La discipline

La discipline est une conduite qui se perd dans un monde de plus en plus insubordonné. Si je parle de cela, ce n’est pas parce que j’essaie de la faire prévaloir auprès d’enfants. Elle m’est venue à l’esprit lorsque je regardais le cadre du terrain de la SMF, à Vacoas, ouvert au public. Ce lieu comporte des terrains de football autour desquels se dessine un sentier bordé d’arbres.

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Le gazon est toujours nickel, les branches sèches sont enlevées, les officiers en place sont “bien à leur place”, les heures d’ouverture et de fermeture sont respectées et ceux qui préviennent les retardataires que c’est l’heure de partir ont les mots appropriés.

Une question me trotte. Pourquoi la propreté, le respect et l’entretien sont-ils, ici, de mise ?

Reparlons d’abord de l’environnement, bien entretenu comme écrit plus haut. L’herbe est tondue régulièrement et les amas d’herbes coupées sont ramassés. Aucune herbe folle ne peut cacher un voyeur qui se tapit. Pas de bouteilles d’eau qui traînent, pas de sachets de biscuits vides, non plus, ni de restes de take-aways. Les arbres sont taillés, les branches ramassées. La seule chose que les habitués peuvent éventuellement voir, c’est une semelle de tennis récemment perdue. Cela aussi sera rapidement ramassé !

Les hommes qui courent ou jouent au foot font leur sport, sans que des sifflements sauvages ne retentissent aux oreilles des femmes, et les jeunes de la Special Mobile Force s’attèlent à leur séance avec sérieux et rigueur.

Venons-en maintenant aux hommes. Non, aux Hommes ! Alors que la discipline semble habiter chacune des personnes qui mettent les pieds dans ce lieu respecté (déjà c’est une bonne nouvelle puisqu’au moins nous savons que l’éducation nécessaire basique a été reçue), je me demande vraiment ce qui se passe ailleurs dans notre monde de plus en plus indiscipliné.

Alors qu’il y a quelques jours, là-bas même, un homme, étranger probablement, d’âge mûr avec des cheveux blancs-blonds passait devant de nouvelles recrues en uniforme à la fin de son footing, j’entendis d’un même élan, dans un anglais parfait et non baragouiné, un magnifique et déterminé : « Good morning, Sir »

D’autres questions ont alors traversé ma tête. Est-ce que cette discipline vient des étrangers ou alors de ce qu’ils ont instauré il y a déjà longtemps ? Est-ce que les recrues sont prises parce qu’elles ont déjà reçu une bonne éducation, ou alors elles sont mises au pas dans ce cadre strict de la SMF ? Qu’est-ce qui fait que des personnes arrivent à entretenir cette immense plaine de manière constante ? Est-ce une affaire de budget simplement ? Est-ce l’éducation ? Le respect de l’autorité ?

Quand je fais mes tours de terrain, je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec de nombreux endroits à Maurice où des branches traînent en bordure de route, les herbes folles cherchent à rivaliser avec les arbres, les détritus traînent autour des poubelles et les chemins sont mal entretenus.

D’autre part, et je pense que cela reste dans le même état d’esprit, l’indiscipline gagne du terrain, le manque de courtoisie est affolant, on fricote avec la désobéissance civile, le respect pour l’autorité et les aînés disparaît (si autorité il y a encore), etc… La liste est longue, bien longue !

Les sociologues, psychologues et autres “logues” seront, certes, en mesure d’expliquer cet éloignement (malheureux ?) de la discipline et de l’autorité.

Mais à notre niveau, c’est-à-dire, nous les citoyens lambdas, nous voyons des causes à effet qui nous interpellent, même si elles ne sont pas révélées telles quelles dans une étude spécifique (du moins, je n’ai pas eu la discipline nécessaire pour aller fouiller sur la toile ; j’avais juste envie d’exprimer ici un coup de gueule).

Autant que la sévérité et l’exigence doivent être bien mesurées pour ne pas tutoyer la maltraitance qui peuvent avoir des conséquences psychologiques importantes, notre société se rapproche d’un nivellement d’égal à égal. Ce qui permet une meilleure communication et d’éviter un autoritarisme destructeur. Chacun est appelé à s’exprimer plus librement, les voix des plus faibles et des plus petits sont entendues. Les abus sont certainement réduits de manière conséquente. Alleluia ! Merci, merci, merci. Vraiment !

Mais on constate que la débandade se multiplie. Le laisser-aller prend de l’ampleur et on en arrive souvent à des situations où chacun évalue ses droits non pas en fonction de la loi et du bon sens, mais de son ego, surdimensionné de surcroît. “Mwa mo dir. Mwa ki fer. Mwa ki la !

La société a de moins en moins peur de l’autorité (même parentale) qui est parfois perçue comme un abus de pouvoir. Bien sûr, il y en a, mais nous ne parlons pas, là, de cas clairs et établis d’illégalité et d’excès, mais de cas d’école où l’autorité est nécessaire : famille, école, travail, société.

Je jette là des exemples, non exhaustifs, et qui ne s’appliquent pas à tous, Dieu merci !

En quoi cela te dérange si, à 13 ans, je décide de m’en prendre à mon professeur parce moi j’ai le droit de m’exprimer ? De toutes les façons, mes parents seront d’accord avec moi. Et s’ils ne le sont pas, ils finiront par l’être, parce que c’est comme ça de nos jours. De plus, il y a des chances qu’ils s’en prennent aussi  au professeur si ce dernier continue à tenir tête. En quoi cela te dérange puisque la liberté d’expression existe, non ?

Et si, à 25 ans, mon supérieur m’appelle à 17h15 (je ne sais, d’ailleurs, pas pourquoi !) alors que je termine mon travail à 17h, je peux choisir de ne pas répondre, puisque j’ai des droits et dans mon contrat, c’est écrit que je finis à 17h. Manque de conscience professionnelle ? Je ne vois pas comment. De toutes les façons, qu’est-ce que je risque avec les lois du travail qui me protègent ? Et je ne vois pas en quoi cela influencera la décision d’une promotion qui se profile dans mon département. Moi, j’ai respecté mes droits.

Par ailleurs, sur la route, chacun est plus “mari” que son camarade. Quel est le problème si je décide de sortir du lane de droite, passer devant toi en rasant ton pare choc, pour pouvoir m’arrêter sur le côté gauche et passer un coup de fil ? Tu n’as qu’à ralentir parce moi, j’ai décidé de faire comme ça. Où est le problème puisqu’aucun policier ne m’a vu et qu’il n’y a pas eu d’accident ?

Nous n’avons qu’à voir le nombre de morts sur la route. À quoi est-ce dû ? Au respect du contrôle policier, à la limite de vitesse et à la conduite interdite sous l’effet de drogue ou d’alcool ? Les accidents arrivent aussi lorsque toutes les règles sont respectées, mais lorsqu’ils dépassent la limite raisonnable, c’est qu’il y a un souci. Beaucoup d’accidents sont causés par l’excès de zèle, le manque de courtoisie, l’absence de jugeote, l’indiscipline et le manque de considération pour autrui.

Autre sujet, et pas des moindres, la famille est de moins en moins “sacrée”, le sacré est de plus en plus mis de côté, les personnes âgées n’ont plus le rôle d’ancrage dont elles sont porteuses : les repères se perdent et les normes, les droits et devoirs se confondent dans un orgueil irrationnel et un détachement glaçant.

Tous pour la liberté Mwa sa ? Mais que deviendrons-nous sans discipline ?

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