ASSEMBLÉE NATIONALE: Préséance de l’avortement sur le discours-programme mardi prochain

Si ces derniers mardis, les députés ont dû subir les débats sur le discours-programme qui se déroulent dans le désintérêt général avant qu’ils n’attaquent le gros morceau qu’est la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse dans des circonstances très particulières, tel ne sera pas le cas mardi prochain, jour où les dernières interventions – dont celles d’Alan Ganoo, Xavier-Luc Duval, Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam – devraient avoir lieu. C’est le Criminal Code (Amendment) Bill qui aura préséance sur le discours-programme. Tant mieux, car c’est le déroulement qui aurait dû être, en fait, privilégié depuis le début.
Le débat s’est ainsi poursuivi vendredi avec pas moins de onze intervenants. Au-delà de ceux qui ont fait montre de leurs convictions religieuses, l’ambiance dans l’hémicycle était plutôt bon enfant, en dehors de l’agitation du député rouge Patrick Assirvaden, ponctuée par les commentaires de son acolyte Nita Deerpalsing. En résumé, l’opinion des intervenants du vendredi 8 juin.
C’est le député mauve Aadil Ameer Meea qui a été le premier intervenant pour dire qu’il votera contre l’amendement au Criminal Code. Il a évoqué ses convictions religieuses pour dire que certaines clauses de ce projet de loi ne pourraient justifier une IVG.
Son collègue Kavi Ramano, se disant « profondément blessé » par les remarques de certains pro-life quant à la conscience du législateur, a défendu la laïcité des débats parlementaires. « Ce débat ne doit pas être un débat religieux, car la question concerne non seulement la femme et la famille, mais aussi la santé publique. »
Il a évoqué la réalité de notre société d’aujourd’hui, avec des jeunes sexuellement actifs très tôt, pour plaider en faveur de l’éducation sexuelle dans nos écoles. Le député du N° 18 a été chaudement félicité par la députée rouge Nita Deerpalsing, qui a traversé l’hémicycle pour lui serrer la main à l’heure de la pause.
« Les amendements proposés au Criminal Code Act sont innovants. En dépit des différences d’opinion, les parlementaires ne doivent pas imposer leurs convictions personnelles à la société », a soutenu pour sa part, le député rouge du N° 9, Dhiraj Khamajeet, qui a estimé que les propositions vont dans le sens de l’émancipation de la femme.
« Le recours à l’avortement en vue de sauver la vie d’une mère est chose courante, et il est grand temps qu’une loi régisse cette pratique », a ensuite indiqué la députée mauve Françoise Labelle. Toutefois, dans l’ensemble, les amendements proposés au Code pénal, principalement dans les cas de viol, la dérangent, a-t-elle fait comprendre.
Le député du Front Solidarité Mauricienne (FSM) Cehl Meeah n’a pas mâché ses mots pour souligner son opposition à l’amendement du Code pénal. « Avorter est synonyme de crime », insiste Cehl Meeah, qui a fait fi des piques du député Patrick Assirvaden, soutenu par les rires et autres moqueries des parlementaires, dont Nita Deerpalsing.
Le « courage d’homme » des femmes
Ses félicitations aux députées Aurore Perraud et Lysie Ribot « pour leur courage d’homme », ont vivement fait réagir certains parlementaires, principalement Nita Deerpalsing, s’offusquant du fait que « pour Cehl Meeah, les femmes ne sont pas dignes de courage ».
S’il se dit favorable à certains aspects des amendements, Franco Quirin, député du MMM, a exprimé des réserves sur le projet de loi. Selon lui, ces amendements, notamment dans les cas de viol et en raison des procédures judiciaires lentes, sont difficiles à mettre en pratique. Il dit craindre des « cas de viol fictifs » et a proposé la mise en place d’un tribunal pour les délits sexuels.
C’est principalement en sa qualité de médecin que le ministre des Terres et du Logement, Abu Kasenally, est intervenu sur le sujet. « En tant que praticien, j’ai été témoin de nombreux drames vécus par des femmes à cause d’avortements réalisés dans de mauvaises conditions », dit-il. Selon lui, ce projet de loi est un pas en avant pour protéger la femme.
Il soutient d’ailleurs que Maurice dispose d’équipements sophistiqués permettant de déceler les anomalies chez un foetus. « En amendant le Code pénal, nous pourrons éviter, dans de nombreux cas, que la vie de la mère et de l’enfant soit mise en danger. C’est pourquoi je voterai les amendements proposés », a-t-il fait ressortir.
Estimant pour sa part qu’il n’y ait pas eu suffisamment de discussions sur le sujet, le député mauve du N° 19, Deven Nagalingum, note que le projet de loi vient légaliser « des pratiques qui ont lieu déjà ». Et si certains de ces amendements à la loi sont « hautement controversables », il est d’avis que « this bill is not bad in itself ». Il votera donc en faveur du projet de loi.
Pour le député rouge Abdullah Hossen, « fonder une loi sur des convictions religieuses serait une violation de la laïcité ». Ainsi, en tant qu’élu, dit-il, « je salue les amendements proposés ». Il précise toutefois qu’il est en faveur d’une IVG médicale, et s’oppose à une IVG simplement pour mettre fin à une grossesse, notamment dans les cas de mineures de moins de 16 ans. Il a également fait part de son opposition par rapport aux avortements dans des cas de viol et d’inceste, estimant que dans ces cas, « le bébé a le droit de vivre ». Pour clore les débats tard dans la soirée de vendredi, les députés Nando Bodha, Nita Deerpalsing et Rajesh Bhagwan.
Mardi, ils étaient sept à s’exprimer : Jean Claude Barbier, qui s’est dit contre en invoquant le vote le plus important de sa carrière depuis 1995 ; Thierry Henry, qui a salué la « fin des braconniers » qui pratiquent des avortements d’arrière-cour ; Showkutally Soodhun, qui s’est, au nom de sa religion, prononcé contre ; Nicolas Von Mally, qui a rejoint Paul Bérenger pour dire que le statu quo n’est pas acceptable ; Reza Issack, qui a fait dans l’ambiguïté même si, comme à son habitude, ses propos ont été de haut vol ; Eric Guimbeau, qui a démontré son opposition au texte en estimant que le gouvernement n’a pas de mandat pour le faire passer, ajoutant qu’il faudrait soit des élections, soit un référendum pour avoir le vote populaire ; et Stéphanie Anquetil, qui a salué comme une grande avancée pour les femmes le projet proposé.

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