ANCIENNES USINES : Ces établissements sucriers reconvertis

Saint-Aubin, Mon Désert-Alma, Beau-Plan… Ces établissements sucriers dont certains ont perdu leur vocation sucrière ont été reconvertis et mis à profit pour de nouveaux usages ou pour développer de nouvelles activités. Certains d’entre eux abritent des centres commerciaux, d’autres se sont transformés en centres d’affaires, ou en musée. Nous nous sommes penchés sur plusieurs exemples de reconversions: l’ancienne usine de Beau-Plan, devenue musée de sucre, le parc d’affaires Vivéa installé dans les anciennes bâtisses de Mon Désert-Alma. Nous nous sommes également intéressés à la reconversion du site de Saint-Aubin avec sa maison coloniale abritant une table d’hôte, ses bureaux et son musée. Nous vous proposons de les découvrir.
Saint-Aubin se trouve à quelques kilomètres au nord de Souillac. Difficile de ne pas apercevoir cette belle demeure coloniale lorsqu’on emprunte la route reliant Saint-Aubin à Rivière-des-Anguilles. Un peu moins de deux siècles après sa construction (1819), le Domaine de Saint-Aubin qui a conservé tout son charme et l’esthétique architecturale de l’ère coloniale se dresse au coeur de la propriété. C’est l’habitation d’origine des propriétaires de la plantation sucrière — le premier fut M. Pierre de St-Aubin. La demeure fut d’abord construite à proximité de l’usine, avec du bois provenant de navires démolis. Habité successivement par les différents administrateurs de la plantation, le domaine a fait l’objet d’une rénovation importante dans les années 90 et fait aujourd’hui partie du patrimoine architectural mauricien. Elle a été transformée en table d’hôte et accueille sous sa varangue et dans ses salons, les amateurs de la cuisine locale.
L’établissement de St-Aubin est composé d’un ensemble de bâtiments. Ici, les éléments existants ont été conservés et ceux dégradés ont été restaurés. Tout en adaptant le site à de nouveaux usages, les architectes ont pris soin de conserver l’architecture industrielle qui marque le paysage. Les murs d’origine ont été préservés. On retrouve d’autres éléments du passé comme certains rails aujourd’hui utilisés dans la toiture. La partie abritant les anciens bureaux est devenue un éco-musée où Mauriciens et visiteurs étrangers peuvent voir toutes les étapes de la transformation de la canne.
Le sucre : une aventure
En plus de produire le sucre, Saint-Aubin a mis sur pied une rhumerie à colonne en cuivre, afin d’étendre sa capacité de production de rhum agricole. On y voit aussi dans une ancienne habitation, la Maison du Rhum ou l’on découvre toutes les subtilités de la distillation d’un rhum agricole: le rhum Saint Aubin 1819. Ce rhum traditionnel fabriqué sur place à partir du premier jus de la canne, est arrangé à la vanille ou au café. À St-Aubin, un coin de jeux a récemment été aménagé dans le jardin. Une mini-ferme a été mise en place où les visiteurs sont en mesure d’interagir avec certains animaux et oiseaux qui vivent sur l’île. On y trouve des faons, poussins et paons, entre autres.
Des musées ont aussi redonné vie aux friches industrielles. L’Aventure du Sucre est le fruit de l’investissement de promoteurs privés issus principalement du monde sucrier. Autrefois Forges de Mon Désir, Indigoterie au XVIIIe siècle, puis usine sucrière jusqu’en 1999, la friche industrielle de Beau-Plan renaît en 2003, forte de son passé, sous les traits de l’Aventure du Sucre. En devenant musée qui évoque une ancienne activité industrielle, le site de Beau-Plan a connu une deuxième vie. Derrière la façade de l’usine se niche désormais un écomusée qui relate la grande épopée du sucre et l’histoire des Mauriciens. Pour héberger cette activité, l’ancien bâtiment a été entièrement restauré et réinterprété. Ont été conservés des éléments comme les machines utilisées pour le broyage de la canne. La visite propose un parcours autour du sucre: du broyage de la canne au jus, et du jus à sa transformation en cristaux.
