THÉÂTRE : Le prénom, une réplique léchée

“Allez vous faire foutre ! Et bonne nuit.” Sur ces belles paroles, Elisabeth (Deepa Bhookhun) quitte le salon où s’est jouée une logomachie rythmée. Son époux Pierre (Robert Furlong) brandit un vigoureux bras d’honneur à Vincent (Fabien de Comarmond), resté dormir sur le canapé car sa femme Anna (Nathalie Ahnee) a décidé de prendre la voiture pour raccompagner Claude (David Pion), à qui Vincent a cassé le nez.
Soirée d’engueulade
Anna accouche quatre mois plus tard; la venue du bébé mettra en évidence toute l’absurdité de cette soirée d’engueulade entre amis où les répliques assassines ont fusé tous azimuts. La comédie de moeurs repose grandement sur un jeu d’acteurs énergique. À ce propos, les comédiens ont servi au mieux leur personnage dans une mise en scène qui a tenu la gageure de faire aussi bien que la version originale.
Soulignons que les comédiens présents sur la scène du Théâtre Serge Constantin sont des amateurs (hormis David Pion). Cela n’enlève en rien leur mérite d’avoir reconstitué sur les planches les entités d’une soirée franchouillarde qui a tourné au vinaigre. La direction d’acteurs et la mise en scène de Denis-Claude Koenig ne sont sans doute pas étrangères à ce résultat.
La scénographie donne à voir un salon de bobos parisiens. L’on devine aisément les autres pièces de cet appartement cossu, pour ne pas dire snob. La scène est un espace où est recréé un lieu animé par des personnages propres à cet environnement. Ce sont donc des Parisiens et surtout un mode de vie correspondant que la production mauricienne a isolés sur scène pendant une heure et demie.
Bonne facture
On entre sans peine dans cet espace. La diction ne laisse transparaître aucune intonation locale, sauf dans quelques rares répliques. L’on peut néanmoins dire que l’illusion est efficace. La prise de bec initiale entre Vincent et Pierre plombe suffisamment l’ambiance pour lancer la pièce et les offensives des uns et des autres. Dans ce concert d’âpres échanges d’arguments, chaque personnage joue sa partition solo de discorde pour que la dispute organisée ne soit pas cacophonique.
Si l’on trouve davantage de relief et de tempérament à la version originale, sans doute convient-il de rappeler que Les Lurons du Théâtre pratiquent leur art en dilettante. Ce qui ne les empêche pas de livrer une performance de bonne facture. Un théâtre de qualité sur les planches mauriciennes. On ne peut qu’en redemander pour la survie même de l’art dramatique.

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