Too little, too late…

Ils avaient entre 18 et 20 ans. La fleur de l’âge. Toute leur vie et leurs rêves devant eux… Nilesh Mootiah, Abaye Boojeedhur, Luvesh Jagdhur, Keshav Doomun, Luvalesh Seedoyal et Paroumal Soobrayen sont les six victimes du kanwar qui a pris feu à Arsenal le 3 mars dernier. Ils ont péri quand les flammes ravageuses ont détruit la structure qu’ils avaient si soigneusement et fièrement fabriquée, avec des amis, parents et proches, pour entreprendre leur pèlerinage vers le Ganga Talao. Mais leur pèlerinage était à peine entamé qu’il en a été tout autrement. Un (worst case) scénario que probablement aucun de ce groupe de marcheurs n’avait envisagé. Ils laissent des familles entières meurtries à jamais et un souvenir impérissable dans l’histoire de notre pays. Cette date commémorera désormais un épisode douloureux, qui n’est néanmoins pas inédit.
Ce lourd chagrin a ponctué la présente édition de la fête Maha Shivaratree. Ce drame a dominé les prières de tous les Mauriciens, car ces jeunes sont restés présents dans les cœurs de nos compatriotes de toutes les communautés. La mort ne connaît pas de distinction ethnique : cela, les Mauriciens l’ont appris depuis des lustres. Les circonstances et événements où le peuple s’est retrouvé dans un même élan d’humanité, de souffrances, de joies et de peines, comme de solidarité, ne manquent pas : bagarres de 1969, émeutes de février 1999, inondations meurtrières de mars 2013, drame du MV Wakashio, confinements du Covid-19…
Ce qui amène inévitablement d’aucuns à penser : et si les autorités avaient été plus sévères, le résultat aurait-il été le même ? Et quid de la responsabilité parentale ? L’on ne cherche ni à accuser ni à retourner le couteau dans la plaie; les cicatrices sont encore bien trop béantes. D’autant qu’après le drame de février 2023, à Mare-Longue, qui avait coûté la vie à Rohan Dorjan, 22 ans, et Parmeshwar Dookeea, 35 ans, deux autres pèlerins dont le kanwar avait pris feu, ils ont été nombreux à brandir le « plus jamais ça ! ». Malgré tout, six autres fils du sol sont tombés…
Est-ce pour des raisons liées à la religion que les autorités ont préféré rester timides ? Est-ce parce que nous sommes dans une année à échéance électorale et que les politiques craignent de froisser des électeurs ? Pourtant, il ne s’agit ni plus ni moins que de protéger des vies ! Les électeurs ne sont pas à ce point aveugles ni dupes. N’est-ce pas là une question d’intérêt supérieur de la vie des citoyens ? Cette raison, à elle seule, ne devrait-elle pas l’emporter sur toutes les appréhensions imaginables ?
Ce 12 mars, notre pays soufflera ses 56 bougies d’indépendance et 32 pour son accession au statut de République. L’invitée d’honneur aux célébrations sera la présidente de l’Inde, Droupadi Murmu. Notre pays qui emprunte tant de la Grande Péninsule ne devrait-il pas s’inspirer de cette grande dame ? Il n’est pas “too late”, bien que nous ayons eu une présidente de la République. Nombre de Mauriciennes se distinguent et occupent des postes à grandes responsabilités, ayant une réverbération nationale, régionale et mondiale. L’idée d’une femme à la tête du pays, comme Premier ministre, ne peut plus être une chimère en 2024. Nous avons déjà une VPM, répondra Pravind Jugnauth.
Mais en même temps, la qualité ne suffit pas pour justifier la représentation féminine en politique. Les femmes compétentes, d’expérience et qualifiées ne manquent évidemment pas. Ce qui fait défaut, c’est une politique de méritocratie. Et ces dernières années, il est triste de constater que la situation a… (beaucoup) empiré sur ce plan.
Cette semaine marquera notre fête nationale et le début du carême musulman, le Ramadan, tandis que le carême chrétien se poursuit. Pendant ce temps, en Palestine, à Gaza, le nombre de morts parmi les civils grimpe toujours. La famine, parmi tant d’autres affres de ce conflit, fait augmenter les victimes. Le président des États-Unis, superpuissance internationale ultra-décriée dans ce massacre, Joe Biden, a exhorté à un cessez-le-feu immédiat. Too little, too late ? Ce pays qui joue si souvent au gendarme mondial ne se réveille-t-il pas un peu trop tard ?
Husna Ramjanally

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