Parlement : la souveraineté sur les Chagos comme plat de résistance

Le PM : « I urge the champions of the rule of law to stop being in denial of the legal reality by recognizing the sovereignty of Mauritius »

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Confirmation: « Tout détenteur d’un passeport mauricien pourra se rendre dans l’archipel  »

Consultations avec les Maldives pour le point de départ de la prochaine expédition d’évaluation dans les îles

Le leader de l’opposition évoque un montant de Rs 50 milliards par an des Américains comme loyer pour la base militaire américaine à Diego-Garcia

Pour les premières 90 minutes de la tranche du Question Time de la séance de l’Assemblée nationale d’hier, quasiment 60 minutes ont été consacrées au dossier des Chagos, dont 44 minutes à la Private Notice Question (PNQ). Le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval voulait faire le point sur des consultations anglo-mauriciennes au sujet de la souveraineté de Maurice sur cette partie du territoire, visant à compléter le processus de décolonisation. L’annonce de ces consultations avait été faite conjointement à Port-Louis et à Londres il y a exactement sept mois de cela. Toutefois, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a choisi la Parliamentary Question de la Backbencher de la majorité, Subhasnee Luchmun-Roy sur le jugement de la Special Chamber de l’International Tribunal on the Law of the Sea pour lancer une flèche du Parthe en direction de Londres et de Washington dans la conjoncture.

« It is deeply regrettable that certain countries which claim to be champions of the rule of law continue to show blatant disregard for the authoritative determinations of the International Court of Justice and of the rulings of ITLOS. I urge them to stop being in denial of the legal reality and to bring themselves into compliance with international law by recognizing the sovereignty of Mauritius over Chagos Archipelago, including Diego Garcia », s’est-il appesanti dans sa réponse liminaire à la parlementaire de la majorité.
Pour ce qui est des négociations entre Maurice et le Royaume-Uni, le Premier ministre a annoncé qu’un cinquième round se déroulant à Londres devrait se tenir très prochainement car les deux parties actuellement doivent se mettre d’accord au sujet des dates communes. Commentant les quatre premières séances de travail, il avance que

« we are making headway in the negotiations with the United Kingdom with a view to successfully fulfilling the sacred mission we have engaged since 2014  ». Il devait saluer la détermination de sir Anerood Jugnauth dans ce combat pour recouvrer la souveraineté de Maurice sur les Chagos alors que Xavier-Luc Duval a tenu à souligner que cette affaire remonte à 2010.

Outre la chronologie des différentes étapes aux Chagos, le Premier ministre a confirmé que « tous les détenteurs de passeport mauricien pourront entreprendre des voyages dans l’archipel » et que dans la conjoncture, il est urgent d’organiser une mission d’évaluation dans les îles des Chagos en vue de déterminer les besoins en vue de la mise à exécution du programme de Resettlement des Chagossiens. À cet effet, des consultations ont été engagées en vue de démarrer la prochaine expédition aux Chagos à partir des Maldives au lieu de Rodrigues, voire même des Seychelles.

À une interpellation supplémentaire du leader de l’opposition, le Leader of the House a indiqué que « tous les détenteurs de passeport mauricien pourront se rendre dans l’archipel ». Xavier-Luc Duval s’est également intéressé au montant du loyer, devant être réclamé des Américains pour la base militaire de Diego-Garcia.

Dressant le parallèle des Rs 3 milliards par an versées par les Américains à Djibouti, le leader du PMSD se demande si Maurice ne devrait pas réclamer au bas mot quelque Rs 50 milliards par an avec les Chagossiens installés On the Eastern Side of Diego Garcia, avec la base se situant dans l’Ouest de l’île.

Répondant à la PNQ, le Premier ministre a rendu un vibrant hommage à la lutte menée par feu sir Anerood Jugnauth, jetant les bases pour les progrès historiques accomplis jusqu’ici en vue de l’exercice de notre souveraineté sur l’archipel des Chagos. « La Chambre se souviendra de sa déclaration passionnée et émotionnelle à l’ouverture des travaux devant la CIJ en septembre 2018, qui fait date dans la lutte en faveur de la décolonisation complète de notre territoire », dit-il.

