Sous-marins: Paris évoque un « mensonge » et une « crise grave »

Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a évoqué samedi la « crise grave » provoquée par le torpillage d’un mégacontrat de sous-marins français à Canberra, dénonçant une « duplicité », ce que l’Australie et les Etats-Unis contestent.

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Interrogé au journal télévisé de la chaîne publique France 2, M. Le Drian a ainsi justifié le rappel des ambassadeurs français à Canberra et Washington par le fait qu’il y avait « une crise grave entre nous ».

Cette mesure, la première dans l’histoire des relations entre Paris et Washington, « est très symbolique. Il y a eu mensonge, il y a eu duplicité, il y a eu rupture majeure de confiance, il y a eu mépris donc ça ne va pas entre nous », a-t-il déclaré.

Dimanche, le ministre australien des Finances Simon Birmingham a de nouveau assuré que son pays avait informé le gouvernement français « à la première occasion possible, avant que l’affaire ne devienne publique ».

Interrogé par la chaîne publique australienne ABC, il a souligné que la décision australienne de revenir sur le contrat conclu avec la France était évidemment très difficile. « Nous ne sous-estimons pas l’importance maintenant de nous assurer que nous serons en mesure de rétablir ces liens forts avec le gouvernement français et nos partenaires à long terme », a-t-il ajouté.

Le ministre australien de la Défense Peter Dutton a de son côté assuré que son pays avait été « franc, ouvert et honnête » avec la France sur ses préoccupations au sujet de l’accord, qui a dépassé le budget initial et pris des années de retard.

M. Dutton a déclaré qu’il comprenait la « contrariété des Français » mais a ajouté que « les suggestions selon lesquelles le gouvernement australien n’a pas signalé ses inquiétudes défient, franchement, ce qui est dans le dossier public et certainement ce qui a été dit publiquement pendant une longue période ».

M. Le Drian a également expliqué pourquoi Paris avait décidé de prendre cette mesure de rappel, inédite avec des pays comme l’Australie ou les Etats-Unis.

« Nous avons rappelé nos ambassadeurs pour essayer de comprendre et pour montrer à nos pays anciennement partenaires que nous avons un très fort mécontentement, qu’il y a vraiment une crise grave entre nous ».

– ‘Cinquième roue’ –

Le rappel de l’ambassadeur français à Londres a été jugé en revanche inutile: « on connaît leur opportunisme permanent », a-t-il ironisé, quelques mois après le Brexit. « La Grande-Bretagne dans cette affaire, c’est quand même un peu la cinquième roue du carrosse ».

Les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni ont annoncé mercredi un partenariat stratégique pour contrer la Chine, AUKUS, incluant la fourniture de sous-marins américains à propulsion nucléaire à Canberra qui a sorti de fait les Français du jeu.

La France avait signé en 2016 un contrat de 90 milliards de dollars australiens (56 milliards d’euros) pour la fourniture à l’Australie de 12 sous-marins à propulsion diesel, souvent qualifié de « contrat de siècle » en raison de son ampleur et de sa portée stratégique.

Le ministre des Affaires étrangères a d’ailleurs jugé que la crise pèserait sur la définition du nouveau concept stratégique de l’Otan, sans pour autant évoquer de sortie de l’alliance atlantique.

« L’Otan a engagé une réflexion, à la demande du président de la République, sur ses fondamentaux. Il y aura au prochain sommet de l’Otan à Madrid l’aboutissement du nouveau concept stratégique. Bien évidemment, ce qui vient de se passer aura à voir avec cette définition », a estimé M. Le Drian.

– ‘Boussole stratégique’ –

« Mais il faut qu’en même temps l’Europe se dote de sa boussole stratégique et ce sera sous la responsabilité de la France au premier semestre 2022 », a-t-il ajouté, évoquant la présidence française de l’Union européenne au 1er janvier.

L’amiral Rob Bauer, qui préside le comité miliaire de l’Alliance, a toutefois minimisé l’impact de cette affaire jugeant qu’elle n’affecterait pas la « coopération militaire » au sein de l’Otan.

Le porte-parole du département d’Etat américain Ned Price a rappelé de son côté samedi l’importance de la relation franco-américaine. « La France est un partenaire vital et notre plus ancien allié, et nous estimons que notre relation est extrêmement précieuse » a-t-il assuré.

Après le retrait brutal des Américains d’Afghanistan, sans concertation avec ses alliés, et ce dossier des sous-marins, « si les Européens ne sentent pas que pour rester dans l’Histoire, il faut qu’ils s’unissent et défendent ensemble leurs propres intérêts, alors leur destin sera totalement différent », a martelé Jean-Yves Le Drian.

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