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Danseuse, blogueuse, travailleuse sociale : Rien n’arrête Johanne Rannoojee

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Danseuse, blogueuse, travailleuse sociale : Rien n’arrête Johanne Rannoojee

À 23 ans, Johanne Rannoojee est une personnalité passionnante sur laquelle il faudra compter dans les années à venir. Véritable touche-à-tout, cette professionnelle de la communication à l’énergie débordante défend ses projets, ses combats et ses passions. Blogueuse, danseuse, amoureuse des arts, elle est l’exemple d’une jeunesse en action qui veut être acteur du changement et inspirer les autres. Une force que celle qui voit la vie comme une “équation mathématique” puise de ses expériences et de ses racines métissées.

Afrindian. Une manière pour Johanne Rannoojee de se réapproprier ses racines africaines et indiennes. Le nom de sa plate-forme Web revendique une quête identitaire et spirituelle entamée en Inde, son pays de cœur. “Oublier d’où l’on vient équivaut à ne pas savoir où l’on va. Renouer avec son histoire permet de comprendre le monde dans lequel on vit et être en mesure de mieux s’adapter, s’ajuster et agir en fonction de son environnement.” C’est avec la conviction “qu’il ne faut pas attendre passivement mais être partie prenante du changement que l’on veut voir” qu’avance cette bohème des temps modernes. Des idéaux qu’elle défend dans ses prises de position sur son blog et dans ses projets.
Dans sa singularité taillée dans la créativité, la fille de Danièle Babooram, rédactrice en chef de La Vie Catholique, a de qui tenir. Avec une mère amoureuse des lettres et un père musicien, Johanne Rannoojee a eu une “enfance privilégiée”. Très jeunes, sa sœur Emilie Chloé et elle dévorent des bouquins en tout genre et font leur gamme en musique. “Cela nous a permis de nous épanouir, d’avoir une ouverture d’esprit et d’être touche-à-tout dès le départ.”

Sa mère est une fille de Barkly, “un quartier de Beau Bassin ostracisé depuis toujours. Maman s’est assurée que l’on puisse voir et mieux comprendre les réalités qui nous entourent.” Dès l’adolescence, elle est activement engagée auprès du LEO Club Omega de Barkly, où elle assume depuis ce week-end la fonction de présidente.

S’exposer à la réalité des autres.

Sur son blog, www.TheAfrindian.com, la jeune femme s’épanche sur divers thèmes. Cela va de l’élection controversée de Trump aux sensibilités des un et des autres face à l’incendie de Notre Dame de Paris, en passant par le système éducatif mauricien ou son amour de la Grande Péninsule. Tout récemment, Johanne Rannoojee a fait entendre sa voix lors de la deuxième édition de TEDxALC. Son intervention était axée sur les raisons qui font que l’Afrique et l’Asie devraient être la prochaine destination des étudiants africains. Un sujet qu’elle maîtrise grâce à son expérience en tant qu’étudiante en Inde et son attachement à ce pays.

Celle qui rêvait d’intégrer l’université de La Sorbonne en France remercie aujourd’hui l’univers d’avoir guidé ses pas vers ce pays aux mille couleurs. Maurice est une petite île et les gens ont tendance à vous placer dans des boîtes selon vos croyances, votre culture et votre apparence. “La Grande Péninsule vous expose à et vous impose la réalité des autres.” La jeune femme y découvre la mythologie indienne, les textes sacrés, la dualité masculine et féminine. Elle renoue avec ses racines. “Ce pays m’a permis de panser mes blessures en ce qui concerne mon identité. Fille créole avec des origines indiennes, le nom Rannoojee a été lourd à porter. Mon apparence avec mes boucles noires ne convenait pas.” Une discrimination qu’elle a vécue toute sa vie, depuis l’école, raconte l’ancienne élève de Gaëtan Raynal SSS.

Elle s’est aussi réapproprié le kreol. “Ma sœur et moi étions qualifiées de grand nwar car nous ne parlions pas la langue maternelle. Pas parce que nous étions arrogantes, mais parce que nous n’avions jamais appris la langue. Nos parents nous parlaient toujours en français. Nous avons maîtrisé le kreol dans le tard.”
En Inde, elle apprend la beauté de la différence. Aujourd’hui, “je ne veux plus me haïr parce que vous voulez me mettre dans une boîte”. Être exposée à la culture des autres peuples permet à Johanne de “se rendre compte de la petitesse de l’humanité. Notre réalité n’appartient qu’à nous”.

Causes et combats.

Son tatouage au niveau de la nuque symbolisant le symbole Om, représentant la création, est une évocation de cette nouvelle Johanne façonnée par l’Inde. Une belle leçon d’humilité qui motive ses combats. Ceux qu’elle mène contre l’individualisme, en prônant un retour aux valeurs fondamentales. Beaucoup de choses l’interpellent : la cause environnementale, la maltraitance des animaux, l’indifférence face aux personnes démunies, la promotion de l’art et de la culture…

Licenciée en sciences politiques de l’Université de Pune, en Inde, la jeune femme est très active sur les réseaux sociaux par rapport aux réalités politiques. En marge des élections générales, elle lancera prochainement sur sa plate-forme Web des vidéos et des articles sur “la politique expliquée aux jeunes”. “Contrairement à d’autres pays comme l’Inde où la politique est apprise à l’école, nous n’avons aucune formation à Maurice.” Comment voter si on ne comprend pas le concept de circonscription ? Comment prendre une décision politique réfléchie quand on n’a aucune idée de ce qu’est un Budget ou un manifeste politique ? Des questions parmi d’autres qu’elle compte aborder. “Des éléments essentiels pour que les jeunes à Maurice prennent des décisions politiquement réfléchies.” Elle affirme qu’être activiste permet de lancer des “petites révolutions dans les esprits. Dès lors que l’on fait partie d’une société, on a une responsabilité citoyenne, notamment politique. Toutes nos actions, nos paroles et nos décisions ont une importance et un impact.”

Promouvoir la culture mauricienne.

Présente sur son lieu de travail dès 7h30 jusqu’à pas d’heure, elle se donne à 200% dans son métier. La semaine dernière, un malaise lui a valu lors de sa chute quatre points de suture au menton et une grosse bosse au front. Cela l’a convaincue de se “ménager et de commencer à déléguer un peu plus aux autres”. Dynamique et dévouée, Johanne Rannoojee occupe aujourd’hui le poste de PR & Communications Manager chez Panda & Wolf, après avoir été Communications & Fundraising Officer pour le Kolektif Rivier Nwar. Elle a appris les relations publiques sur le tas et rayonne aujourd’hui dans ce domaine. C’est la vision créative de cette start-up basée dans le cadre préservé et atypique du Coworking à Port-Louis qui la motive. Une plate-forme qui lui permet d’avoir un certain style de vie mais aussi de toucher à des projets qui ont d’autres visées que la profitabilité. À travers l’application mobile Discover Mauritius, Panda & Wolf a souhaité offrir un guide de voyage complet qui permet aux touristes de découvrir Maurice différemment et être autonomes dans leurs découvertes. L’objectif sur le long terme est aussi de promouvoir la culture mauricienne en soutenant les artistes locaux. Dans l’équipe, “nous sommes entourés d’amis artistes et on s’est rendu compte qu’il est difficile de vivre de son art à Maurice si on n’est pas une tête d’affiche. Avec Discover Mauritius Talent, nous avons décidé de mettre nos aptitudes respectives à la disposition des artistes, avec un support technique, et aussi les mettre en lien avec un vaste réseau professionnel”.

“Il ne faut pas oublier d’où l’on vient”.

Johanne Rannoojee est une fille souriante avec une bonne dose de folie. Une amoureuse de la nature, qui aime marcher pieds nus, monter aux arbres, faire du yoga. Elle nous raconte ce qui lui a valu le surnom affectueux de Mouna Le Singe. “J’étais très casse-cou. Avec mes deux cousins et ma petite sœur, lorsque nous allions chez ma grand-mère qui avait de vieux manguiers dans sa cour, nous étions toujours fourrées dans les arbres à cueillir des mangues avec lesquelles nous faisions de la marmelade.”

Johanne Rannoojee est aussi une danseuse passionnée qui partage son art en donnant des cours à des enfants. Dans une vidéo réalisée dans le cadre de l’anniversaire de l’indépendance de Maurice, elle exécute une chorégraphie avec Emmanuel Chellen sur la chanson L’unité d’Eric Triton. Une vidéo qui permet de comprendre à quel point la danse lui est essentielle. “Je vis pour la danse. C’est ce qui me fait vibrer. La danse est ma façon d’exprimer mon mal-être, mon bonheur, mes appréhensions. C’est un message fort que l’on peut véhiculer sans utiliser de mots. Nos ancêtres esclaves dansaient autour du feu. C’était leur façon d’exprimer leur désarroi, leur déracinement.”

En tant qu’arrière-petite-fille de Chagossienne, la question de déracinement l’interpelle. Dans un tableau intitulé Terre en perdition, réalisé pour son projet de fin d’études secondaires, elle avait mis en images tous les combats qui la portent. “Cela fait partie de mon histoire et me touche. Il ne faut pas oublier d’où l’on vient.”
Johanne Rannoojee ne se laisse pas guider par des ambitions démesurées. “Le meilleur des ambitions, c’est de s’asseoir, écouter et comprendre les autres devant une bonne tasse de café.” C’est aussi s’ouvrir et s’imprégner de différentes cultures et traditions en voyageant. “C’est ma plus belle ambition”.

www.TheAfrindian.com