JASON HEERAH : Égayer nos chemins de couleurs

Scope explore l’univers de Jason Heerah, chanteur et batteur ou les deux à la fois, né en Australie. Il souligne le lien tissé avec la culture et la musique mauriciennes. Notre compatriote révèle les aspirations menant à Nou Sime.
 
Votre parcours commence en rythme, n’est-ce pas ?
J’ai appris la musique en jouant sur la batterie de mon père. J’avais sept ans. Mon père et ma mère sont nés à Maurice. Mon père côtoyait les Lebrasse à Plaisance, Rose-Hill, ainsi que d’autres familles de musiciens. Il s’est par la suite envolé pour l’Australie et a rencontré ma mère. Je suis né à Melbourne en février 1983. J’ai pris goût très jeune à la musique. C’est venu naturellement. J’ai toujours baigné dans un environnement de musiques et de répétitions, avec des musiciens jouant à la maison, transformée en salle de répétitions. J’aimais bien enregistrer ma voix.
 
Quelles sont vos références musicales ?
J’ai grandi au son de Earth Wind and Fire, Bob Marley, Kool & The Gang. Une tendance soul-funk-reggae présente en moi, tout comme le séga. Ce sont des sons qui résonnent à mes oreilles depuis ma petite enfance. Au fur et à mesure que je grandissais, j’écoutais Ras Natty Baby. Serge Lebrasse et Jean-Claude Gaspard ont bercé mon enfance. Je n’oublie pas non plus kapitenn Michel Legris. Ma mère me raconte que lorsque nous venions en vacances à Maurice, je tapais sur des ti-lamok lorsque j’entendais la chanson de Michel Legris. Sa disparition m’a beaucoup touché.
 
Que ressentez-vous sur scène ?
Une émotion extraordinaire quand le public est en phase avec moi, lorsque je vois des gens apprécier la musique que je propose. J’ai toujours aimé ressentir cette sensation. Et cela me conduisait à participer aux concours de chants lorsque j’étais à l’école. La scène est presque une addiction. Je ne l’ai pas choisie; la musique m’a choisi.
 
Pourquoi chantez-vous, Jason Heerah ?
J’ai toujours aperçu un micro à côté de la batterie de mon père. Enfant, je croyais que jouer de la batterie et chanter en même temps était une chose “normale”. Aujourd’hui, chanter est pour moi une voie à travers laquelle je peux m’exprimer artistiquement. C’est une manière de toucher les émotions des gens. 
 
Vous sortez un disque en collaboration avec Chris Jo et Otentik Groove. Dites-nous en davantage.
J’estime que chacun d’entre nous a un message d’amour, de paix et de joie à partager avec les autres. Si j’ai pu interpeller ne serait-ce qu’une seule personne, korek sa ! La mission est accomplie. C’est ce à quoi je crois. On n’est pas sur Terre que pour soi, mais bien pour partager quelque chose avec quelqu’un, dans ce bas monde rempli de péchés, qui fragilisent l’humanité depuis la nuit des temps. Il arrive aussi à certains d’avoir des talents extraordinaires. Je pense à mon ami, le bassiste Didier Baniaux, entre autres musiciens de qualité, qui ont reçu un don. Il importe de ne pas gaspiller ce talent et de se perfectionner sans relâche.
 
Le titre de l’album ?
Nou Sime, notre destin sur le parcours de la vie. Nous ne savons jamais où nous mènera le chemin, mais nous pouvons l’égayer de couleurs. Nous pouvons prévoir ce que nous ferons l’année prochaine sur notre agenda, mais on n’est jamais sûr de ce qui se passera entre-temps. Nou Sime se seki nou’nn fer; seki nou pe fer, ek seki nou anvi fer dime. Cet album est non seulement festif mais contient également des pensées que je souhaite partager avec le plus grand nombre. J’y ai mis beaucoup de moi et de mon vécu. Peut-être une partie de mon âme. Mon ressenti et comment, selon moi, rendre les choses meilleures dans le futur. Nous pouvons faire des choses bien. J’ai deux enfants et j’ai le devoir de leur tracer un destin, de leur faire un chemin dans la vie. Nou bizin fer sa pou nou bann zanfan. Leur proposer une existence meilleure que la nôtre. Nous avons tous une histoire, un chemin qui nous est propre.
 
Ressentez-vous un besoin de vous reconnecter à vos racines mauriciennes ? 
Je suis à Maurice depuis avril pour la réalisation de l’album. J’ai voulu ressentir la culture au plus profond de moi pendant l’élaboration du disque, et prendre du recul par rapport à la musique purement occidentale. Une sorte de retour aux sources créatrices, enrichi de ce que j’ai pu acquérir en Australie. Je suis venu avec mon studio dans mon ordinateur. Cela me permet de créer la nuit, ou à n’importe quel moment lorsque se présente une inspiration. Je vous avoue que l’autre raison de mon séjour est que j’ai rencontré l’amour. Mon coeur est ici. Je ne m’en cache pas maintenant, même si cela relève de ma vie privée. Part of my heart stayed in Mauritius for reasons other than music.
 
En référence à une de vos créations (Chasing Love), chassez-vous l’amour ? 
J’ai écrit cette chanson pour l’humanité. Or, le sens profond des paroles s’est révélé à moi bien après. Un sens qui m’avait échappé lors de l’écriture du texte. J’ai eu des frissons lorsque j’ai mesuré la portée de mes paroles et la résonance que cela pouvait avoir chez ceux qui auront compris. On se remet tous à un moment donné en question : suis-je vraiment heureux dans ce que je fais ? Et toujours le souci du lendemain meilleur pour mes enfants. Ils comprendront cela un jour, même si je ne suis pas aujourd’hui à leur côté. J’assume ce choix. La création requiert ma présence ici. Afin de mener à bien ce projet en compagnie de Chris Jo, comme ce fut le cas pour Lin en 2016. J’espère que Mo Simé plaira aux Mauriciens d’ici et d’ailleurs. Je me ferai un plaisir de chanter pour eux en live. Parski, mwa, mo gagn mo nisa live.
 
Quelle est votre définition de l’artiste ?
Commençons par une référence : Stevie Wonder. C’est quasiment un dieu à mes yeux. Ils ne sont pas nombreux à avoir poussé leur capacité créatrice aussi loin au niveau musical. Un artiste, c’est aussi des valeurs et une certaine spiritualité, la pertinence et la sincérité du propos; sinon, c’est quelque chose de totalement faux. Je préfère quelqu’un qui met en pratique ses propres messages. Quelqu’un qui ne se ment pas à lui-même. C’est cela, un vrai artiste. Partager une partie de soi, de ses inspirations, de ses aspirations.

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