Cette aventure, fruit de beaucoup de recherches et d’efforts est la réalisation d’un rêve, nous confie Kervina Jeewooth, chargée de la communication de l’Aventure du Sucre. «Dans le parcours proposé, les visiteurs découvre la vie et l’évolution d’une des industries mères de Maurice, avec ses hauts et ses bas, que le bon sens, le dévouement et la tolérance de notre population nous a permis d’assumer pendant plus de deux siècles», indique-t-elle. L’aspect fabrication du sucre constitue le haut de l’iceberg. “Le bas de l’iceberg contient le mot sucre qui recouvre des incidences multiples, aussi bien l’histoire des peuplements de l’île, la formation des paysages, que la recherche agronomique ou les arcanes du commerce international.”
C’est dans cette perspective que le parcours de l’Aventure du Sucre fait appel à une grande diversité de supports de communication. Il privilégie les mises en scène originales, les vues spectaculaires et les aides à la visite interactive : pyramide de sucre géante, locomotive qui se met en route si on répond correctement à un quizz et qui rappelle que le train fut autrefois un moyen de transport privilégié des cannes des champs à l’usine, maquettes animées sur la production d’énergie, chaland à quai qui héberge une exposition photo sur les dockers et évoque la vie portuaire, moulins géants en fonctionnement, courts métrages, pupitres lumineux, albums géants à feuilleter, murs objets ou écrans multimédias et interactifs.
Enfin note Kervina Jeewooth, le site a été conçu sur le principe des grands musées mondiaux, avec une boutique de souvenirs et un restaurant qui complète parfaitement la visite. Le Village Boutik propose une gamme de produits axés sur les sucres et les coproduits de la canne tels le rhum développé en partenariat avec des artisans afin de conserver l’héritage d’un savoir-faire précieusement élaboré au fil des siècles. Le restaurant, Le Fangourin, propose quant à lui de faire découvrir le produits du terroir à travers une série de mets aux saveurs du “temps lontan” et aux accents d’une cuisine moderne mais également des desserts à base de sucres spéciaux.
Transformation spectaculaire
Il y a bel et bien une seconde vie pour les bâtiments industriels. Dernière reconversion en date, celle de l’établissement de Mon Désert-Alma situé à Moka.
Le site présente une architecture résolument contemporaine. L’usine appartenant au groupe Espitalier-Noël (ENL) qui a perdu sa fonction principale, s’est dotée d’un parc d’affaires. Elle abrite des bureaux ainsi que le quartier général du groupe ENL. D’autres entreprises s’y sont aussi implantées. Les employés de MDA Properties, Valetta Offices, Altéo ont depuis cette année leurs bureaux dans ce lieu appelé Vivéa Business Park. L’immeuble 1827 propose lui des espaces de bureaux en location.
La transformation spectaculaire des lieux qui ne remonte qu’à quelques années a été rendue possible grâce au talent d’architectes qui ont adapté les locaux à ses nouvelles activités tout en conservant les éléments de son passé. Ils ont veillé à respecter et à mettre en valeur les éléments d’origine. Les locaux datant de 1827 ont été démolis ou rénovés et remplacés par des immeubles modernes. Des parties les plus anciennes, l’établissement a conservé des éléments remarquables: la vieille pierre, le vieux moulin de 180 ans, l’ancien hangar de train, la balance — qui fonctionne toujours et destiné aux petits planteurs de la région de Moka — y comprois le rail sur lequel la canne à sucre était transférée par train. Les façades des anciens bâtiments qui composent le site ont aussi été sauvées et intégrées aux nouveaux bâtiments. À l’intérieur, tout a changé: le sol, les plafonds. Le site a vraiment connu une deuxième naissance après avoir été transformé. Et depuis le début de 2010, le vieux moulin de 180 ans s’est peu à peu converti en espace bureau.
La matérialisation de Vivéa continue avec un morcellement de huit lots de terrains à vendre pour la construction de bureaux. Ce dernier prend graduellement forme à mesure que les travaux d’infrastructures avancent.
L’histoire de Mon Désert Alma remonte aux alentours de 1827 quand Martial Noël acheta une propriété de 110 hectares qu’il surnomma Mon Désert en raison de son isolement. En 1947, la centralisation de la sucrerie d’Alma sur Mon Désert donnera à la compagnie sa forme actuelle, d’où son nom Mon Désert Alma. Le site industriel employait plus de 2000 personnes — cadres, artisans, travailleurs agricoles et non agricoles confondus.
Ainsi, le paysage architecturale de l’île change, s’adaptant à la modernité, laissant quand même quelques beaux vestiges afin qu’ils ne se perdent pas dans la mémoire collective.

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