Chrysoula Zacharopoulou : « En partenaires et voisins, nous sommes liés par une communauté de destin »

La secrétaire d’État français au Développement et aux Partenariats internationaux, Chrysoula Zacharopoulou, était en mission à Maurice fin de semaine dernière. Elle représentait la France au Conseil des ministres de la Commission de l’océan Indien (COI) jeudi, et a participé à une série d’activités le lendemain dans le cadre des relations bilatérales entre Maurice et la France. À cette occasion, elle a rencontré le Premier ministre, Pravind Jugnauth, à qui elle a transmis une invitation du président Macron pour assister aux Jeux Olympiques de Paris en juillet et au Sommet de la Francophonie en octobre. Elle a aussi eu une rencontre avec des collégiens et des jeunes professionnels à l’Institut français de Maurice, et n’a pas caché son émotion devant leur témoignage. Elle a par la même occasion annoncé son soutien à deux initiatives architecturales innovantes présentées respectivement par NOU et le Centre d’Études de -Développement territorial indo-océanique (CEDTI).

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Dans une interview accordée à Le-Mauricien avant de quitter Maurice pour rentrer en France, Chrysoula Zacharopoulou a souligné qu’« en partenaires et voisins dans l’océan Indien, nous sommes liés par une communauté de destin ». Elle estime également que le partenariat entre Maurice et la France est riche et dynamique.

Vous représentez la République française à la réunion du Conseil des ministres de la COI. Est-ce que cette représentation de haut niveau est représentative de l’importance qu’accorde la France à la COI ?

Absolument ! C’est la deuxième fois que j’ai l’honneur de représenter la France au Conseil des ministres de la COI, présidée cette année par vle ministre des Affaires étrangères de Maurice, Maneesh Gobin. Je m’en réjouis car nous y attachons beaucoup d’importance, pour une raison simple : en partenaires et voisins dans l’océan Indien, nous sommes liés par une communauté de destin !

Nous appartenons à cette communauté grâce à nos territoires ultramarins. J’étais d’ailleurs très heureuse d’être accompagnée par les représentants de La-Réunion, l’île sœur de Maurice. La COI joue un rôle clé pour la prospérité et la sécurité de la région. Nous croyons dans cette organisation, donc nous investissons : les financements français et européens couvrent plus de 90% du budget des projets portés par la COI !

Quels sont les projets stratégiques qui intéressent le plus le gouvernement français dans le cadre de la coopération régionale au sein de la COI ?
La COI mène à bien des projets en lien avec des objectifs de première importance : la sécurité maritime, la sécurité sanitaire, la protection de l’environnement. Elles contribuent à notre prospérité commune dans l’océan Indien.

La dernière réunion du Conseil des ministres a décidé de pérenniser deux excellentes initiatives. Pour la santé publique, nous continuons d’investir dans notre réseau de surveillance épidémiologique et de gestion des alertes de santé publique. Depuis 15 ans, le réseau SEGA réunit et coordonne près de 400 professionnels de santé des États membres de la COI. Après la pandémie de Covid et face à l’épidémie actuelle de choléra, c’est plus que jamais nécessaire !

Pour la sécurité maritime, nous lançons l’initiative Safe Seas Africa pour prolonger l’engagement historique de l’Union européenne dans ce domaine. Je me réjouis aussi d’avoir obtenu que le département de Mayotte soit pleinement associé à ces deux projets. Face aux défis régionaux et mondiaux qui concernent tous les citoyens riverains de l’océan Indien, nous ne pouvons pas accepter d’exclure l’une de nos îles des initiatives et projets de la COI !

Enfin, nous allons accélérer nos travaux sur la résilience climatique, un sujet très existentiel pour les États insulaires, particulièrement vulnérables. Comme je le disais au Premier ministre, Pravind Jugnauth, c’est une préoccupation que nous partageons pleinement et que je porterai avec force cette semaine à la Conférence des Nations unies dédiée à ce sujet.

Le projet Horizon 2030 a-t-il été bien enclenché ? Quel rôle la France est appelée à jouer dans le cadre de ce plan ?
Oui, Horizon 2030 est lancé. Avec un objectif clair : renforcer et moderniser la Commission de l’océan Indien. Cette initiative va démultiplier nos capacités à mener ensemble des projets ambitieux au bénéfice de nos concitoyens.

Ces dernières années, nous avons donné des moyens de plus en plus importants à la commission. C’est pourquoi nous avions besoin d’avoir une organisation parfaitement adaptée. La France s’est pleinement engagée pour soutenir cette évolution. Jeudi, lors du Conseil des ministres de la COI, nous avons acté un financement de dix millions d’euros. C’est un engagement en Équipe Europe, avec six millions investis via notre agence de développement et quatre millions engagés par l’UE.

