Chagos : Boris Johnson, le dernier colon

Alors que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, prenait la parole à la tribune des Nations Unies pour faire part à la communauté internationale que le processus de décolonisation de Maurice, et par conséquent de l’Afrique, était en cours, une voix inattendue, coming from nowhere, s’est levée pour s’ériger en barrière contre tout accord éventuel entre le Royaume-Uni et Maurice concernant les Chagos. « No way I said, when I heard the news about the Chagos islands.Why would we be so uttely spineless? » s’insurge l’ancien Premier ministre et ex-député britannique Boris Johnson dans un courrier publié dans le Daily mail, et repris sur son édition Internet.

- Publicité -

Ce dernier s’offusque à l’idée que la Grande-Bretagne serait sur le point de commettre une erreur colossale. « Après plusieurs siècles de souveraineté britannique ininterrompue, nous sommes sur le point de faire demi-tour et d’abandonner le British Indian Ocean Territory », a-t-il lancé plein d’arrogance.
Ce faisant, Boris Johnson a révélé au monde son vrai visage, celui d’un colon qui refuse de voir la réalité en face et prêt à tout, quitte à déformer la vérité des choses afin de tenter d’imposer sa volonté. Boris Johnson sortirait-il d’une hibernation profonde qui fait qu’il n’a pas vu l’évolution de l’histoire durant ces dernières années ? Comment se fait-il qu’il puisse ignorer que, dès 1965, la résolution 1514 des Nations Unies exigeant le respect de l’intégrité territoriale était déjà en vigueur, de même qu’en séparant les Chagos de Maurice, la Grande-Bretagne enfreignait cette règle, et que la façon dont les Chagossiens ont été déracinés de leur territoire est considérée aujourd’hui comme un crime contre l’humanité ?

Pour celui qui se croit encore à l’époque des colonies, et dont la démarche s’apparente à celle d’un colon, ni le constat de la Cour internationale de justice, contraignante ou pas, ni la résolution 71/292 adoptée par les Nations Unies, malgré les menaces d’ordre économique émises par Boris Johnson lui-même contre Maurice (voir La Dernière colonie, de Philippe Sands, à la page 136), ne change rien. Tous ceux qui ont suivi les débats sur le Brexit connaissent la capacité de Boris Johnson à mélanger le vrai et le faux pour influencer le public, souvent mal informé.

Les Britanniques ne sont pas exemptés. Cette fois, il cherche a joué la carte de la sécurité en rappelant le rôle joué par la base militaire américaine lors de la première guerre du Golfe, ainsi qu’en 2001 lors de la guerre contre les Talibans, et en 2003 lors de celle en Irak. Boris Johnson ignore-t-il que même s’il y a un courant contre la base militaire de Diego Garcia, les autorités mauriciennes ont accepté de maintenir celle-ci et demandent aux Etats-Unis de négocier avec le gouvernement mauricien ?
Heureusement que ces propos ont été condamnés avec force à Maurice aussi bien par le gouvernement que par l’opposition. Olivier Bancoult, président du Groupe Réfugiés Chagos, n’y est pas passé par quatre chemins pour dire ses quatre vérités à l’ancien Premier ministre. « Boris Johnson doit avoir honte de ses propos au sujet de la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos », a-t-il lancé.

Arvin Boolell, lui, a déploré la réaction primaire de Boris Johnson. « Ses paroles pourraient être perçues comme des insultes envers Maurice et les pays qui ont soutenu notre pays dans sa démarche à l’Onu », estime-t-il. Il considère ainsi qu’en vérité, il s’agit d’un problème politique interne des Conservateurs britanniques. Boris Johnson tente de semer la discorde et se prépare à faire un come-back en vue des prochaines élections, prévues pour l’année prochaine en Grande-Bretagne.

Le Premier ministre, qui est rentré au pays jeudi, après sa mission aux Nations Unies et en Grande-Bretagne, n’a pas encore réagi. À la tribune des Nations Unies, il avait envisagé une issue favorable des discussions avec les Britanniques. « We hope that these talks will lead to the completion of the decolonization process of Mauritius and enable Mauritius implement its resettlement program », avait-il dit. Beaucoup à Maurice souhaitent que ce dossier soit traité de manière plus transparente.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour