La population des cervidés : La chasse, un sujet qui divise

D’un côté, l’on parle de sport de tuer, et de l’autre, l’on parle de prélèvement pour la régulation de la population des cervidés. Si la pratique de la chasse existe depuis des milliers d’années dans des enclos retirés, l’ouverture d’une école publique de la chasse a choqué plus d’un. Noémie Barragan, du Collectif sauvons nos Cerfs, et Lionel Berthault, fondateur de l’Ecole de la chasse et de la Nature s’expliquent.

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Lionel Berthault : “Le chasseur est aussi là pour réguler la population des cervidés”

“ Les chasseurs ne sont pas des éradicateurs.” Lionel Berthault est le fondateur de l’École de chasse et de la NATURE. Ce Français qui a posé ses valises à Maurice il y a 17 ans s’est retrouvé, malgré lui dans le viseur des activistes animaliers. Sans langue de bois, il nous explique que cette pratique millénaire et légale peut choquer, mais reste pourtant nécessaire pour la survie des espèces. Conscient que cela peut heurter des sensibilités, il ne demande qu’à être écouté et compris.

“Tuer un animal peut sauver une dizaine d’autres et cela est un fait”, nous confie Lionel Berthault d’emblée. “Je vous parle et j’ai ma cateau verte sur l’épaule”, dit-il. “Donc, non, je ne suis pas ce qu’on l’on pense que je suis et c’est d’ailleurs pour cela qu’il est important d’écouter et d’avoir l’esprit ouvert pour comprendre l’autre. Je ne suis pas juste un chasseur du samedi qui s’amuse à tirer sur un animal. Non, nous n’égorgeons pas les cerfs pour les laisser agoniser. L’on tire, l’animal s’écroule et c’est fini.”

Détenteur d’un brevet technicien en gestion de la faune sauvage et d’un BTS en gestion et protection de la nature, Lionel Berthault a décidé de sortir de son mutisme face aux divers “malentendus” sur son école. “L’on a balancé des canettes de bière sur ma maison à deux heures du matin en hurlant : Ferme ton école !”, nous confie-t-il. “L’on ne peut pas se permettre de dire des choses sans comprendre ce que fait l’autre, ce sont des diffamations.”

“Et que ce soit bien clair : je ne montre pas aux enfants comment chasser ou utiliser une arme à feu. C’est faux de dire ça. Nos étudiants ont plus de 16 ans, et doivent obligatoirement avoir l’accord parental”, dit-il. Il nous explique que les personnes qui décident de s’inscrire dans son école bénéficient de trois jours de formation où elles apprennent le pourquoi de la chasse, en remontant aux origines de l’homme qui chassait essentiellement pour sa survie et le comment, en étudiant et appréciant l’environnement de l’animal, entre autres.

“Je le redis : le chasseur est un des principaux gestionnaires de la nature et s’occupe de la protection de ces surfaces. C’est un peu cela mon fer de lance : essayer de connaître pour mieux apprécier les choses.”

450 tonnes de viande de cerfs sur le marché local

Il explique ainsi que le chasseur, souvent perçu comme étant un tueur sanguinaire, est avant tout un recenseur et un amoureux de la nature. “La chasse n’est pas égale à une tuerie, mais égale à la protection, car le chasseur est aussi là pour réguler la population des cervidés notamment. Si vous laissez la population des cerfs augmenter, ils vont casser les clôtures, etc. Vous attendez qu’ils meurent tous d’un virus comment cela fut le cas dans le passé où il a fallu abattre des mamans, des petits ? Et on ne peut pas stériliser tous ces cerfs, c’est une chose trop édulcorée, trop irréaliste. Il faut voir les faits tels qu’ils sont.

L’on ne peut pas interdire la chasse”, soutient Lionel Berthault catégorique. “La viande de cerf est une viande consommée par tous et est la plus biologique possible.” Pas moins de 450 tonnes de viande de cerfs sont distribuées sur le marché local, confirme le ministère de l’Agro-industrie et de la Sécurité alimentaire.

Lionel Berthault veut aussi faire le distinguo entre chasseur et braconnier. “Nous avons des saisons de chasse du 1er au 30 septembre. Cette pratique est d’ailleurs parfaitement légale à Maurice et crée 1 500 emplois directement. Nous avons 80 zones de chasse qui représentent 25 000 hectares de terrain. Et des 80 000 cerfs, seulement 15 000 prélevés par an, ce qui est l’équivalent naturel de l’accroissement, qui est le ratio natalité/mortalité”, dit-il. Il soutient aussi respecter parfaitement les croyances et les convictions des uns et des autres, mais rejette l’idée que l’on puisse les imposer. “Ma devise et celle de l’école est “ignoti nulla cupido”, qui signifie “on ne désire pas ce que l’on ne connaît pas”. Et cette citation, elle est d’Ovide. Donc, oui, je respecte les végans, les gens qui s’opposent à la chasse, mais je demande aussi que l’on nous écoute et qu’on nous comprenne.”

