Victime d’un accident alors qu’il avait 7 ans : Un drame qui brise le rêve de toute une famille

Il a 20 ans. Il est épanoui, serviable et aime rire. Il a une petite amie. Chaque matin, il passe son bel uniforme rouge et jaune, et sauve des vies. C’est lui aussi qui s’occupe de son père, James, retraité, et qui a plusieurs problèmes de santé. Il s’occupe aussi de sa mère, avec qui il a développé une grande complicité… Ce portait, c’est celui que Sheila Brette dresse de son fils Ryan. Un rêve qu’elle avait pour lui. Le rêve de Ryan aussi, qui ambitionnait de devenir pompier pour sauver des vies. Mais la réalité est tout autre. Ryan a effectivement 20 ans. Il n’est ni joyeux ni ne porte-t-il l’uniforme des pompiers. Et encore moins peut-il s’occuper de ses parents. Au contraire ! C’est eux qui doivent tout faire pour lui. Un rêve brisé en quelques secondes, le 8 mars 2010, il y a 13 ans. À cause d’un accident…

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L’histoire tragique de Ryan Brette est connue de nombreux Mauriciens. Elle est souvent citée en exemple pour un rappel poignant des conséquences dévastatrices qu’un accident de la route peut engendrer, car la vie de ce jeune homme de 19 ans et celle de ses parents Sheila et James Brette a été à jamais chamboulée.

Lorsque nous arrivons chez la famille Brette, hier, à 9h, Sheila Brette est en sueur. Elle se dépêche de couvrir son fils, à qui elle vient de faire la toilette et qu’elle a bordé dans sa couchette. Son époux James peine à marcher. Il a des douleurs au pied. C’est donc Sheila qui s’occupe principalement de tout. D’un œil attendri, elle regarde son fils et lui caresse la tête. C’est déjà l’heure de le faire uriner, avant qu’il ne s’endorme. Elle s’excuse et passe l’urinoir devant son fils et attend qu’il finisse de se soulager. Ensuite, elle va se débarrasser du liquide et lave l’urinoir. Lorsqu’elle retourne dans la chambre, elle fait à nouveau un câlin à Ryan. “Enn zourne li gagn kalin sa bebe-la”, dit-elle en souriant avec compassion. Mais il n’y a aucune réaction de son fils. Pour cause, il est paraplégique !

Fauché sur le trottoir

Si l’accident dont il a été victime en 2010 lui a tout de même laissé la vie, ce drame a transformé à jamais l’existence de Ryan Brette, privé de la capacité de bouger, voir ou parler ainsi que celle de sa famille. Il n’avait que sept ans, en 2010, lorsque sa vie a basculé. Ce 8 mars 2010, sa mère s’en souvient encore comme si c’était hier. En regardant partir son fils le matin dans le van scolaire, elle était loin de penser que leur vie à tous dans la famille changerait du tout au tout en un jour. Ce sont des voisins qui l’ont alertée dans l’après-midi pour lui dire d’accourir sur l’arrêt d’autobus. Alors qu’il était sur le trottoir, Ryan avait été percuté par une fourgonnette qui tentait de doubler l’autobus duquel il était descendu. Le temps qu’elle arrive sur place, des passants avaient déjà transporté le petit à l’hôpital du Nord.

À l’hôpital, on lui apprend que Ryan a été pris en charge dans la salle d’opération, car il a de nombreuses blessures. En attendant que son mari qu’elle a alerté la rejoigne, Sheila prie. “Mo’nn demann Bondie si se mo zanfan.” Le petit passera un mois en ICU et les médecins préviendront la famille que “son cas est sérieux”. Pendant ce mois, Sheila et James Brette font des allers et retours quotidiennement à l’hôpital, et entre les visites du matin et de l’après-midi, chaque jour, ils se rendent dans les églises des quatre coins de Maurice pour demander à Dieu de sauver leur unique enfant. “Pa ti ena kouraz pou narye. Manze pa kapav. Ti koumadir lamor inn pass ar nou”, se souvient James Brette.

“Enn 2e bom tom lor nou”

Un mois après cet accident tragique, alors que le couple Brette prie le Père Laval, il reçoit un coup de fil de l’hôpital. On leur demande de s’y rendre au plus vite, car il leur faudra signer des papiers pour permettre aux médecins d’intuber leur fils qui était sorti, finalement, du coma. “Nous étions soulagés. Ce fut une grande joie, car nous avions enfin une bonne nouvelle, notre fils allait vivre”, dit Sheila Brette. C’était sans savoir ce qui allait par la suite être leur vie à tous dans la famille. À l’hôpital, le Dr May, une Allemande, leur apprend que leur enfant “so lavi pa pou parey”. Lors de l’accident, le cerveau de Ryan a été endommagé. Conséquence : jamais plus ne pourra-t-il reparler, remarcher, remanger normalement… Ryan était redevenu comme un bébé de trois mois. “Larm koule. Koumadir enn deziem bom tom lor nou”, dit Sheila Brette.

