La Passion de Jésus en compagnie de Francis Jammes et Georges Brassens

Reynolds MICHEL

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« Par les quatre horizons qui crucifient le monde, par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe »

 
Au Soudan, déchiré par près d’un an de guerre entre généraux rivaux, près de 230 000 mères et enfants « risquent de mourir de faim » alerte l’ONG Save the Children (Le Monde, 13/03/2024). Aujourd’hui, environ 20 millions de personnes (Yémen, Niger du Nord, Soudan du Sud…) sont en proie à la famine.

Dans la bande de Gaza, près de 30 000 personnes, dont plus de 5 000 enfants et au moins 3 000 femmes, sont décédés dans la guerre qui se poursuit à Gaza. Près de 74 000 personnes blessées dont 12 300 enfants.

Ces situations douloureuses intolérables nous amènent à penser à la passion de Jésus de Nazareth et au poème de Francis Jammes intitulé La Prière sur Les mystères douloureux (1905) : Agonie, Flagellation, Couronnement d’épines, Portement de croix, Crucifiement. Cette belle prière du très chrétien Francis Jammes (1868 – 1938), qui rattache la passion du Christ à celle qui se déroule dans le monde, a été reprise et chantée magistralement par Georges Brassens qui était, nous le savons, loin d’être très chrétien, plutôt libertaire athée.  C’est même grâce à Brassens que nombre d’entre-nous connaissent ce poème de Francis Jammes qui commence avec l’Agonie :

Par le petit garçon qui meurt près de sa mère / Tandis que des enfants s’amusent au parterre Et par l’oiseau blessé qui ne sait pas comme / Son aile tout à coup s’ensanglante et descend

Par la soif et la faim et le délire ardent /Je vous salue, Marie.

Spoliés de leur enfance

Dans le monde, environ 120 millions de filles de moins de 20 ans (environ 1 sur 10) ont subi des violences sexuelles, selon l’UNICEF. Plus de 176 millions d’homicides sont commis chaque année parmi les jeunes de 15 à 29 ans (une grande majorité de garçons), selon l’OMS (11/12/2023). En France, chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles, selon la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise/Rapport 2023). C’est la Flagellation :

Par les gosses battus par l’ivrogne qui rentre / Par l’âne qui reçoit des coups de pied au ventre

Et par l’humiliation de l’innocent châtié / Par la vierge vendue qu’on a déshabillée,

Par le fils dont la mère a été insultée /Je vous salue, Marie.

L’ONU a recensé, en octobre 2023, 110 millions de réfugiés et de déplacés par la persécution, la violence et les violations des droits de l’homme dans le monde. Jamais, le nombre de personnes dans ce cas n’a été aussi élevé, souligne le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR). En Haïti, en proie à une instabilité chronique depuis une quarantaine d’années, le nombre de personnes déplacées internes par la violence liée aux bandes organisées est estimé à plus de 314 000, la moitié d’entre elles étant des enfants, selon l’UNIFES (31 janvier 2024). Un vrai Calvaire pour ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ne demande qu’à vivre. C’est le Portement de la croix

Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids / S’écrie : “mon Dieu ! “, par le malheureux dont les bras / Ne purent s’appuyer sur une amour humaine / Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène

Par le cheval tombé sous le chariot qu’il traîne : Je vous salue Marie

Le peuple ukrainien souffre terriblement de la guerre d’agression que lui inflige la Russie, avec plus de 10.500 civils tués (le nombre réel étant probablement beaucoup plus élevé), des dégâts énormes causés aux infrastructures civiles, et des millions de déplacés. Elle fait également du mal à la population russe, des milliers de jeunes Russes ont trouvé la mort sur le front et les civils touchés par les frappes sur les villes russes souffrent aussi. Et Le risque que le conflit s’aggrave et se répande est bien réel. En outre, la possibilité que cette guerre entraîne un accident nucléaire glace le sang du monde entier, déclare le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, le 24 février 2024).

Ce qui se passe à Gaza n’est pas une guerre ou un conflit, c’est un anéantissement, un nettoyage ethnique par la mort et les déplacements forcés. C’est le Crucifiement.

Par les quatre horizons qui crucifient le monde / Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe / Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains / Par le malade que l’on opère et qui geint / Et par le juste mis au rang des assassins : Je vous salue, Marie

En ce moment si particulier pour les chrétiens, en compagnie du poète Francis Jammes et Georges Brassens, nous pensons à tous ceux qui sont victimes de la guerre, des déplacements forcés, de la famine et de la maladie. À tous ceux également qui sont morts, à ceux qui sont dans le deuil et, surtout, à ceux et celles qui se dévouent corps et âme pour les soutenir. Je vous salue Marie.

Le dernier couplet (ci-dessous) est propre à Georges Brassens :

 Par la mère apprenant que son fils est guéri,
par l’oiseau rappelant l’oiseau tombé du nid,
par l’herbe qui a soif, et recueille l’ondée ;
par le baiser perdu, par l’amour redonné,
et par le mendiant retrouvant sa monnaie :
Je vous salue, Marie

 

Là où Francis Jammes pointait la misère du monde via la souffrance de Jésus, l’auteur de l’Auvergnat apporte une note d’espérance par la voie de la guérison, de l’amour retrouvé et de la joie.

Pour un Vendredi ouvrant sur l’espérance invincible de Pâques.

 

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