Toutefois, Lionel Berthault s’attendait un peu à essuyer quelques critiques en ouvrant cette école, “car c’est normal, il faut réagir”, mais il ne comprend pas pourquoi il n’a pas été contacté par ceux qui sont contre. “Je n’ai pas reçu un seul appel, un seul courriel et pourtant je suis là et je reste à l’écoute”, dit-il. Il explique ainsi que cette école arrive à point nommé après le coronavirus par une demande accrue. “Nous avons commencé avec un groupe de 27 personnes, dont de nombreuses femmes et de nombreux jeunes, ce qui est bien, car cela casse cette image du chasseur un peu porté sur la bouteille, etc. De ces 27 personnes, beaucoup m’ont dit être venus, car ils sont contre la chasse, mais qu’ils voulaient quand même comprendre. Après la formation de trois jours, 26 d’entre eux ont souhaité passer leur permis de chasseret le 27e qui est végan a souhaité lui prendre son temps pour réfléchir.”

Lionel Berthault le répète : “Pendant ces trois jours de formation, ces personnes ne vont pas toucher une arme.” Elles vont certes apprendre comment l’utiliser, mais n’auront aucun droit pour l’utiliser. “J’offre un diplôme sans valeur au bout des trois jours de formation qui ne se substituent pas au gouvernement pour le Hunting licence. Ce n’est donc pas un permis de chasser, mais une formation pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur cette pratique plus que millénaire… Je le reconnais, nous n’avons pas assez parlé de la chasse, mais il est temps d’informer la population et de donner les bonnes informations.”

Collectif sauvons nos cerfs

Le regroupement s’oppose l’Ecole de chasse

Parce que les cerfs sont des animaux doux, intelligents et sensibles, parce qu’ils souffrent encore de la régulation humaine, parce que la chasse est considérée comme une “passion et un sport”, le Collectif sauvons nos cerfs a été constitué pour s’opposer pacifiquement à l’Ecole de chasse et de la Nature et à cette pratique qu’ils estiment cruelle. Les opposants à la chasse ont réuni la presse jeudi à l’hôtel Saint-Georges à Port-Louis pour lancer un appel au gouvernement.

Dans un chassé ou dans leur habitat forestier, il n’est pas rare de voir apparaître un cerf majestueux pâturant paisiblement les feuilles d’un arbre ou même de croiser des biches, des daguets se déplaçant en groupe. Un spectacle d’une grande beauté pour les amoureux de la nature. Mais, dans ce semblant havre de paix, les cervidés peuvent être très craintifs. Le moindre bruit les perturbe et ils courent se réfugier au plus profond des forêts.

A chaque nouvelle ouverture de la chasse, on sait que leur vie est menacée. Les chasseurs sont nombreux à vouloir obtenir le fameux “trophée”. A Maurice, la chasse aux cerfs de Java (introduits par les Hollandais) et la chasse aux cerfs de Rusa (introduits aussi les Hollandais) sont pratiques courantes. Il y a toutefois un quota à respecter. Pour les chasseurs, la surveillance des gibiers permet de réguler la population dans le ratio mâle/femelle, adulte/jeune.

Mais cette pratique qui compte de nombreux passionnés ne plaît pas à tout le monde, notamment au Collectif sauvons nos cerfs, surtout lorsqu’il s’agit de l’ouverture d’une école de chasse. Lors d’une rencontre avec la presse jeudi à l’hôtel Saint-Georges, à Port-Louis, Noémie Barragan, la porte-parole du collectif lance un appel au gouvernement contre l’ouverture de cette “école de chasse et de la nature”.

Pour les opposants à la chasse, cette pratique ne peut être considérée comme un sport ou un loisir. «Ce qui m’interpelle et me chagrine, c’est quand on dit que la chasse est une passion et un sport… Notre but est d’apprendre à nos enfants à aimer les animaux et ne pas les tuer en s’amusant», a déclaré Noémie Barragan. Pour elle, il s’agit d’un loisir qui correspond à tuer pour le plaisir. Surtout, explique-t-elle, lorsque l’on tient en compte ceux qui sont blessés par balle ou à l’arc et qui traînent pendant de longues heures en agonisant dans les pires souffrances avant de mourir ou d’être finalement achevés? Ou ceux encore qui sont traqués, puis déchiquetés par les chiens. «Ils sont traqués dans leur espace naturel. Une fois repérés, ils sont visés aux pattes, leurs blessures permettent aux chasseurs de les approcher pour les égorger. L’animal meurt en se vidant de son sang», dit-elle.

Pour les membres du groupe anti-chasse, rien ne justifie la pratique de la chasse. Pour eux, la régulation des espèces n’est pas nécessaire, la nature faisant elle-même les choses. «En 2020, les espèces animales souffrent encore de la régulation humaine, de nombreuses espèces disparaissent à cause de l’homme. Aujourd’hui, nous savons qu’il est plus respectueux d’utiliser la stérilisation de nos animaux pour contrôler leur développement», dit-elle. Et d’ajouter: «L’homme moderne ne doit plus tuer pour se nourrir. L’industrie de l’agroalimentaire est en charge de cette mission pour les non-végans. Aujourd’hui, tuer un animal lors d’un “temps libre” est totalement gratuit et injustifié, le plaisir de tuer est donc le seul moteur de cette activité. Pourquoi voudrions-nous enseigner cela à nos enfants à l’heure où notre planète souffre, que nos espèces s’éteignent et que nous souhaitons enseigner à nos enfants les valeurs de respect et de développement durable?».

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