Alors, toujours sceptique ?

En 350 av. J.-C., le philosophe et polymathe Aristote démontrait de manière magistrale, dans son Traité du Ciel, la sphéricité de la Terre. Idée qu’il partageait notamment avec Platon et, deux siècles avant lui, d’autres pythagoriciens. Et pourtant, près de 2 500 ans plus tard, en 2023, beaucoup continuent de penser notre planète plate. Un récent sondage, effectué en France, met ainsi en évidence que pas moins d’un Français sur dix serait de cet avis. Malgré l’horizon déclinant, les images renvoyées depuis l’espace et nombre d’autres réalités physiques, vérifiables et vérifiées, les 15 millions de platistes du monde n’en démordent pas : la Terre est plate, et puis c’est tout !
Aberrant, non ? Eh bien pas totalement. Et ce, en raison même de la nature humaine. Car enfermés trop longtemps dans nos convictions, beaucoup d’entre nous préfèrent nier l’évidence que d’admettre que l’on a fait jusque-là fausse route. L’émotion l’emporte alors sur la raison. D’autant plus encore lorsque l’on ne maîtrise pas son sujet, ou lorsque l’on tente de manipuler les chiffres pour conférer une couleur scientifique à un ou des fait(s) sinon hautement contradictoires. Reste que la conviction des platistes, aussi ridicule soit-elle, ne fait de mal à personne. Et ce ne sont certainement pas eux qui empêcheront la planète de tourner… puisqu’elle est ronde.
Malheureusement, les platistes ne sont pas les seuls à braver la science et le bon sens pour faire passer leurs idées; il y a aussi les climatosceptiques. Qui, depuis des années, montent régulièrement au créneau pour dénoncer ce qu’ils estiment être un complot organisé. Contre quoi ? Contre qui ? Ce n’est pas dit clairement. Bien que l’on puisse imaginer que la cible des « méchants » scientifiques soit, à leurs yeux, notre système économique, puisque ce combat implique une réduction de nos émissions carbone, et donc de notre appareil de production, tant que nous n’aurons pas substitué nos énergies fossiles par des ressources plus « propres ».
Difficile donc de chercher à convaincre cette tranche toujours importante de notre espèce. D’autant que la plupart auront construit leur argumentaire sur celui véhiculé par d’autres. Comment parler science avec des personnes ne comprenant aucunement la construction du savoir scientifique, sans méthode ni rationalité ? En aucune façon la discussion ne pourrait aboutir, si ce n’est à les pousser dans leur retranchement : celui de déni absolu.
Le premier souci, c’est que, contrairement aux platistes, les climatosceptiques adoptent un comportement clairement criminel, leur principal objectif étant de convaincre un maximum que le changement climatique n’est en rien d’origine anthropique. Et que, de facto, nous pouvons continuer à vivre comme nous le faisons depuis plus d’un siècle. L’autre problème, c’est qu’ils sont encore très nombreux et ont infiltré toutes les sphères décisionnelles. Autrement dit le cercle très restreint des maîtres de notre destinée.
Pourtant, tous les signes sont là. Depuis quelques mois, les climatologues enregistrent des températures jamais vues jusqu’ici partout dans le monde. Des régions tempérées aux régions froides, des déserts aux tropiques, partout le thermomètre s’emballe. Au point que l’on estime déjà, alors que nous terminons à peine le premier semestre de l’année, que 2023 marquera un nouveau tournant dans l’évolution du réchauffement climatique, avec de nouveaux records historiques de températures.
Quant à ceux qui se croiraient à l’abri, leur optimisme sera vite mis à rude épreuve. Car non seulement aucune région ne sera épargnée, mais les plus touchées ne seront pas forcément celles que l’on croit. À l’instar du continent européen, où la surchauffe a atteint un rythme deux fois plus rapide que la moyenne mondiale (2022 aura été plus chaude de 2,3 °C que le climat de la fin du XIX siècle). Avec pour possible effet que l’Europe doive un jour rouvrir totalement ses frontières. Non pour laisser entrer les réfugiés climatiques, mais pour laisser fuir ses populations.
Nous sommes au bord du gouffre et personne – que l’on soit ou non climatosceptique – ne prend la mesure du danger. Trop occupés que nous sommes à poursuivre notre funeste plan de recherche de croissance. Il nous suffirait pourtant de peu pour changer de trajectoire, même si le temps nous est compté. Après tout, il y va de l’avenir de la planète. Qu’elle soit plate ou non d’ailleurs !

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -