Transparence ou Monkey Business

Avec les citoyens d’un pays sur deux dans le monde se rendant aux urnes au cours de ces douze mois, la démocratie est annoncée en pleine floraison. Du moins, le parfum se dégageant en ce début de 2024.

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Néanmoins, le dernier Economist Intelligence Unit Democracy Index 2023 sur le thème Age of Conflict fait vite déchanter. Même si pour nous au sein de la République de Maurice nous pouvons nous vanter encore d’être « the only African country classified as a full democacry ».

Au classement de l’EIU, les États-Unis ne peuvent même pas revendiquer un tel classement, devenant depuis 2016 une démocratie défaillante au même titre que le Brésil ou la Thaïlande, où selon ce rapport « des élections libres et équitables et, même s’il y a des problèmes, comme des atteintes à la liberté des médias, les libertés civiles fondamentales sont respectées. »

Au sommet de l’Union africaine, qui s’est tenu ce week-end à Addis-Abeba, les coups d’État, les conflits et les crises politiques déstabilisant le continent, comme dans le passé, ont monopolisé l’attention. Le classement de Maurice à l’indice de la démocratie de l’EIU, avec un score 8,14, permettant au pays d’occuper également la 20e place à l’international, contraste singulièrement avec la situation prévalant au Gabon, au Niger, au Mali, en Guinée, au Soudan et au Burkina Faso.

Ces six pays sont suspendus par l’Union africaine, regroupant 55 États, pour des atteintes flagrantes aux pratiques de démocratie et au respect des droits de l’Homme. La situation se développant au Sénégal, le pays de Léopold Sédar Senghor, jouant autrefois dans une autre ligue en Afrique, suscite de vives préoccupations.

Mais cet état des lieux ne relève pas seulement d’un afro-pessimisme en démocratie, comme pour nous accabler. Dans d’autres parties du monde, des signes ou encore des actes d’intolérance à la démocratie font craindre le pire. Les exemples sont légion et l’un des derniers en date, notamment depuis vendredi, provoque des ondes successives d’émotions et d’indignation à travers le monde.

Le décès d’Alexeï Navalny, l’opposant au chef du Kremlin, pourtant en prison, donc sous le contrôle et la protection des autorités russes, ne laisse pas la place à l’indifférence. Dans tous les coins du monde, il y a unanimité pour que la transparence dans cette sinistre élimination d’un adversaire politique soit privilégiée.

Ce qui amène à soutenir que la démocratie ne se résume pas uniquement à une question relevant du droit de vote exercé après chaque cinq ans, ou encore aux termes des dispositions de la Constitution. Mais surtout que la transparence dans les affaires de la Cité constitue une modalité intrinsèque de la démocratie. Et dans la vie de tous les jours.

Malik Bozzo-Rey, philosophe et directeur de recherche au laboratoire ETHICS de l’Université Catholique de Lille, n’affirme-t-il pas que « tout d’abord, la transparence lutte contre le secret attaché aux décisions arbitraires qui étaient l’apanage des monarchies et qui excluaient toute une partie de la population de la décision politique tout en permettant aux décideurs de s’affranchir d’une quelconque justification de la décision prise. Ensuite, l’exigence de transparence démocratique repose sur l’idée que l’association des individus à la vie politique implique que des individus rationnels disposent de toutes les informations nécessaires pour prendre une décision claire et informée. »

Oui, l’Economist Intelligence Unit Index 2023 fait la fierté de chaque Mauricien face à « cette détérioration de l’état de la démocratie dans le monde principalement due à des développements négatifs dans les pays non-démocratiques, tels que la résurgence de conflits violents et de mesures autoritaires. »

Mais chaque Mauricien sera encore plus fier avec la transparence se transformant en une balise dans la pratique de bonne gouvernance. Cette importance accordée à la transparence est porteuse d’espoir de pouvoir dépasser le score de 8,14, voire de propulser Maurice vers d’autres sommets en démocratie.

La transparence rapporte des dividendes sous forme de confiance d’adhésion de la part de la population. La révocation de l’ancien ministre de l’Agro-Industrie, Vikram Hurdoyal, a été décidée par le Premier ministre sur la base de raisons honorables. Mais jusqu’ici, soit déjà plus d’une semaine, rien n’a transpiré au sujet des dessous de ce développement politique, bousculant l’agenda électoral du pays.

Mais plus grave demeure le fait que ces deux Honourable Members — Vikram Hurdoyal étant encore membre de l’Auguste Assemblée nationale alors — ont passé un accord tacite pour un déni de transparence, gardant l’électorat et la population sous le coup des ténèbres ou encore poussant les plus perfides à souligner que la mise sous l’éteignoir de la transparence relève du Monkey Business en démocratie.

Toutefois, il n’est pas encore trop tard pour rectifier le tir et exclamer Fiat Lux !

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