Géopolitique : Rivalité États-Unis/Chine – l’escalade !

Ce qui avait débuté comme une guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine est en train de connaître une escalade inquiétante vers la domination globale dans d’autres domaines, notamment économique, technologique et surtout militaire. Et il va sans dire que si les dirigeants de ces deux États ne font pas preuve de responsabilité et de pondération dans leurs relations, la situation pourrait bien échapper à toute mesure de contrôle, et le monde entier risque d’en faire les frais. Nul besoin d’ajouter que la guerre en Ukraine – invasion russe que la Chine n’a pas condamnée mais a même apporté un soutien tacite à Vladimir Poutine lorsque son président lui a rendu visite du 20 au 22 mars – n’a fait qu’empirer ces relations, ce alors que les tensions dans la mer de Chine et la péninsule coréenne suscitées par les exercices militaires conjoints entre les États-Unis et le Japon ou la Corée du Sud, ne faiblissent pas.

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Autre pierre d’achoppement, c’est bien évidemment, la brûlante question de Taiwan. Or, en août dernier, faisant fi de toutes les mises en garde de la Chine, la présidente de la chambre des Représentants d’alors, Nancy Pelosi, avait conduit une délégation comprenant des députés démocrates à Taipei, visite qui est, depuis, restée en travers de la gorge des dirigeants chinois. Et pour en rajouter une nouvelle couche, voilà que le nouveau président de la chambre des Représentants, Kevin McCarthy, reçoit en Californie le 5 avril dernier, la présidente de Taiwan, Mme Tsai Ing wen, en transit aux États-Unis. En guise de réponse à ces « graves provocations », selon Pékin, la Chine a mené durant trois jours, du 8 au 10 avril, des manœuvres militaires de grande ampleur dans la mer autour de Taiwan, impliquant, entre autres, des dizaines d’avions de chasse, une vingtaine de navires de guerre qui avaient encerclé l’île dont Pékin revendique la souveraineté. Des balles réelles avaient même été tirées lors de ces exercices de simulation. Et en apportant son soutien à ces manœuvres, la Russie se range ouvertement du côté de la Chine alors que la France, contre toute attente, joue la carte de la prudence à l’égard de Washington et refuse la politique de « suivisme » à tout prix.

Ainsi, sur la tendance actuelle des relations sino-américaines, tous les observateurs sont unanimes à reconnaître que les conséquences d’une guerre froide pourraient se révéler bien plus sérieuses que celle que le monde avait connue entre les États-Unis et l’Union soviétique le siècle dernier. En effet, alors que l’URSS représentait un pouvoir d’usure et un modèle économique stagnant après l’échec de la politique de perestroïka initiée par Gorbatchev en 1986, l’économie chinoise ne cesse de se consolider et est en passe même de coiffer celle des États-Unis pour monter sur la plus haute marche du podium mondial. D’autre part, alors que les liens commerciaux entre les États-Unis et l’URSS étaient quasi-inexistants, la Chine s’est parfaitement intégrée dans la mouvance du commerce global plus de deux décennies après son adhésion à l’OMC et entretient aujourd’hui des relations commerciales importantes avec les États-Unis.

Cependant, refusant d’admettre cette ascension économique fulgurante de son rival, Washington évoque certaines pratiques malveillantes de la part de Pékin, notamment la subtilisation des propriétés intellectuelles et des technologies occidentales, des subsides démesurés accordés à des firmes domestiques, etc. Ainsi, pour tenter de couper l’herbe sous les pieds des Chinois, les États-Unis restreignent des investissements directs étrangers dans des secteurs sensibles et stratégiques tels l’intelligence artificielle et la 5G, entre autres. L’application chinoise Tik Tok est même interdite sur les téléphones des fonctionnaires à usage officiel. En même temps, la Maison-Blanche exerce des pressions sur ses partenaires et alliés pour qu’ils renoncent à toute participation à l’ambitieux projet chinois de la route de la soie (Belt and Road Initiative), projet d’envergure destiné à améliorer les voies de communication et de coopération à l’échelle transcontinentale.

Il va sans dire qu’une telle rivalité entre les deux géants économiques contribuerait à affaiblir la politique de la mondialisation, processus auquel l’on assiste d’ailleurs actuellement et qui pourrait se consolider davantage dans le futur. Une polarisation politico-économique au niveau global n’est pas à écarter, ce même si de nombreux pays les moins avancés et en développement, mais pas seulement, seraient plus enclins à maintenir des liens avec les deux blocs. Déjà, la politique de séduction envers le continent africain qui a repris ses droits sous la présidence de Joe Biden après une rupture sous Donald Trump, a motivé la tournée de la vice-présidente Kamala Harris dans trois États africains, notamment le Ghana, la Tanzanie et la Zambie du 26 mars au 2 avril 2023. Ce qui n’a pourtant pas empêché le président ghanéen, Nana Akufo-Addo de faire ressortir, face à son hôte, que « si la présence chinoise en Afrique constitue une obsession pour l’Amérique, tel n’est pas le cas ici chez nous ». En effet, en Afrique, les dons et investissements chinois dans des infrastructures vitales – Maurice ne faisant pas exception à la règle – valent mieux qu’une simple visite de reconnaissance, sans un carnet de chèques à l’appui.

   Finalement, dans cette équation géopolitique époustouflante, la Russie, en tant que 2e puissance militaire mondiale, aurait dû constituer un élément de premier degré. Or, la guerre en Ukraine et ses retombées économiques ont, dans une grande mesure, démontré une certaine limite de son pouvoir ; le président Poutine ayant même avoué les conséquences négatives suscitées sur son économie par les sanctions occidentales. Il devrait aujourd’hui s’en mordre les doigts. Car pour un vaste pays si riche en ressources naturelles et humaines et en matières premières, une trop grande dépendance sur l’occident n’était pas l’option appropriée pour son développement. La guerre a incité le Kremlin à rectifier le tir. En effet, la diversification du système de production et celle des marchés constituent la formule gagnante sur le circuit socio-économique global.

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