Inondations : gouverner, prévoir ou les deux

Que d’eau, que d’eau ! En France, en Allemagne, en Russie, au Kazakhstan, en Californie… Autant de pays qui auront connu des inondations soudaines, toutes ravageuses, depuis le début de l’année. Mais aussi à Dubaï, où deux ans de pluies seront tombés en moins de 24 heures, causant des scènes de panique inédites dans une région peu propice à ce genre de phénomènes. Plus près de chez nous, les inondations auront surpris le nord-est de Madagascar, ou encore La Réunion, lors du passage de Belal. Ce même Belal qui nous aura bien sûr aussi impactés, occasionnant un chaos sans nom dans les artères de la capitale, et dont les images auront fait le tour du monde. Et nous rappelant l’épisode tristement célèbre de 2013. Avant que Dame Nature ne vienne nous frapper à nouveau le 21 avril dernier, occasionnant là encore de gros dégâts, dont cette maison que l’on aura vu, quasi en direct sur les réseaux sociaux, littéralement s’effondrer au Ruisseau-du-Pouce.
C’est un fait, le début de l’année aura été particulièrement bien arrosé aux quatre coins de la planète; on se croirait presque dans un film catastrophe Made in Hollywood. D’autant que ce genre de phénomène est promis à se reproduire de plus en plus fréquemment, qui plus est avec une intensité montant elle aussi crescendo. Comme le confirme d’ailleurs une nouvelle étude scientifique, qui fait par ailleurs le lien entre l’augmentation de la fréquence des inondations et le fait que la planète se réchauffe.
Cela dit, ce constat équivaut dans la conjoncture à enfoncer une porte ouverte, tant la chose est entendue depuis déjà pas mal de temps, et ce, y compris au niveau politique. Nos décideurs ne se privent d’ailleurs jamais de brandir à chaque épisode dramatique le spectre du changement climatique, se dédouanant ainsi des conséquences, puisque celles-ci ont une origine globale. C’est d’ailleurs ce qu’aura fait notre ministre des Infrastructures publiques, Bobby Hurreeram, au Parlement mardi dernier, lors d’une PNQ adressée par le leader de l’opposition sur les récentes inondations. Une justification qui, il faut l’avouer, est quand même très légère. Car quand bien même, comme le rappelle le ministre, le monde serait régulièrement et diversement frappé par les inondations, sans grands recours, on peut raisonnablement douter que tout soit réellement mis en œuvre à Maurice pour nous prévenir des risques.
Si tout le monde s’accorde en effet pour reconnaître à ces inondations 2.0 une origine anthropique, qui plus est sachant que ces phénomènes extrêmes ne disparaîtront pas du jour au lendemain, même si nous options dès aujourd’hui pour un monde « zéro carbone », prendre des actions fortes d’atténuations apparaît en tête de liste de notre futur guide du survivalisme. Comment ? Eh bien peut-être en commençant par y réfléchir à deux fois avant de bétonner et d’octroyer les permis de bâtir à tour de bras. Car depuis des décennies, et plus particulièrement encore la dernière, l’absence de réel plan d’aménagement du territoire aggrave les risques d’inondations. Et ce, en raison des réseaux d’infrastructures de transport, d’entreprises ou encore d’habitations construits en zone inondable.
Autre souci « dont personne ne se soucie » : nos villes. Lesquelles souffrent, comme ailleurs c’est vrai, d’un souci d’imperméabilisation des sols, avec pour effet de bloquer l’absorption de l’eau et de favoriser son écoulement rapide. Il en est de même de nos espaces naturels, qui sont soit supprimés, pour faire place à des développements, infrastructurels et autres, soit modifiés (assèchement des zones humides, disparition des haies, etc.). Avec là encore pour résultat de relever davantage les risques de crues soudaines. Et il ne s’agit là que de quelques constats parmi tant d’autres pouvant expliquer que beaucoup d’entre nous se retrouvent trop souvent les pieds dans l’eau.
Dans tous les cas, une seule certitude : ce type de manifestation extrême du changement climatique est là pour durer, quoi que l’on fasse. Autant donc s’y habituer. Pour autant, cela ne signifie aucunement que l’on doive accepter l’inévitable sans broncher. La responsabilité première de tout gouvernement étant de protéger sa population, il lui revient de trouver la parade adéquate, ce qui dans le cas présent passe par l’atténuation des risques. Aussi est-il intolérable de justifier nos inactions en agitant l’épouvantail climatique à chaque lendemain de tragédie. L’époque du « Pa mwa sa, li sa » est révolue !

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Michel Jourdan

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