Croissance verte : la grosse mascarade

Parmi les néologismes revenant le plus souvent en cette ère d’incertitudes climatiques, celui de la « croissance verte » est probablement l’un des plus usités.

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Et pour cause, puisqu’il renvoie à l’idée que l’humanité pourrait continuer de tirer profit de la croissance économique, autrement dit prospérer, en nous conférant sécurité, argent et confort, tout en adoptant des principes en accord avec la cause environnementale. Si l’idée est séduisante (qui d’ailleurs prétendrait le contraire), lorsque l’on y regarde d’un peu plus près, on se rend rapidement compte qu’il y a là source à problèmes. Et à plus d’un titre.

En premier lieu, faisons un peu de sémantique et attardons un instant sur cette association de mots, et qui est en soi une hérésie. Ainsi avons-nous, d’un côté, le mot « croissance », et de l’autre l’adjectif « verte ». Autrement dit un concept dont le moteur est la production et la consommation – et donc une production accrue de gaz à effet de serre, le pétrole et le charbon étant encore pour l’heure nos principales sources énergétiques –, face à un terme associé à l’environnement et au climat. Soit, dit plus simplement encore, hausse de nos émissions carbone contre limitation de nos émissions carbone. Ce qui constitue en l’état une totale aberration, car renvoyant davantage à un slogan politique qu’à une formule réellement profitable. En d’autres mots, un mariage de raison plutôt qu’un mariage d’amour.

Bien entendu, les promoteurs de ce « slogan » vous diront qu’il s’agit en fait d’instaurer une transition énergétique, soit encore de passer du tout-carbone au tout-renouvelable. Mais là encore, il y a un souci, et de taille. À savoir qu’une transition consiste, pour un objectif donné, à franchir une succession d’étapes. Sauf que… nous n’avons tout simplement plus le temps. Car quel que soit le temps que prendra cette transition, il sera définitivement trop long, sachant d’autant plus qu’il nous faudrait alors convaincre l’ensemble du monde d’adopter le même calendrier de travail. Comment en effet imaginer que nous pourrons, avant l’échéance donnée et partout à travers la planète, et sachant ce qu’il en coûte, de remplacer une source d’énergie par une autre ? Bref, une utopie, puisque nous aurons été notamment jusque-là incapables de respecter ne serait-ce qu’une partie des engagements déjà pris.

Là est donc le véritable problème : le temps. Preuve en est que s’il y a 10 ans à peine, les scientifiques évoquaient 2040 comme ultimatum pour réduire nos émissions carbone en vue de rester dans la limite d’un réchauffement de +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, aujourd’hui, ces mêmes experts, au regard de la hausse de nos émissions, ont largement revu leurs estimations et ne nous donnent plus que jusque… 2030. À peine plus de sept ans donc, autrement dit un laps de temps beaucoup trop court que pour envisager une transition, telle en tout cas que nous la concevons.

En vérité, le concept de « croissance verte » est même, d’une certaine façon, contre-productif sur le plan climatique, en ce sens qu’il a pour effet, indirectement et de manière inconsciente, de nous faire baisser notre garde, de nous dédouaner de toute responsabilité environnementale. Pourquoi en effet voudrions-nous changer de système néo-libéraliste si l’on prend le chemin de la transition écologique ? Eh bien, encore une fois, simplement parce que cette brillante idée, il fallait l’avoir eue il y a plusieurs décennies déjà.

Et que l’heure, désormais, est soit à une action radicale, soit à la désinvolture, radicale elle aussi, avec évidemment en bout de course des conséquences diamétralement opposées.
La croissance verte n’est donc au final qu’un leurre, le plus souvent utilisé à des fins essentiellement politiques.

Ce faisant, il renvoie à l’impérieuse nécessité, pour ceux dirigeant la marche du monde, de maintenir en place un système ayant fait d’eux ce qu’ils sont aujourd’hui. En d’autres termes un système leur garantissant argent, puissance et pouvoir. Et bien sûr, cela ne changera pas ! Quel électeur, d’ailleurs, voterait pour un candidat prônant la décroissance ou un retour aux valeurs essentielles ? À l’inverse, promettez-lui de faire fructifier ses revenus et d’augmenter son confort, tout en prônant bien entendu quelques mesures éparses vertes – et encore, parce qu’on ne peut faire autrement –, et ce même électeur se précipitera aux urnes ! Triste humanité !

Michel Jourdan

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