Exposition – Blue Penny Museum : Les brèdes de Deepa Bauhadoor font recette

Lauréate pour Maurice du concours de l’Iconothèque historique de l’océan Indien, Deepa Bauhadoor se raconte au Blue Penny Museum à travers une exposition autour des brèdes. Elle a en effet su remettre en scène ce patrimoine culinaire qui trône dans nos assiettes sans penser qu’un jour, ces mêmes brèdes titilleraient l’imaginaire. Cette exposition a été conçue pour pouvoir s’exporter à Madagascar en avril 2024, et si tout se passe bien également à La-Réunion et en France.

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Passionnée d’art et enseignante dans cette matière, Deepa Bauhadoor se distingue à travers ses tableaux. Exposant ses œuvres tant à Maurice qu’à l’international, notamment en Inde, en Chine, en Italie et en Bulgarie, elle s’est particulièrement fait connaître à travers sa troisième exposition solo, autour des brèdes. Sa première expo à titre personnel ayant eu lieu à Delhi.

Deepa Bauhadoor a l’habitude de flirter avec la nature, histoire de capturer les senteurs en faisant naître sous son fuseau le portrait de quelques-uns de nos produits locaux. Les fleurs, la canne à sucre, les fruits… rien ne lui échappe. En communion avec son art, elle les décline au fil de ses émotions. « C’est la nature qui m’inspire le plus, et j’ai essayé de lui rendre justice à travers mes œuvres », dit-elle.

Quand on lui parle de cette idée étonnante qu’elle a eu de mettre en relief les brèdes des îles, Deepa Bauhadoor lâche : « c’est plutôt l’inverse. Comment se fait-il que nous ne nous soyons jamais penchés sur ce concept, qui s’est pourtant révélé crucial dans le passé et qui fait partie intégrante de notre culture mauricienne. Les brèdes sont la preuve d’une interculturalité, de partages de connaissances, de projet de communauté de vie. »
Il a fallu de cette bourse Iconothèque, qui repose sur des principes similaires d’échanges, de mise en commun, d’accessibilité à la culture, et de la sélection du projet de Deepa autour des brèdes pour nous plonger dans un rappel de notre patrimoine culinaire. Comme au temps des grandmoun, qui faisaient comprendre sans arrêt que dans les brèdes, il y a du fer, en provenance de cette terre nourricière.

Deepa, elle, s’est chargée, à travers cette exposition, de faire voyager notre culture. Comme elle le confirme d’ailleurs : « Les brèdes, par leurs dénominations, sont également la preuve d’une interculturalité inscrite dans notre communauté de vie. Brède de Chine, brède chinois, brède petsaï, indiquent une origine chinoise; brède malbar et brède mouroung ont une dimension certainement indienne; et brède gandole, une origine attestée d’Angola. On pourrait multiplier les exemples… »

Cette multiplicité des connaissances et des origines partagées atteste « d’un fonctionnement, d’un esprit fondamentalement créole », dit-elle. « Il existe un jardin à la française, un jardin anglais, mais tout aussi bien un jardin créole, qui a ses règles de fonctionnement et de partages réciproques et d’échanges de bon voisinage sur la “miray lantouraz”, qui est une marque fondamentale de notre culture commune, dont nous avons toutes les raisons d’être fiers. »

À l’entendre parler, il existerait une cinquantaine de variétés de brèdes que l’on peut cueillir un peu partout. Est-ce aussi un moyen d’exploiter ce produit à l’international dans les assiettes des grands chefs ? Deepa, elle, préfère accentuer sa quête du sujet sur son exposition. Elle a ainsi choisi de réaliser une trentaine de planches d’histoire naturelle de format A2 sur papier aquarelle, de facture traditionnelle ou descriptive, permettant de montrer chacune des brèdes les plus utilisées à Maurice. Brède giraumon, brède sousou, brède mafate, brède moutarde, brède basmati, etc. Bref, « toutes plantes qui n’ont, à ce jour, jamais fait l’objet d’un récolement systématique, ni même d’une attention particulière, les artistes comme les scientifiques préférant souvent privilégier la beauté des fleurs ou la magnificence d’arbres plus spectaculaires, mais ne possédant pourtant pas nécessairement les dimensions anthropologiques humaines et historiques que les brèdes ont pourtant eues par le passé » indique l’artiste.

Quand on évoque en sa présence les vertus médicinales de ces brèdes, Deepa Bauhadoor acquiesce que c’est pour cette raison que ses planches s’attardent sur les bienfaits, non seulement des brèdes, mais aussi de la feuille, de la liane, de la racine… Rien ne lui échappe. Ses dessins sont soutenus d’une documentation qui parle des vertus nutritives des plantes, de recettes culinaires existantes, voire de propriétés médicinales supposées.
Ses brèdes préférées ? Sans aucun doute, “bred sousou”, et ce, pour une raison simple. Elle explique ainsi qu’elle a grandi dans le petit village de Petite-Julie, où elle a eu la chance d’avoir toujours des brèdes chouchou dans sa cour. Qu’elle transformera ensuite en « enn bon ti bouyon bred » ou « enn bon bred toufe ».

Deepa va plus loin dans sa démarche et explique que l’idée de ce répertoire iconographique et de son exposition au Blue Penny Museum est avant tout de générer une meilleure compréhension de ces plantes auprès du grand public. « Ces plantes ont joué un grand rôle historique, empêchant parfois la malnutrition ou des famines, prévenant des épidémies, notamment celle de la malbouffe, qui nous menace chaque jour un peu plus. »

Deepa explique que chaque jour s’impose comme un nouveau défi pour elle. Sur le plan artistique, elle compte rechercher de nouveaux concepts sur lesquels travailler et continuer à représenter son pays à travers ses œuvres. Elle anime régulièrement des ateliers au Hub, Phoenix, le dimanche de 11h à 12h30 pour les adultes et les enfants, essayant ainsi de partager ses connaissances et ses compétences avec d’autres esprits créatifs. L’exposition restera ouverte au public au Blue Penny Museum jusqu’au 13 janvier.

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