Surenchères et inflation verbale

Après le 1er mai et ses rassemblements politiques et la perspective de la publication du Writ pour la partielle de Montagne-Blanche/Grande-Rivière-Sud-Est (No 10), la certitude est que les vannes des surenchères politiques sont désormais grandes ouvertes. Et ce, jusqu’à la veille des prochaines élections législatives. En complément, une inflation verbale sans bornes.

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Au nom de la démocratie et de la liberté d’expression, il faudra faire avec. Chaque proposition, d’une part, sera suivie de contre-proposition, mieux agrémentée que l’autre. Et souvent ponctuée de réclamation de paternité de la mesure qui aura fait mouche au sein de l’électorat.

N’est-on pas tenté de reprendre cette expression, attribuée à saint Bernard de Clairvaux au XIIe siècle et remise en perspective par François de Sales en 1604, notamment : « L’enfer est pavé de bonnes intentions. » Chacun des partis ou des alliances politiques briguant le suffrage universel veut mettre à la disposition de l’électorat et de la population son savoir-faire, son assurance, et surtout son équipe d’hommes et de femmes capables de transcrire dans la réalité, au lendemain de la proclamation des résultats, ses propositions, voire son rêve d’un demain meilleur que l’aujourd’hui qui lui est servi.

La campagne électorale sert à assurer le marketing de cette conviction en soi-même de pouvoir se mettre au service d’un idéal. Mais surtout de proposer un élan fédérateur, doté d’une vision claire du projet commun envisagé, suscitant un maximum d’adhésion à sa mise à exécution. En prime, un leadership qui inspire confiance, qui dirige par l’exemplarité et qui fait preuve de détermination. C’est en résumé la clé de la victoire.

En ce début de campagne, est-il encore trop tôt pour faire preuve d’exigence, ou comme l’anglais le dit si bien to be exacting, en citant à l’intention des politiciens de tous bords ce proverbe chinois à l’effet que « parler ne fait pas cuire le riz ».

Mieux encore qu’un ton vitupérant ne peut qu’assurer un retour instantané de ceux en présentiel et acquis invariablement à la cause du jour. Donc, aucun apport de soutien supplémentaire pour faire avancer le projet. La technologie des communications fait que l’audience ciblée en campagne électorale ne se résume pas seulement à ceux ayant fait le déplacement au coin de la rue ou transportés tous frais payés sous une salle verte le temps d’un discours politique.

Le dividende électoral d’une intervention vilipendant son adversaire n’est pas forcément aussi rémunérateur pour son auteur avec une retransmission sur des réseaux sociaux dans le confort intime et le décorum convivial d’un salon. Et dire qu’une des premières leçons à apprendre des meetings politiques de la récente fête du Travail est que les interventions sur les estrades, que ce soit à Vacoas ou à Port-Louis, ont été suivies par des audiences plus conséquentes en virtuel et davantage réceptives que la foule qui y faisait du bruit en présentiel.

La question d’établir un hit-parade de viewings de ce 1er mai ne se pose pas. D’autres, avec une maîtrise plus pointue, l’ont déjà fait. La tendance de suivre la campagne électorale sur les réseaux sociaux ne fera que s’accentuer au fur et à mesure que l’échéance du scrutin se précisera.

Sur cette plateforme, caractérisée par un incontournable recul à l’événement, ce n’est pas la surenchère démagogique de l’un comme de l’autre ou encore l’inflation verbale, qui peuvent automatiquement faire la différence ou encore convaincre de la pertinence de l’argument mis en avant.

Ne doit-on pas se rendre compte de cette mutation dans la réalité de Kes Savon en politique ? Ou encore que les Loudspeakers agressent davantage que ne suscitent des conversions ?

Le maître-mot, qui risque de perdre de sa valeur dans ce marché aux enchères, demeure le respect. D’abord, le respect de l’intégrité intrinsèque de l’autre, même s’il fait partie du camp adverse, des règlements en vigueur et des institutions établies.

Ce respect est signe de victoire personnelle, même en cas de défaite. Cela peut paraître paradoxal. A contamporaneous example. Le parti conservateur de Rishi Sunak a pris une raclée historique aux élections régionales en Grande-Bretagne en se classant loin derrière le Labour et pire en troisième position derrière les libéraux. Du jamais-vu.

Mais Boris Johnson a remporté une grande victoire personnelle. Et comment ? Il avait été renvoyé du centre de vote parce qu’il n’avait pas sa carte d’identité sur lui pour exercer son droit de vote. Cet ancien Premier ministre britannique, qui caresse encore des ambitions politiques, s’est plié sans broncher aux exigences des membres du Polling Staff sans brandir cette arme fatidique ou kone ki mwa ?

Mieux encore. Boris Johnson a tenu à féliciter publiquement et dans la presse ces officiels dans l’exercice de leurs fonctions. Un simple signe de respect à ne pas dédaigner dans cette campagne de surenchères qui se profile à Maurice…

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