Cupidité circulaire

En ces heures sombres de notre histoire, et pour autant que nous ayons à cœur de sauver l’humanité et les autres membres de l’ordre du vivant, nous avons tous pour obligation de réfléchir à notre manière de consommer. Ce devoir d’écoresponsabilisation nous concerne en effet tous, toutes sphères de notre vie sociale, politique et économique confondues. À commencer par les premiers pollueurs, à savoir les producteurs, dont la responsabilité quant à nos émissions de gaz à effet de serre est plus qu’engagée. Ce message, les industriels l’ont d’ailleurs bien compris. En attestent leurs slogans, qui adoptent désormais presque toujours aujourd’hui une ligne écologique. Ainsi, alors que certains misent sur des produits « eco-friendly », entre autres au niveau de l’empaquetage, d’autres, eux, vont jusqu’à revoir complètement leur chaîne de production pour les inscrire dans un modèle d’économie circulaire.

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Mais attention ! La démarche, aussi noble puisse-t-elle paraître, cache des réalités dont l’on ne prend pas forcément la mesure. Ainsi, à ceux qui croiraient que la conscience ne s’achète pas, nous pourrions les renvoyer à ce modèle industriel consistant à proposer du neuf avec de l’ancien. Cette démarche, inscrite dans la logique très contemporaine, induite par le changement climatique, qu’il faut avant tout « penser environnement », n’est en effet jamais qu’une stratégie commerciale, et dont la finalité, elle, reste inchangée : maximiser les profits. Ce qui implique non seulement de continuer de produire, mais surtout, dans le cas de ces entreprises ayant adopté une attitude plus « verte », de produire même davantage, et ce, en vue d’un rapide retour sur investissement.

Prenons justement le cas de l’économie circulaire qui, pour rappel, contrairement à l’économie linéaire, consiste à réintroduire les déchets générés par un produit dans la chaîne de fabrication de ce même produit. En d’autres termes, il s’agit de gérer au mieux les flux de matières et d’énergies dans des circuits en boucle. Ce qui, d’un prime abord, paraît évidemment être une bonne idée. Et d’ailleurs, oui, c’est une bonne idée. Du moins la serait-elle si la base même du système n’était pervertie. Pour autant, avant d’aborder ce point précis, il convient d’évoquer certains travers de l’économie circulaire.

En premier lieu, le recyclage impose forcément des usines et installations prévues à cet effet. Ce dont manquent même les pays les plus industrialisés de la planète. C’est ainsi que, souvent, des matériaux devant être recyclés sont renvoyés dans leur pays d’origine, avec pour conséquence, du fait de l’empreinte carbone du transport vers ces mêmes pays (souvent lointains), de réduire l’impact de l’objectif de réduction de l’empreinte carbone. En outre, le système de recyclage est loin d’être étanche, car la majorité des matériaux recyclables ne le sont pas éternellement. Sans compter que les produits intégrant le procédé de recyclage ne sont jamais recyclés à 100%. En résumé, le recyclage n’est pas synonyme de « zéro déchet ». Loin de là !

N’oublions pas, une fois encore, que le leitmotiv de tout acteur de l’industrie mondiale est la croissance. Aussi, que l’on ne s’y trompe pas : derrière chaque propagande commerciale intégrant un facteur écologique se cache forcément l’obligation de faire des profits. Lorsqu’un promoteur, dont nous tairons le nom, dit « Achetez du jetable, ce n’est pas grave, c’est recyclable ; la planète vous dit merci ! », il convient avant tout d’en décrypter le message et de le replacer dans son contexte. À titre d’exemple, dans le cas susmentionné, comment la planète pourrait-elle nous remercier de produire davantage de produits jetables ?

Que l’on ne s’y trompe pas, nous n’avons aucunement l’intention de discréditer la philosophie même de l’économie circulaire, qui est une partie (mais une infime partie seulement) de la solution climatique. En revanche, nous nous devons d’attirer l’attention sur le fait que cette démarche soit transformée – pour ne pas dire « recyclée » – en alibi par un grand nombre d’industriels. Or, en aucune façon, le recyclage ne devrait servir de prétexte à surconsommer en nous déculpabilisant les uns et les autres. Changer de système de production ne modifie aucunement le système en lui-même. Or, c’est là que se situe le véritable défi !

 

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