Une amitié vieille de quinze ans…

Cassam Uteem a raison : Sherry Singh maîtrise bien le marketing. Les différentes étapes de la mise en scène de sa démission l’attestent. La première est lancée, il y a quelques semaines, quand on apprend, incidemment, que le contrat du CEO de MT est sur le point d’arriver à expiration. Dans un premier temps, on se dit qu’avec les liens étroits qui unissent les Jugnauth aux Singh, avec le rôle que le Sherry a joué dans l’organisation des élections, la prise et, surtout, le contrôle du pouvoir par le MSM, le renouvellement du contrat passera comme une lettre à la poste. En plus, Sherry Singh n’est pas que le CEO de MT, il est surtout l’un des principaux chefs de la kwizinn, cette officine que certains surnomment le conseil des ministres bis. Où se décident les nominations, les promotions, les attributions de contrats avant qu’ils ne soient avalisés par le cabinet officiel. La proximité de Sherry Singh avec les Jugnauth en avait fait une des cibles favorites des adversaires politiques du MSM. Ce qui lui avait valu d’être le personnage principal d’une saga politique diffusée sur le net : le Sherrygate s’intéressant à ses biens immobiliers, plus particulièrement à son « château » du bout du monde. Allégations qui avaient fait l’objet de procès en diffamation mais surtout d’une défense bec et ongles du MSM. À l’époque, Sherry Singh était l’homme fort du couple Jugnauth au point de cumuler le poste de CEO de MT tout en étant le principal conseiller du PM au PMO.
D’après Sherry Singh, cette amitié longue de quinze ans se serait effritée en 2020, année ou il est pourtant nommé à la présidence d’un comité créé pour sauver Air Mauritius qui venait de crasher sous le poids de mauvaises décisions accumulées. Avant de démissionner en 2021 comme conseiller spécial de Pravind Jugnauth. Selon certaines sources, son rôle dans la kwizinn aurait été minimisé avec le retour de certains et la nomination de nouveaux marmitons et gâte sauces. Était-ce une décision prise d’un commun accord ? Les deux principaux protagonistes concèdent qu’ils ne se parlaient pas depuis un bout de temps. Nuance : Sherry dit, lui, que Pravind ne l’écoutait plus, ne suivait plus ses conseils. Est-ce que la cause de la rupture entre ces amis de quinze ans, ou est-ce qu’elle a été provoquée par d’autres dissensions plus profondes ? Sherry Singh affirme qu’il a claqué la porte de MT parce que le PM lui a ordonné, lors d’une conversation téléphonique, d’autoriser une « tierce partie étrangère » à utiliser le système de MT pour contrôler les communications internet des Mauriciens, ce qu’il a refusé. Pour sa part, Pravind Jugnauth dit que son ex-ami ment et lui demande d’aller faire une déclaration à la police pour l’ouverture d’une enquête à l’issue de laquelle il lui donnera la réplique. Sans donner raison à Sherry Singh, on peut comprendre sa réticence à aller faire une déposition à la police, quand on sait comment elle mène certaines enquêtes…
Dans le feuilleton qui nous est offert en live direct depuis vendredi, une chose est certaine : Pravind Jugnauth et Sherry Shing ne s’aiment plus. On pourrait même dire qu’ils se haïssent. Depuis vendredi, le second traite le premier de PM qui ne sait plus écouter, qui n’est pas un bon gestionnaire. Depuis samedi, le second utilise, pour désigner le premier, le surnom que lui avait donné ses adversaires : le Maharajah. Mais il est aussi évident que le Maharajah a préparé sa démission comme une grosse opération de com en plusieurs étapes : le teaser pour annoncer la démission ; le message pour l’expliquer en ne disant pas grand chose, et sa sortie sous les applaudissements du personnel de TelecomTower avec la fermeture « spontanée » de plusieurs centres de MT à travers le pays. Avec, pour point d’orgue, une émission de radio en direct au cours de laquelle il a joué le rôle du patriote refusant de suivre une directive destinée à permettre à des étrangers d’espionner les communications des Mauriciens.
Pour essayer de lui donner la réplique, le MSM joue officiellement une partition : que le Maharajah aille faire une déclaration à la police. Officieusement, toute une série d’informations/révélations contre Sherry Singh – celles-là même que le MSM avait qualifiées de fausses– ont fait leur apparition dans les bureaux de rédaction. Le but est de tenter de discréditer celui qui est devenu un adversaire. Mais il est évident qu’à ce niveau, Sherry Singh, qui a passé beaucoup d’années dans la kwizinn, a dû faire provision pour faire face à d’éventuelles menaces ou dénonciations. Ne serait-ce qu’un enregistrement de la conversation lui ordonnant de permettre à une entité étrangère d’espionner les communications des Mauriciens. Selon la phrase enregistrée de MT, « cette conversation est susceptible d’être enregistrée… »
La guerre entre les amis de quinze ans ne fait que commencer. Et souvent, les meilleurs amis peuvent se transformer en pires ennemis.
Jean-Claude Antoine

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour