Leker inn telma fermal, linn kase !

Ce serait impardonnable et indécent de passer outre cette info qui défraie la chronique depuis le 19 juin dernier. L’hebdomadaire Week-End évoquait, ce jour-là, de larges extraits du rapport du Medical Negligence Standing Committee (MNSC). Document commandé par le gouvernement pour faire la lumière sur des décès de patients dialysés durant la période de 29 mars au 19 avril 2021. Soit durant le deuxième confinement mauricien.
Ce document a été soumis au gouvernement par ceux qui l’ont réalisé depuis l’an dernier. Mais il était voué à rester scrupuleusement secret, puisqu’il confirme et mentionne de manière ouverte et franche des manquements, lacunes et faiblesses de la part de divers services de la santé. Ce qui a occasionné la mort prématurée de nombreux patients dialysés. Rendre public ce rapport embarrasse rudement le gouvernement de Pravind Jugnauth, qui n’en rate pas une pour s’auto-congratuler d’avoir superbement géré la pandémie de Covid-19 ! Autant qu’il souligne les énormes et multiples déficiences du ministère de la Santé, pointant un doigt accusateur envers celui qui occupe ce fauteuil bien douillet !
Pour rappel, 11 patients sur dialyse sont morts durant ce deuxième confinement. Le rapport souligne les failles grossières qui ont fait des derniers jours de ces compatriotes un calvaire sans nom ! Comme ces heures d’attentes insupportables et interminables avant que les services de la Santé ne les récupèrent pour les mener vers leurs soins ou pour être placés en quarantaine. Ou ces conditions de transport lamentables de leurs maisons aux centres de quarantaine ou au New Souillac Hospital (NSH). Pire encore, les conditions dans lesquelles ces patients ont été isolés et abandonnés une fois dans le centre de quarantaine ou à l’hôpital ! Des circonstances inhumaines et indécentes dans lesquelles ces pauvres âmes se sont retrouvées totalement livrées à elles-mêmes. « They were left to fend for themselves », souligne le rapport du MNSC. Ces mots font très mal.
Ce rapport, qui a fuité dans la presse, tandis que le gouvernement faisait des pieds et des mains pour le garder secret, loin des médias et des parents et proches des décédés, est accablant. Onze morts de trop. Onze personnes de surcroît déjà malades, puisque nécessitant des dialyses, et qui, par maintes négligences relevées et confirmées dans ledit rapport, ne sont jamais rentrées chez elles, auprès des leurs. Onze compatriotes qui ont laissé à jamais d’innombrables familles dans le chagrin, la détresse, le découragement, la révolte, l’incompréhension et l’indignation.
La lecture de ce rapport brise le coeur. A découvrir comment ces patients se sont retrouvés abandonnés, livrés à leur sort, tandis qu’ils méritaient soins, attentions et prise en charge adéquate par un service public que défendent bec et ongles Pravind Jugnauth et son ministre de la Santé, le Dr Kailesh Jagutpal, l’on ne peut que ressentir une sourde colère, une révolte profonde, une indignation féroce envers ces nantis au pouvoir qui n’ont pas levé le moindre doigt pour sauver ces vies !
Et d’apprendre que deux patients, qui n’étaient pas positifs au Covid-19, ont trouvé la mort, et dans quelles circonstances, c’est vraiment le comble ! Ça, oui, Mr le Premier ministre, « sa fer leker fermal; telma fermal ki leker kase ». C’est insoutenable d’apprendre que des citoyens ont été ainsi mal traités au point d’en perdre la vie. Les mots ne suffiront jamais à traduire ces souffrances.
Xavier-Luc Duval, le leader de l’opposition, a parfaitement raison : le Dr Jagutpal doit des excuses publiques aux parents et proches des décédés. Ce serait vraiment le minimum de sa part, et de la part de celui qui dirige le gouvernement sous lequel un tel acte impitoyable est arrivé.
Aussi, quand Pravind Jugnauth joue la victime des médias, le 26 juin, lors de la Journée internationale contre l’abus et le trafic de drogue, on se demande bien qui est dupe d’une telle mise en scène ? À le croire, donc, « mo leker fermal » parce que la presse fait son travail de dénonciations. Qu’elle épingle des travers et des abus des droits ? À quoi cela rime-t-il, sinon de faire un procès à une institution qui, heureusement, respecte son mandat ? On aurait compris que son coeur se brise en découvrant les drames humains que vivent de nombreuses familles dans le pays à cause de la drogue. Mais Pravind Jugnauth a choisi de s’en prendre aux médias.
Concédons que, parfois, il y a des exagérations et un certain manque d’objectivité. Mais de là à prendre la presse pour un adversaire et n’en voir que le mauvais côté, c’est trop facile. À trop vouloir rester en opposition avec ses partenaires, Pravind Jugnauth ne finira-t-il pas esseulé ?

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