Si avec son mari elle se réjouit que son fils soit encore en vie et remercie le Dr May “san ki zame Ryan pa ti pou la”, la jeune mère d’alors sait que rien ne sera plus pareil. Elle doit alors séjourner aux côtés de son fils à l’hôpital. Pendant plus de deux mois. Elle apprendra comment faire pour nourrir son fils “par tib” et de retour à la maison, elle prendra la patience nécessaire pour s’adonner à sa tâche. La vie n’est pas facile pour ce couple, qui doit trouver les moyens pour que le petit puisse trouver un peu de confort dans la maisonnée qu’il loue.

Avec l’aide de bienfaiteurs, dont des Mauriciens établis en Australie, le couple obtient un lit médicalisé pour le petit bonhomme. Mais matin et soir, sa mère doit être à son chevet, car autre séquelle de cet accident tragique : les crises d’épilepsie de Ryan.

À 20 ans, alimenté  par un biberon

Mais Sheila Brette ne se décourage pas en dépit des difficultés. Alors qu’au départ elle insert la nourriture de Ryan par le tube, un jour, il lui vient à l’esprit de lui donner du yaourt. Puis elle décide de le nourrir au biberon. Et jusqu’aujourd’hui, le jeune homme de 20 ans est alimenté par un biberon. Pour pouvoir joindre les deux bouts, la famille fat des démarches et obtient l’autorisation pour effectuer des quêtes publiques. La maigre pension de Rs 3 000 à l’époque ne suffit pas pour prendre soin de Ryan. “Parski sak fwa pou amenn li lopital, bizin pran taxi. Ena medsinn pa gagne dan lopital, bizin aste lafarmasi, e li ser. Nou finn bizin trase pou resi fer tou pou Ryan”, dit sa mère.

Ce n’est qu’après 11 ans, en 2021 que la famille obtiendra finalement une indemnisation, lorsque le Conseil Privé de la reine a statué en faveur des Brette. Pour le couple, l’argent octroyé par le gouvernement représentait une lueur d’espoir pour améliorer la qualité de vie de Ryan, lui fournir des soins médicaux et des équipements adaptés à son handicap et lui offrir un environnement adapté à ses besoins. Mais ils étaient loin de s’imaginer toutes les tracasseries qu’il y a derrière l’obtention d’une telle somme gérée par curatelle. Ainsi, jusqu’aujourd’hui, confie le couple, il est toujours locataire. S’il aurait bien voulu obtenir une maison de la NHDC, ces unités ne sont pas adaptées quant à la situation de handicap de leur fils qui, depuis, est devenu un jeune homme costaud, pesant quelque 90-100 kg.

“Pas de Carer pour Rs 3500”

“Li pa fasil pou nou aste enn lakaz, parski nou bizin enn plas ki konfortab, kot pou kapav get Ryan kouma bizin”, explique James. En attendant, le couple fait de son mieux pour veiller sur Ryan. Mais le quotidien n’est pas facile, car James est souffrant. C’est ainsi Sheila qui est principalement au chevet de Ryan. Surtout qu’il est difficile, en dépit de la Carer’s Allowance dont bénéficie la famille au nom de Ryan, de trouver une aide. “Persone pa le vinn travay pou Rs 3 500. Surtout ki li enn ka difisil koumsa. Li pa fasil pou lev Ryan. Mem ek Rs 11000 pansion li pa ase pou viv kan ou misie fini pran retret ek ou lokater”, dit Sheila. Heureusement qu’à travers la bienveillance de certaines associations qui soutiennent le couple, il a obtenu une « lève-personne » électronique qui permet, une fois le jeune homme attaché, de le mouvoir.

L’histoire de Ryan Brette met en lumière la lutte quotidienne d’une famille qui tente de reconstruire sa vie malgré les obstacles insurmontables. C’est un rappel poignant des conséquences profondes et durables d’un accident de la route et que derrière chaque accident de la route se cachent des vies profondément touchées et des familles en quête de rédemption, de justice et d’espoir. Il vient aussi mettre en exergue l’importance de la sécurité routière et la nécessité de soutenir les victimes d’accidents de la route et leurs familles dans leur quête de justice et de dignité.

Appel au Premier ministre

Un pass privilège souhaité pour éviter les files d’attente

Sheila et James Brette souhaitent rencontrer le Premier ministre, Pravind Jugnauth. Ils lancent un appel pour qu’il s’attarde sur le cas et celui de nombreux autres parents qui se retrouvent dans leur situation avec un enfant accidenté, paraplégique. « Nou lavi pa fasil. Si Premie minis tann nou, konpran nou soufrans, li ti kapav donn nou enn kart privilez pou nou servi kan nou ena bann demars pou fer », dit James Brette. Alors que lui est souffrant, lorsque son épouse également se retrouve malade, elle doit attendre quand il fait nuit pour se rendre à l’hôpital. « Parski partou kot ou ale ena lake. Mo pena personn pou get Ryan. Mo bizin gard mo douler, atann ki Ryan inn dormi aswar, pran taxi pou resi al get dokter enn ler kot lopital pena dimounn. Si ale gramatin, mo pou tro tarde », dit Sheila Brette. Un pass privilège allégera la famille, qui n’aura pas à attendre dans les fils d’attente. « Mem labank, mem pou CEB, ou swa enn lot biro, enn pass privilez, parski nou sitiasion difisil, ti pou kapav ed nou », dit le couple, qui demande une rencontre avec Pravind Jugnauth pour lui exposer son calvaire.

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