Plusieurs grandes puissances ont manifesté leur intérêt pour la COI, dont le Japon, la Chine et l’Inde. Comment accueillez-vous cet intérêt international ?
La COI est au cœur de l’espace indopacifique dont ces pays sont des acteurs importants. Leur intérêt croissant est un signe positif. C’est la preuve que la COI a franchi un cap et que nos actions dans le Sud-Ouest de l’océan Indien sont reconnues sur le plan international.

Nous avons pris notre place dans l’indopacifique au sens large : la COI développe des partenariats dans ce bassin, notamment avec l’Association des États riverains de l’océan Indien (IORA). Mais notre identité ne se dilue pas dans le grand espace indopacifique. Les membres de la COI partagent deux spécificités qui fondent l’indianocéanie : la francophonie et l’insularité.

Forts de ces particularités qui nous rassemblent, nous travaillons pour la stabilité et pour la prospérité. Pour faire face, ensemble, aux défis écologiques, sanitaires et sécuritaires.

La COI occupe-t-elle une place importante dans la stratégie indopacifique adoptée par la France en 2018 ?

Depuis 2018, notre stratégie indopacifique poursuit deux objectifs pour lesquels la COI joue un rôle utile. Le premier, c’est de nous assurer que nous avons un espace indopacifique libre, ouvert et sûr. Dans l’océan Indien, la coopération pour une architecture de sécurité et pour la sûreté maritime au sein de la COI y contribue.

Le deuxième objectif, c’est de construire des partenariats de confiance pour faire face aux grands défis planétaires, comme l’urgence climatique. Là aussi, les projets de la COI jouent pleinement leur rôle et la France y contribue via ses opérateurs, l’AFD ou le CIRAD, et ses partenaires, comme le FIDA.

Votre visite à Maurice a également une dimension bilatérale. Comment se porte le partenariat entre la France et Maurice ?
Notre partenariat est riche et dynamique ! Il est d’une grande qualité comme j’ai eu le plaisir d’en témoigner au Premier ministre. Notre amitié est ancienne et forte. C’est le fruit d’une histoire commune, de liens humains nombreux grâce à notre grande proximité… pas seulement géographique mais aussi linguistique ! La France et Maurice appartiennent toutes deux à la grande famille francophone !

Dans cette proximité, nous pouvons identifier nos intérêts mutuels. Ce partenariat solide repose sur des coopérations nombreuses et concrètes. Alors que les tensions du monde augmentent, c’est donc un partenariat important pour défendre ensemble le respect du droit international et le bon fonctionnement du système multilatéral.

Quels sont les grands axes de coopération entre nos deux pays ?
L’environnement est une priorité commune. Nous travaillons sur la gestion durable des ressources en eau à l’île Maurice et à Rodrigues. C’est un engagement que nous avons renforcé en 2023 par un prêt de 200 millions d’euros via l’AFD. Nous travaillons aussi avec les banques publiques mauriciennes pour financer des projets d’adaptation au changement climatique.

Un deuxième axe de coopération concerne la sécurité. Nous travaillons ensemble pour renforcer la sécurité maritime et pour lutter contre les trafics de drogue. Enfin, les liens humains sont au cœur de notre partenariat ! Je pense notamment à nos échanges académiques et scientifiques. Cette coopération s’est considérablement renforcée depuis la mise en œuvre en 2020 du réseau des études françaises à Maurice et la formalisation en 2019 du partenariat pour la mobilité des chercheurs.

La France et Maurice sont aussi des partenaires sur la scène internationale. Par exemple, lors du sommet du G20 de 2023 auquel Maurice avait été invitée, nous avons pu faire valoir ensemble les spécificités des États insulaires sur les enjeux économiques et écologiques.

Le partenariat entre Maurice et La-Réunion dans le domaine commercial et du développement durable, entre autres, s’est intensifié ces dernières années. Peut-on faire une évaluation des avancées réalisées entre les deux îles sœurs ?
La relation entre les deux îles sœurs est au cœur des relations franco-mauriciennes. C’est pourquoi je me réjouis que nous ayons réalisé d’importantes avancées ces dernières années pour amplifier encore cette relation dans de nombreux domaines : du développement de l’économie bleue à la formation de la jeunesse.

Mais je voudrais prendre un exemple en vue de la deuxième réunion de la Commission mixte Maurice – La-Réunion. Vendredi matin, les ministres Kavy Ramano, Mahen Kumar Seeruttun et moi-même lancions deux groupes de travail pour accélérer ensemble sur la transition écologique : pour mieux gérer les déchets solides et pour développer la biomasse. J’en suis convaincue : avec le soutien de l’Équipe Europe, en mobilisant les acteurs privés, on peut avancer dans une véritable logique gagnant-gagnant ! Au service des deux îles !

