À propos d’adversaires…

Prenant la parole à une réunion régionale dans la circonscription de Port-Louis Nord/Montagne-Longue (No 4), Pravind Jugnauth a, entre autres sujets abordés, déclaré que son principal adversaire est la presse. Laquelle, selon ses propres mots, écrit des bêtises. « Mo pa per lopozision ditou. Mo adverser, ou kone kisanla ? Mo adverser, se lapress. Parski toulezour zot ekrir tou kalite konri. E apre ou tann dan radio, radio nek ale mem. Narien pa bon, narien pa bon, narien pa bon. Pena enn kiksoz ki nou fer ki bon. Tou negatif mem », dit-il.

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Encore une fois, au risque de se répéter, Pravind Jugnauth se trompe de cible. La presse, dans toute démocratie qui se respecte, est partenaire de l’État. Et dans toutes les démocraties du monde, ce duo inévitable entretient une relation forcément conflictuelle. Exception faite des titres qui optent pour une ligne éditoriale totalement partisane du pouvoir en place.

Là où le bât blesse, probablement, c’est dans la définition de partenaire. Pravind Jugnauth et ses grands experts en com ont, semble-t-il, amalgamé partenaire et complice. Complice, dans le sens de quelqu’un « qui participe avec quelqu’un à une action répréhensible ». Par contre, suivant la définition de complice comme quelqu’un « qui favorise l’accomplissement d’une chose », oui, la presse est totalement partie prenante des affaires de l’État ! Car, très souvent, c’est grâce à ses prises de positions et ses dénonciations que les choses changent… pour le meilleur. Les exemples ne manquent pas sur ce plan.

Alors pourquoi Pravind Jugnauth pense-t-il que la presse est son adversaire ? Ce mot étant, il convient de le souligner, le contraire de partenaire. Ce n’est pas à nous de rappeler au chef du gouvernement et sa cour que la presse est la garante de la liberté d’expression. En cela, son rôle est de veiller à ce que chaque Mauricien puisse se retrouver et s’identifier dans le traitement de l’information. Quand le citoyen trouve que ses droits sont bafoués et lésés, c’est vers la presse, indépendante, pas “chatwa”, qu’il se tourne, dans l’espoir que sa voix et ses doléances seront entendues et que des solutions seront trouvées à ses problèmes. Il en a été ainsi de tout temps, et cette relation de confiance média/citoyen va en se raffermissant.
Libre à Pravind Jugnauth et ses princes du jour de ne voir que la moitié vide du verre. Car quand des réalisations sont faites pour le bien-être des citoyens, cette même presse n’hésite pas à mettre en exergue celles-ci. Au moins, la presse remplit son cahier des charges, consistant à identifier et dénoncer des manquements ! Est-ce un crime ? Peut-on en dire autant de certaines instances étatiques qui se complaisent à taire les fautes graves de certains élus ?
Chaque régime qui prend le pouvoir souhaite avoir le contrôle total sur les médias, c’est un fait. L’idée d’avoir une presse qui ne cesserait de flatter ses réalisations et qui fermerait les yeux sur ses ratages et manquements est extrêmement alléchante, voire irrésistible. Mais elle relève d’une utopie. Toute démocratie saine verra encore et toujours des voix s’élever et se positionner contre toute forme de dictature, d’injustice en tous genres et de désir de contrôle total.

Dans le sillage de cette déclaration de Pravind Jugnauth, Navin Ramgoolam peut donc jouir d’un peu de repos. Car, la plupart du temps, dans ses interventions publiques, le chef du gouvernement n’a de cesse de s’en prendre à l’ancien Premier ministre.
Dans l’actualité cette semaine aussi, le rejet de l’Employment Relations Tribunal des revendications de l’Air Mauritius Cabin Crew Association dans le litige l’opposant à la compagnie nationale surprend. Heureusement que les membres de ce syndicat, des pères et des mères de famille qui ont à cœur le respect des droits humains, ne baissent pas les bras. La lutte continue.

La semaine dernière, la Cour internationale de justice de La Haye a rendu son verdict, provisoire certes, dans le cas porté par l’Afrique du Sud, accusant l’État d’Israël de commettre un génocide contre les Palestiniens. Ainsi, cette haute instance met en garde Israël et réclame des mesures. Certains diront que le mal est fait. D’autres que « lespwar na pa finn tom dan dilo ».
Partout où nos libertés seront mises à l’épreuve, des voix s’élèveront. Et ça, nul ne saura les arrêter, malgré bien des tentatives.

 

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