, il avait été contraint à la fermeture après qu’un des généraux de l’ancien président Didier Ratsiraka eut fait sauter un pont de la Route Nationale 7 pour empêcher le pétrole et les vives d’arriver jusqu’à Tana, où s’étaient massés un million de manifestants soutenant le nouveau président d’alors, Marc Ravalomanana. Pour rajouter aux malheurs de Manakara, un camion avait fait céder le vieux pont reliant les deux parties de la ville. Depuis peu, deux pylônes en béton ont été érigés dans le canal, annonçant la venue prochaine d’un nouveau pont pour permettre la reprise normale des activités.

Survivre au quotidien.

De manière générale, Madagascar avance en ce moment sous de meilleurs auspices. Même si les choses vont mieux, il est évident qu’il y a encore beaucoup à faire afin que ce pays puisse progresser et profiter pleinement de son fort potentiel et de ses ressources souvent exploitées par d’autres. Survivre au quotidien est toujours à l’ordre du jour. Pour beaucoup, il s’agit de se débrouiller pour manger et répondre aux besoins de base à travers de menus boulots, la débrouillardise, le recyclage, l’élevage, l’agriculture, l’artisanat… En ce moment, les rizières de Madagascar sont verdoyantes, les fruits et légumes sont en abondance, les zébus sont gras, comme la volaille et le porc, et la mer est généreuse. Ce qui contribue à ce sentiment positif qui règne dans le pays.

Beaucoup est attendu d’Andry Rajoelina, qui se retrouve une fois de plus à la tête de Madagascar depuis janvier. Le nouveau président malgache semble cette fois vouloir être à la hauteur des attentes pour poursuivre le développement lancé depuis quelques années. Au pays du mora mora, Rajoelina veut foncer pour être digne de son surnom : TGV. Mais les premiers mécontentements se font déjà entendre. Par exemple, s’il est de coutume pour les chauffeurs de taxi-brousse et de poids lourds de soudoyer les gendarmes sur les points de contrôle sur la route, il a été décidé que le contrôle routier sera désormais interdit. Ce qui a provoqué un lever de boucliers des syndicats de la police, qui déplorent le manque à gagner pour les policiers.

Et ce sont également des policiers qui se retrouvent en ce moment au centre des affaires de kidnapping qui provoquent toujours une psychose chez certains hommes d’affaires dans les villes principales. Ce fléau n’a toujours pas été endigué et la menace impose des précautions aux cibles potentielles, qui sont souvent des étrangers. Pour rassurer les investisseurs, le gouvernement a insisté pour que les enquêtes se fassent au plus vite. Dans plusieurs cas, il s’avère que ce sont des policiers qui étaient impliqués dans des affaires où les demandes de rançon peuvent monter jusqu’au milliard d’ariary.

Un village de pêcheurs aux traditions ancestrales

Préserver l’environnement.

Des marmites produites en cinq minutes chrono

L’autre grand combat contre l’insécurité passe par la traque des dalahos. Ces derniers sont, par tradition, des voleurs de zébus vivant en nomades dans les massifs du sud, où se trouvent aussi le plus grand nombre d’éleveurs. La richesse de ces derniers se compte davantage par tête de bétail, par forcément par leurs biens matériels. Armés de fusils et de kalachnikovs, les voleurs font non seulement disparaître les troupeaux dans les massifs, mais s’attaquent aussi aux taxis-brousses et autres véhicules qui circulent la nuit. Chez les dalahos, les rites de passage à l’âge adulte exigent d’un adolescent qu’il vole un zébu, et il est tout à fait honorable pour un membre de cette tribu de faire de la prison. Des pratiques contre lesquelles s’est fortement engagé le gouvernement, qui compte équiper son armée d’hélicoptères pour traquer les bandits.

Au premier étage de sa maison à Antisrabe, Mamy a une belle vue sur les rizières et les plantations de fruits de ses voisins. Ici, l’air est frais, contrairement aux lourdeurs des effluves de Tana. “Nous faisons tout pour préserver l’environnement ici”, explique-t-il. Dans ce pays marqué par la déforestation et par la pollution de ses grandes villes, la conscience écologique se met en place. Mais faut-il que les ressources soient données aux éleveurs, agriculteurs ou aux producteurs de charbon pour qu’ils travaillent dans le respect de l’environnement, précise Mamy. “Ces gens ont aussi le droit de survivre, mais il faut leur apprendre comment le faire sans qu’ils continuent à détruire l’environnement par les feux de forêt ou la surexploitation des ressources.” Hadjah déplore ainsi l’abattage des arbres par les charbonniers, qui continue à l’orée du grand sanctuaire qu’est devenu le Parc National de Ranomafana.

Trop de préjugés.

Venu dans cet agréable village où le temps s’est arrêté pour enseigner l’informatique dans l’école en bois, John a initié des classes sur l’environnement. “Chaque samedi, je réunis les enfants du village pour qu’ils soient sensibilisés sur la richesse du parc afin qu’ils contribuent à sa préservation.” Ici, une nouvelle espèce de lémuriens a été découverte dans les années 80 et les vastes forêts recèlent encore de secrets que recherchent les guides locaux et les scientifiques venus du monde entier.

Une distillerie artisanale au sud du pays

Un flot de conseils accompagne généralement ceux qui se laissent tenter par ce pays. Des précautions sont certes de rigueur, mais Madagascar est loin d’être aussi hostile que l’on tente de le faire croire. A Ilakaka, nouvelle ville de mineurs développée après la découverte de saphirs à quelques kilomètres d’Isalo il y a quelques décennies, Guillaume Soubiraa plaide pour la démystification. Pour ce Français, qui y vit depuis plusieurs années, trop de préjugés et de mauvaises conceptions affectent l’image de Madagascar et freinent son développement. Le pays n’est pas pire qu’ailleurs. L’île rouge offre des opportunités uniques à qui saura la traiter avec respect, en prônant une vraie ouverture d’esprit.

Andry est à la mode

Le nouveau président est à la mode en ce moment. C’est du moins le sentiment qui se dégage à travers le pays, où l’on retrouve systématiquement sa photo imprimée sur des t-shirts, débardeurs, serviettes, parapluies, foulards et autres. La photo d’Andry Rajoelina en costume est cernée d’orange, couleur de son parti, comme le MSM.

Comme il est de coutume à Madagascar et dans d’autres pays, un important matériel de propagande a été distribué auprès de la population durant la dernière campagne électorale. D’où cette omniprésence du nouveau président dans les moindres recoins du pays. Il n’est pas rare non plus de voir des t-shirts arborant la photo de Marc Ravalomanana, l’autre candidat à ces élections, alors que des vestiges de l’ère Hery Rajaonarimampianina sont également visibles.