Durant votre séjour, vous avez visité le chantier d’une usine de recyclage. Peut-on dire que la transition écologique est un dossier qui vous tient à cœur ?
Oui, la transition écologique, c’est la priorité de notre politique de partenariats internationaux. Pour une raison simple : face aux défis environnementaux, du climat et de la biodiversité, nous sommes totalement interdépendants.

C’est le fil vert de toutes mes missions diplomatiques. Vendredi, je suis en effet allée visiter le site industriel de l’entreprise WeCycle que finance notre agence de développement. Je crois aux solutions qui vont du local au global et inversement. Ces enjeux nécessitent un consensus international et une mobilisation de terrain. C’est pourquoi je pratique une diplomatie au contact : auprès des entreprises, des associations, des collectivités de nos partenaires.

Cette visite d’usine était un excellent exemple de l’ambition que nous partageons avec Maurice : elle va créer des emplois, réduire les dépendances de Maurice et générer de la valeur économique et écologique.

Est-ce que Maurice est toujours attirante pour les investisseurs français ?
Oui ! Maurice est plus attractive que jamais ! Je ne parle pas de mes 450 000 compatriotes qui viennent chaque année profiter de votre hospitalité et de la beauté de votre pays. Je parle bien des entreprises françaises. Il y a plus 170 filiales d’entreprises françaises implantées sur l’île et dans tous les secteurs !

Durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, nous avons multiplié les investissements à Maurice par six, pour atteindre un stock de 6,7 milliards d’euros !
Maurice attire la France mais je souhaite donner « envie de France » à tous les acteurs mauriciens. C’est ça une véritable relation partenariale ! Pour la septième année consécutive, nous avons été classés comme étant le pays le plus attractif d’Europe ! Vous êtes les bienvenus pour entreprendre et investir chez nous ! Choose France !

Maurice a organisé récemment la conférence ministérielle sur le trafic de drogue et l’abus des substances dans l’océan Indien occidental. La France est-elle partie prenante de cette démarche ?
Oui ! Félicitations à Maurice pour cette initiative importante qui a fédéré une vingtaine d’États dont la France. Grâce à votre action, nous avons désormais une stratégie régionale de lutte contre la drogue et nous avons créé un observatoire que la France et l’Europe soutiendront. Ce sera également le cas pour le groupe de coopération douanière dont nous avons pris l’initiative, depuis La-Réunion en 2022.

Lors du Conseil des ministres de la COI, j’ai également annoncé que nous renforcerons notre appui aux outils qui permettront de réaliser ces objectifs. Je pense aux centres de fusion d’information et coordination de la sûreté maritime ainsi qu’à la formation et au partage d’expertise au sein de l’Académie de sécurité de l’océan Indien que nous mettons en place à La-Réunion.

Est-ce que les conflits internationaux en Europe et en Afrique, et leurs effets sur les économies des pays de la région, ont été évoqués avec les autorités mauriciennes ?
Entre Maurice et la France, nous dialoguons en confiance sur tous les sujets géopolitiques. Cela s’est encore vérifié lors de mes riches échanges avec votre Premier ministre.
Notre lecture de l’agression russe de l’Ukraine est très convergente. Les conséquences de cette guerre illégale sont mondiales. L’inflation qu’elle a provoquée engendre de nombreuses complications, géoéconomiques notamment pour nos partenaires en risque de surendettement. L’insécurité alimentaire qu’elle a causée a été instrumentalisée par Moscou. Alors que la Russie durcit sa posture et se montre de plus en plus agressive, nous devons faire tout ce qui est nécessaire pour que la Russie ne gagne pas cette guerre.

Nous avons également échangé sur la situation au Proche-Orient. Dès le 7 octobre, nous avons condamné les attaques terroristes du Hamas, soutenu le droit d’Israël à se défendre et appelé à la libération inconditionnelle des otages. Toutefois, la situation à Gaza est devenue inacceptable et intenable, il faut désormais un cessez-le-feu immédiat et durable ainsi qu’un accès rapide de l’aide humanitaire. Celle-ci va s’aggraver avec l’opération menée à Rafah à laquelle nous nous sommes opposés. In fine, une solution politique est indispensable : c’est la solution à deux États.

Pour terminer, comment voyez-vous l’avenir de la coopération entre nos deux pays ?
Nos relations sont déjà excellentes mais l’avenir est encore plus prometteur ! Puisque l’économie mauricienne se développe vite et durablement, Maurice pourrait sortir, d’ici quelques années, de la catégorie des pays en développement que nous soutenons. Nous anticipons ensemble cette évolution très positive. C’est le signe d’une relation très mature, portée par d’excellentes coopérations bilatérales et multilatérales.

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