Par la suite, le Premier ministre a retracé les dates historiques associées à l’archipel des Chagos. Il rappelle que bien avant l’indépendance, la Grande-Bretagne avait excisé l’archipel des Chagos du territoire mauricien en violation du droit international et des résolutions adoptées par les Nations unies, dont la première date du 15 décembre 1960.
Il a relevé le rôle actif joué par l’Assemblée générale des Nations unies dans le processus de décolonisation avec à l’agenda provisoire de la 71e session d’un item intitulé : “Request for a advisory opinion for the International Court of justice on the legal consequences of separation of Chagos Archipelago from Mauritius in 1965”.

Puis une succession de dates, dont le 22 juin 2017 : l’adoption d’une résolution pour une Advisory Opinion de la Cour internationale de Justice ;
le 25 février 2018 : la CIJ a conclu que le processus de décolonisation de Maurice n’était pas complété légalement en raison de l’excision de l’archipel des Chagos avant l’accession à l’indépendance, et que par conséquent, les Britanniques ont
l’obligation de mettre un terme à l’occupation de l’archipel.

Poursuivant, il maintient que l’archipel des Chagos fait partie intégrante du territoire mauricien et que son administration par la Grande-Bretagne constituait un Wrongful Act, réclamant de fait le retrait inconditionnel de la Grande-Bretagne dans un délai de six mois. « Ce délai n’a pas été respecté par la Grande-Bretagne », s’appesantit-il.
Subséquemment, la carte du monde des Nations unies a été amendée de manière que l’archipel des Chagos soit reconnu comme faisant partie du territoire mauricien. Il a aussi souligné que l’ITLOS a reconnu que « the authoritative determination made by the ICJ in its advisory opinion in 25 February 2019 has in legal effect clear implication for the legal status of the Chagos archipelago ». De plus, ce tribunal a reconnu de manière indiscutable la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos.

Pravind Jugnauth a ensuite fait comprendre que lorsqu’il avait rencontré Liz Truss, alors ministre des Affaires étrangères britannique, en novembre 2021, à Glasgow, le dossier des Chagos avait été mentionné longuement. Par la suite, lorsqu’elle est devenue Première ministre britannique, il l’a rencontrée à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. La question est revenue sur le tapis.

« À travers ces négociations, l’intention de Maurice et de la Grande-Bretagne est de parvenir à un accord sur la base du droit international et sur toutes les questions, y compris celles concernant les habitants de l’archipel. Il a été convenu que quel que soit l’accord entre nos deux pays, la base militaire anglo-américaine serait maintenue. Jusqu’ici, quatre rencontres ont eu lieu en octobre et novembre 2022, janvier et février 2023, et en juin 2023. Ces discussions ont permis aux deux parties de mieux se comprendre et de traiter d’autres questions concernant l’exercice de la souveraineté sur les Chagos. Le retour des habitants des Chagos et la consolidation de la coopération sur une série de questions, incluant l’environnement et la protection maritime, entre autres, ont été discutés », affirme-t-il.

Puis le 14 février dernier, Pravind Jugnauth a eu une conversation téléphonique avec son homologue britannique, Rishi Sunak. « Nous sommes arrivés à un accord concernant la poursuite des négociations en vue d’arriver à un accord dans les mois à venir. La date du prochain round de négociations est en train d’être finalisée », ajoute-t-il.

Le Premier ministre a également souligné que la déportation des Chagossiens à Maurice a été effectuée en violation des droits humains, et a rappelé leurs droits en tant que citoyens mauriciens de retourner aux Chagos. « La lutte pour l’exercice de la souveraineté de Maurice sur les Chagos et le retour des Chagossiens sont indissociables », a-t-il maintenu.

Il ajoute que Maurice s’est engagée à entreprendre un programme en vue de l’installation des Chagossiens qui le souhaitent dans l’archipel. Ainsi, une provision de Rs 50 millions est prévue dans le budget 2023-2024.

Le gouvernement envisage en outre d’organiser un nouveau voyage dans l’archipel afin d’effectuer une évaluation de ce qui doit être fait pour faciliter le retour des Chagossiens. Il indique que son gouvernement s’est assuré de l’implication des Chagossiens dans les projets de développement en vue de leur retour. Il dira aussi que des consultations ont lieu régulièrement avec la partie chagossienne et que le gouvernement s’assure que leurs droits soient sauvegardés.

Pravind Jugnauth a indiqué que certains pays ont exprimé leur volonté de soutenir le retour des Chagossiens. « We expect the United Kingdom to cooperate with Mauritius in implementing a plan for resettlement in the Chagos archipelago. This will be fair and just and will also provide the UK an opportunity to make amends for the historic wrong that occurred », laisse-t-il entendre.

