Loganaden Velvindron, expert informatique et membre du groupe cyberstorm.mu, nous donne son avis sur l’évolution de Facebook et des réseaux sociaux en général au cours de cette décennie. « La cryptographie », un ensemble de procédés visant à crypter des informations pour en assurer la confidentialité entre l’émetteur et le destinataire, est le terme qui revient le plus dans cet entretien. « Maurice doit songer à devenir une référence en Afrique dans le développement de la cryptographie », dit-il.
À Maurice, comme ailleurs dans le monde, on a l’impression que Facebook est désormais devancé par TikTok et LinkedIn, respectivement en tant que réseau social préféré des jeunes et des cadres professionnels actifs ?
— Il faut faire ressortir que Maurice représente un petit marché pour les entreprises de médias sociaux comme Facebook, LinkedIn et TikTok. Aux yeux des jeunes, TikTok et Instagram sont désormais plus populaires que Facebook, qui s’érige au fil du temps comme la plateforme préférée des Mauriciens plus âgés. Linkedin est particulier, car il est plus utilisé par les professionnels.
L’outil de filtrage avait été brandi par l’ICTA en 2021. Cette mesure a été abandonnée après la « promesse » faite par Facebook de revoir les processus de communication avec les autorités locales en matière de contenus. Où en est-on exactement ?
— Il faut saluer la décision de l’ICTA de ne pas avoir implémenté cette mesure. Au niveau de cyberstorm.mu, nous étions en contact direct avec des ingénieurs de Facebook et Google à l’époque. Nous avons beaucoup échangé sur le sujet, et aussi étonnant que cela puisse paraître, Facebook et Google auraient pu choisir la facilité pour gérer cette situation en déconnectant totalement le réseau social à Maurice, qui représente un marché dérisoire pour eux ! Cette solution technique est très rapide et les pertes sont minimes pour de tels mastodontes. La conséquence pour Maurice aurait été catastrophique. Facebook a heureusement trouvé une solution à l’amiable en embauchant des modérateurs qui comprennent le kreol. En général, si un pays tente d’intercepter du trafic crypté/encrypté, Google, Mozilla et Microsoft ont une procédure établie pour le blacklister. Maurice doit ainsi songer à devenir la référence en Afrique dans le développement de la cryptographie et le respect de la vie privée. La cryptographie est un ensemble de procédés visant à crypter des informations pour en assurer la confidentialité entre l’émetteur et le destinataire. Cela permettra à des entreprises de renom comme Facebook de s’installer chez nous. Au niveau de cyberstorm.mu, nous sommes membres de l’association Global Encryption Coalition. Nous menons un combat contre l’interception des communications cryptées globalement, mais aussi pour améliorer l’image de Maurice après l’épisode de 2021. Il faut montrer que Maurice peut contribuer à la cryptographie globale sur le plan technique et de policy.
Des organisations de défense des droits des internautes portent régulièrement plainte depuis fin 2009 contre Facebook au sujet du manque de confidentialité. Le réseau social fait-il les efforts nécessaires pour garantir une politique de sécurité et de la protection des données probante ?
— Je pense que oui. Facebook investit massivement dans la sécurité et a amélioré son système cryptographique pour passer à la TLS 1.3 qui demeure la dernière norme pour la partie encryptions/cryptographie. La firme se prépare à l’arrivée inévitable des ordinateurs quantiques capables de casser les systèmes encryptions/cryptographie. Elle a aussi une meilleure politique au niveau des parties tierces.
Les excuses faites devant le Sénat américain, mercredi, par Mark Zuckerberg sur les dangers des réseaux sociaux pour les enfants et les adolescents sont révélatrices des dérives qui touchent notre société et qui risquent de s’accentuer…
— Face au tollé provoqué par cette affaire, il y a fort à parier que Facebook changera son fusil d’épaule pour garantir une sécurité sans faille pour les enfants et adolescents. Au niveau du groupe cyberstorm.mu, nous avons souvent expliqué aux parents qu’il fallait responsabiliser les jeunes sur l’utilisation d’un smartphone. Cela devrait aussi être enseigné à l’école pour que les jeunes comprennent bien les risques.
Sur les réseaux sociaux, la présence des médias est ancienne et leur influence incontestable. Sont-ils pour autant dépendants l’un de l’autre ?
— Il est clair que l’avènement des réseaux sociaux a forcé les médias traditionnels à plus s’ouvrir vers Facebook et compagnie qui leur fournissent une plus audience non négligeable pour leurs articles. Encore faut-il savoir et pouvoir générer des revenus à travers les publicités.
Comment envisagez-vous le futur des réseaux sociaux dans le monde ?
— Avec le réchauffement climatique, il est fort probable que les gens sortiront moins de chez eux. D’où la future conversion des réseaux sociaux en des modèles de réalité virtuelle et augmentée comme le métavers qui, même s’il n’a pas le vent en poupe actuellement, pourrait être l’élément catalyseur face à un monde qui change. Le coût astronomique des kits de métavers pourrait néanmoins constituer un frein pour les pays en voie de développement comme Maurice. Les réseaux sociaux vont inévitablement passer à l’encryption/cryptographie, sources de résistances aux ordinateurs quantiques qui sont des machines qui défient l’imagination. Il en va de protection des communications. Les pays devraient ainsi se tourner vers les réseaux sociaux par rapport aux contenus qui sont jugés problématiques.
Facebook a 20 ans à travers la planète
Lancé le 4 février 2004 par Mark Zuckerberg et ses camarades de Harvard, Facebook, le vétéran des réseaux sociaux, continue de séduire des utilisateurs à travers le monde, malgré sa réputation de plateforme démodée.
À ses débuts, Facebook était perçu comme un club exclusif, éloigné des regards parentaux et enseignants. Après avoir conquis les universités américaines, le réseau social s’est ouvert au grand public en 2006, devenant rapidement incontournable pour la majorité des internautes. En 2023, plus de trois milliards d’utilisateurs se connectent mensuellement sur Facebook, représentant une augmentation de 3% par rapport à l’année précédente.
Acteur clé du paysage numérique
L’impact révolutionnaire de Facebook sur la culture populaire, la politique et nos comportements en ligne est indéniable, transformant notre manière de communiquer. Le célèbre fil d’actualité, alimenté par des algorithmes d’intelligence artificielle, met en avant les contenus suscitant l’engagement, favorisant ainsi la viralité des messages.
Malgré son image de plateforme dépassée, Facebook demeure un acteur clé du paysage numérique, particulièrement pour la génération des millennials nés dans les années 80 et 90. Son modèle économique basé sur le ciblage publicitaire précis reste attractif pour les annonceurs, générant des profits considérables, même après des scandales tels que celui de Cambridge Analytica en 2018.
Les nombreuses critiques et condamnations n’ont pas entravé la croissance de Facebook, qui attire toujours les utilisateurs, notamment aux États-Unis, pour des groupes d’intérêts communs, les petites annonces sur Facebook Marketplace, et le maintien de contacts avec certaines personnes.
Pas d’alternative convaincante
Malgré les discours sur le départ, les utilisateurs restent fidèles à Facebook, car, selon eux, il n’y a pas d’alternative convaincante. Les acquisitions stratégiques, telles que celle d’Instagram en 2012, ont renforcé la position de Facebook en tant que leader publicitaire, compensant la baisse d’engagement sur la plateforme principale, en particulier chez les jeunes.
La diversification du groupe, son engagement dans l’intelligence artificielle et sa croissance en Asie du Sud-Est ont permis à Facebook de rester innovant sans perdre son essence. Actuellement, plus de la moitié des utilisateurs ont entre 18 et 34 ans, mais l’évaluation précise de leur engagement reste complexe, selon Datareportal, un agrégateur de données.