Etre ou ne pas être Première dame ? Au Chili, les féministes divergent

La récente décision d’Irina Karamanos, la compagne du nouveau président de gauche Gabriel Boric, d’endosser le rôle de Première dame suscite la controverse chez les féministes au Chili : si certaines soutiennent son souhait de réformer le poste « de l’intérieur », d’autres la critiquent pour avoir accepté une fonction « anachronique ».

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Mardi, la jeune femme de 32 ans, diplômée en sciences sociales, elle-même militante féministe et engagée à gauche, a annoncé qu' »après plusieurs semaines de réflexion », elle avait décidé d' »assumer le rôle » de Première dame « avec l’engagement de le redéfinir » pour qu’il corresponde à ses convictions.

Une décision qui n’a pas manqué de faire réagir les différents mouvements féministes, particulièrement actifs depuis plusieurs années dans ce pays longtemps considéré comme l’un des plus conservateurs d’Amérique du Sud.

Depuis l’élection le 19 décembre de Gabriel Boric, un ancien leader étudiant et ex-député de 35 ans, la question même du maintien du poste de Première dame était posée, après que lui-même s’était prononcé en faveur de sa suppression.

« Il ne peut y avoir aucun poste dans l’État qui ait un rapport avec la relation du président ou de quiconque », avait déclaré pendant la campagne électorale celui est en couple avec Irina Karamanos depuis 2019.

Le poste de Première dame n’est pas réglementé au Chili. Traditionnellement, il n’est pas rémunéré. Mais lui revient la gestion de budgets de plusieurs millions de dollars de sept organisations sociales intégrées à la Direction socioculturelle de la présidence, qui a un bureau dans le palais présidentiel de La Moneda.

« Je ne doute pas des capacités de Mme Karamanos, ce que je remets en question c’est la perpétuation à l’identique d’un poste profondément machiste dans lequel les femmes sont reléguées à un rôle secondaire », a déclaré à l’AFP Priscila González, membre du Réseau chilien contre la violence envers les femmes.

« Notre analyse n’a rien à voir avec la personne d’Irina (…) Pour nous, la bonne chose à faire aurait été de mettre fin à la fonction », renchérit Daniela Osorio, porte-parole de la Coordination féministe 8M, qui regroupe différentes associations.

« D’un point de vue purement féministe, il nous semble que ce rôle, qui est déterminé par une relation sexuelle, affective ou familiale, en l’occurrence par le fait d’être la compagne du président, est hautement problématique », ajoute la militante.

 

– « Concubine » –

 

D’ascendance grecque et allemande, Irina Karamanos a étudié à l’Université d’Heidelberg, en Allemagne. Elle est la responsable nationale du Front féministe au sein du parti Convergencia social. Ce parti appartient à la coalition de gauche du Frente Amplio, représentée par Gabriel Boric dans la course à la présidence.

Lors de sa déclaration, la trentenaire s’est engagée à mettre fin à la vision de « charité » associée au rôle de Première dame, de réduire le nombre de personnes travaillant avec elle et de revoir les plus hauts salaires à la baisse.

Pour Érika Montecinos, journaliste et fondatrice du groupe lesbien Rompre le silence, « il est très important qu’Irina Karamanos redéfinisse la fonction, qu’elle puisse transformer les espaces et leur donner une vision féministe ».

L’opposition, des membres d’autres partis et des observateurs ont surtout critiqué le fait que le couple ne soit pas marié.

« On imagine qu’elle aurait été le scandale si un président de droite avait fait de sa compagne la Première dame, avec à disposition des ressources publiques », a critiqué l’analyste politique Max Colodro.

« Comment on demande une audience à la concubine du président, par la loi du lobby ? » s’est interrogé sur Twitter Tomás Jocelyn-Holt, ancien député du Parti démocrate chrétien et ex-candidat indépendant à la présidentielle, s’attirant un flot de critiques.

Gabriel Boric, qui prendra ses fonctions le 11 mars et qui travaille depuis des semaines à la formation de son gouvernement, est venu à la rescousse de sa compagne qui a fait profil bas depuis l’élection.

« Son intention de moderniser et de rendre plus transparent la fonction reflète le travail que nous menons collectivement : nous devons changer les choses avec responsabilité et depuis l’intérieur », a déclaré le jeune président élu avec 56% des voix contre le candidat d’extrême droite José Antonio Kast.

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