Il a finalement rappelé que la délégation mauricienne est dirigée par le chef du cabinet et chef de la Fonction publique. Les autres membres sont l’ambassadeur Koonjul, représentant permanent de Maurice à New York, MK Ballah, conseiller spécial au PMO, Me Dhiren Dabee, consultant au bureau de l’Attorney General, et FC Yong King Fat, occupant le poste de ministre-conseiller et Philippe Sands, KC.

Par ailleurs, le Premier ministre a expliqué qu’en fonction des sujets discutés, la composition de la délégation mauricienne peut subir des amendements. La délégation britannique est composée de sept hauts fonctionnaires mandatés par la Grande-Bretagne. « We are making headway in the negotiations with the UK with a view to successfully fulfilling the sacred mission we have engage into », devait-il conclure dans sa réponse liminaire.

XLD : J’ai noté que depuis le début de l’année, le Premier ministre n’a pas mentionné que les négociations se déroulent de manière satisfaisante. Êtes-vous satisfaits de la façon dont se tiennent les négociations ? Quand pensez-vous qu’elles prendront fin, prenant en compte qu’en novembre dernier, l’intention était de conclure les négociations au début de cette année ?

PJ : Tout le monde réalise que les questions à l’agenda ne sont pas simples et faciles. Certaines sont très complexes et demandent du temps. Lorsque nous avons commencé, nous avions eu à nous mettre d’accord sur la base sur laquelle les négociations devaient se dérouler. (Il revient sur les échanges avec Liz Trust.)
Une série de questions sont sur la table et nous progressons. Le leader de l’opposition me demande quand les négociations prendront fin. La même question a été posée à la Chambre des Communes par Jeremy Corbyn à James Cleverly. Ce dernier a répondu qu’il n’est pas en mesure de donner une date. Je répéterai la même chose. Les discussions prendront le temps qu’il faudra. Nous verrons. Un nouveau round de négociations est prévu pour bientôt. Nous avons à voir quand on pourra avoir une date qui satisfait tout le monde. Laissons les discussions se poursuivre et le moment venu, je rapporterai ce qu’il faut à la Chambre.

XLD : La souveraineté a été accordée à Maurice par la CIJ. Le Premier ministre peut-il dire clairement que nous parlons de souveraineté sur tout l’archipel des Chagos, y compris Diego-Garcia ?

PJ : J’ai toujours été très clair à ce sujet. Je suis surpris que le leader de l’opposition puisse avoir des doutes. Je l’ai répété régulièrement à Maurice et à l’étranger, ainsi que dans les fonctions publiques, comme lors de la commémoration du 50e anniversaire de la déportation du dernier Chagossien, qu’il y a quelques sujets fondamentaux, dont la souveraineté. La CIJ et l’ITLOS ont reconnu que le seul pays ayant des droits sur l’archipel des Chagos,  incluant Diego Garcia, est Maurice.

XLD : Puisque nous avons la souveraineté sur les Chagos, nous comprenons que Diego-Garcia sera loué à bail. Je souligne que les Américains paient Rs 3 milliards par an pour une base plus petite à Djibouti. Par conséquent, il faut savoir quel sera le taux de compensation accordé aux Chagossiens. Les Resettlement Fees sont présentement sur la table. Selon moi, il devrait tourner autour de Rs 50 milliards.

PJ : Je prends note de la proposition du leader de l’opposition. J’ai entendu Rs 50 milliards. Nous n’en sommes pas encore là. Lorsque ce sera le cas, nous informerons la Chambre.

XLD : Le rapport de KPMG au prix de 2014 prévoit un montant de Rs 15 milliards pour l’installation des Chagossiens. Qu’a-t-on demandé à la Grande-Bretagne pour la compensation, l’installation des Chagossiens, etc. ?

PJ : Le rapport du KPMG a proposé trois options. Mais les options dépendent des indicateurs, dont le nombre de personnes qui devront s’installer dans l’archipel, s’il doit avoir une piste d’atterrissage, une jetée pour les navires…

Je ne veux pas mentionner des chiffres qui ont été cités par le rapport, qui date déjà de 2014. Il faut savoir quels types d’infrastructures nous voulons construire là-bas et combien de personnes pourront s’y installer. Quelles sont les facilités qui devront y être installées, etc. C’est la raison pour laquelle nous avons commencé des travaux préliminaires pour déterminer les facilités nécessaires. Nous aurons à effectuer une mission pour une étude à cet effet. Nous avons prévu le soutien d’autres pays. Nous discuterons également avec la Grande-Bretagne pour savoir ce qu’elle pourra faire.

XLD : Le rapport de KPMG ne parle pas de l’installation de 150 personnes, mais de 1 500 personnes. Le PM est-il au courant que la meilleure façon de procéder est de le faire sur la côte orientale de Diego-Garcia ?

PJ : Le leader de l’opposition affirme qu’il ne peut pas parler de l’installation de 150 personnes, mais il cite le rapport de KPMG qui parle de 1500 personnes. Vous parlez ensuite de l’installation de facilités à l’Est de Diego Garcia. Tout cela doit faire l’objet des discussions. Nous pourrons en parler seulement lorsqu’il y aura un accord. Il est prématuré à ce stade de parler de ce qui a été dit, etc.

XLD : Les Mauriciens ne souhaitent pas être mis devant les faits accomplis. Ils veulent savoir ce qui fait l’objet des discussions, et le contenu de l’accord qui sera conclu en leur nom. Il y a aussi la question de la double nationalité des Chagossiens. Pourront-ils avoir la double nationalité ?

PJ : Le leader de l’opposition doit être la dernière personne à parler de faits accomplis. Regardez tous les progrès faits et accomplis depuis 2014. C’est une question d’intérêt national et je ne citerai pas ce que Philippe Sands a répondu concernant l’ancien Premier ministre. Ne faisons pas de politique sur cette question. Le plus important est que nous faisons des progrès. We are making tremendous progress on this issue. (Le PM cite la CIJ, l’Assemblée des Nations Unies… Il y a eu le jugement de l’ITLOS, qui a démarqué le territoire maritime entre Maurice et les Maldives. Ce jugement est contraignant pour tous les pays, et c’est le jugement final.) Regardez le progrès que nous avons accompli. Tous les Chagossiens qui le veulent pourront s’installer aux Chagos selon les lois en vigueur à Maurice.

XLD : Quelle est la position de Maurice concernant la double nationalité des Chagossiens ? Dites-nous s’il y a un plan pour les prochaines semaines et mois…

PJ : Le leader de l’opposition ne doit pas essayer de confondre les gens. Ce que j’ai dit, c’est que nous avons fait des progrès fantastiques concernant notre souveraineté sur l’archipel des Chagos (il cite à nouveau les résolutions qui ont été adoptées). De toutes les façons, n’importe qui ayant la nationalité mauricienne, et pas uniquement les Chagossiens, sera en mesure d’aller aux Chagos. Est-ce que je sais qui sont ceux qui ont une double nationalité ?

XLD : Le pire sera que tous les Chagossiens installés en Grande-Bretagne rentrent aux Chagos ou à Maurice. On doit s’assurer que les personnes aient la liberté de choix.

PJ : Je l’ai dit. N’importe quelle personne qui a la nationalité mauricienne pourra se rendre dans l’archipel.

Arvin Boolell demande alors si la Grande-Bretagne a reconnu la souveraineté mauricienne avant de commencer les discussions. Pravind Jugnauth affirme n’avoir ni vu ni entendu un Premier ministre ou un ancien Premier ministre affirmer qu’ils abandonneront la souveraineté sur les Chagos. « La souveraineté est une question fondamentale puisque nous sommes en présence de résolutions et de jugements. »

Arianne Navarre-Marie voulait, elle, savoir si les Chagossiens sont des parties prenantes de toutes les discussions. Ce à quoi le Premier ministre a affirmé que oui, contrairement à ce qui se passait auparavant, sous le gouvernement travailliste, où les Chagossiens ne faisaient partie d’aucune délégation.

À ce stade est survenue une prise de bec entre le Speaker et Arvin Boolell. À un moment, Alan Ganoo  a affirmé avoir entendu Arvin Boolell dire que le Premier ministre « is lying ». Le Speaker lui a demandé de présenter ses excuses. « Je présente des excuses au nom de mes amis chagossiens », a-t-il rétorqué. « Il faut présenter des excuses à l’Assemblée et sans condition », a repris le Speaker.

Le Premier ministre a rappelé que les Chagossiens ont participé à une exposition à New York, de même qu’au voyage aux Chagos, ajoutant qu’ils ont pu se rendre à Peros Banhos et Salomon. « Je tiens à dire que nous avons des consultations régulières avec les Chagossiens concernant la question de resettlement. »
Et le Speaker de conclure : « Time over by 14 minutes ! »

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