Enjeu – Une rentrée politique marquée par un prologue en deux temps

Le MSM se prépare pour son rendez-vous du 8 avril marquant ses 40 ans, alors que le PTr-MMM-PMSD se penche sur le premier rassemblement politique du 1er Mai post-Covid

Le quatrième budget Padayachy, un indicateur puissant de l’agenda électoral du GM, avec l’arbitrage assuré par l’appel de Suren Dayal entendu au Privy Council le 10 juillet

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    Du côté de Lakwizinn du PMO, le viaduc reliant Chebel à Sorèze, la Mahatma Gandhi Metro Station et le centre universitaire de Flacq parmi les étapes phares du présent mandat

    Par contre, le ratage du DPM Steven Obeegadoo avec la construction de 12 000 logements sociaux « inn tas dan lagorz » à l’Hôtel du GM

Dès ce mardi, l’agenda de l’Assemblée nationale reprendra ses droits après un peu plus trois mois de kadnasaz. En effet, c’est l’échéance pour les parlementaires, principalement ceux de l’opposition, et pour quoi pas les backbenchers de la majorité pour déposer au secrétariat du Parlement leurs Parliamentary Questions (PQs) en vue du retour au sein de l’hémicycle du 28. Techniquement, cette dernière date aurait dû marquer le début de la nouvelle année politique après la trêve du Nouvel An.

2023, quatrième année du mandat du gouvernement, dirigé par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, s’avère quelque peu particulière. D’abord, dans la mesure où une dizaine de jours après la rentrée parlementaire, le MSM, parti majoritaire au sein du gouvernement, s’apprête à célébrer ses 40 ans d’existence, soit le 8 avril. Du côté de l’opposition, en l’occurrence le Parti travailliste, le MMM et le PMSD, la fête du Travail du 1er Mai, la première avec rassemblement politique potentiel depuis l’année des dernières élections législatives, soit en 2019, se présente comme le test de l’opération Rekonket Pouvwar Depi Lame Jugnauth. La question sera à l’ordre du jour de la rencontre des leaders de cette semaine.

Ce qui pousse les observateurs politiques à évoquer un prologue politique en deux temps. Et cela, même si le plat de résistance, notamment l’appel de la pétition de Suren Dayal contre l’élection des élus du MSM à Quartier-Militaire/Moka (N°8), ne devra être servi qu’après la présentation du quatrième budget du ministre des Finances, Renganaden Padayachy. D’aucuns affirment que les mesures préconisées dans le budget se présenteront comme un puissant indicateur de l’agenda électoral du gouvernement. Du côté de Lakwizinn du Prime Minister’s Office, avec les aiguilles de la pendule politique avançant inexorablement, l’heure est déjà aux premières esquisses du bilan autour duquel s’articulera la bataille sur le terrain pour tenter de s’assurer un troisième mandat consécutif.

D’ici là, chaque élément et chaque déclaration politiques venant de l’entourage du Premier ministre et leader du MSM, Pravind Jugnauth, seront analysés à la loupe en vue de déceler la moindre indication ouvrant la voie à des élections générales anticipées ou pas. Jusqu’ici, le Leader of the House, gardant jalousement la prérogative de procéder à la dissolution de l’Assemblée nationale et de rappeler l’électorat aux urnes, met en avant la formule consacée « nou pou terminn nou manda sink banane. »

Toutefois, force est de constater que dans la conjoncture politique, une donne échappe à tout contrôle de l’Hôtel du Gouvernement. Les Law Lords du Judicial Committee of the Privy Council ont fixé d’entendre le 10 juillet prochain les arguments des parties engagées dans la contestation des résultats des élections législatives du 7 novembre 2019 dans la circonscription de Quartier-Militaire/Moka (N°8), avec au cœur des débats les sièges de Pravind Jugnauth, Leela Devi Dookun-Lutchoomun et de Yogida Sawmynaden à l’Assemblée nationale.

D’ici au 10 juillet, et même après, car les attendus du jugement du Privy Council sur la pétition électorale ne seront pas lus off the bench, du moins à ce stade il n’y a aucune indication en ce sens, le calendrier politique se dessinera avec en filigrane de cette épée de Damoclès. Néanmoins, d’ici là, les travaux parlementaires, en particulier la tranche du Question Time, aussi bien que les débats sur le budget, avec la révision de la pension de vieillesse à Rs 13 500 par mois en perspective, devront alimenter la chronique politique de fort belle manière.

Faire feu de tout bois

Dans les rangs de l’opposition, l’on s’accorde à souligner qu’il y a matière à faire feu de tout bois. Ainsi, le dossier de la lutte contre le fléau de la drogue, en particulier les dessous de l’énigme Franklin, s’installe déjà en première ligne des préoccupations parlementaires, que ce soit au chapitre des Private Notice Questions (PNQs) ou encore des simples interpellations. Certes, l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) ne se concentre que par rapport aux violations des dispositions de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA), occultant du même coup la piste du réseau de trafic de drogue à Maurice. L’Anti-Drug and Smuggling Unit et la PHQ Special Striking Team de l’ASP Jagai semblent perdre pied dans cette bataille contre la mafia de la drogue.

« Le dossier de Franklin comporte plusieurs aspects, que ce soit du point de vue des circonstances diplomatiques entourant la demande de commission rogatoire soumises par des enquêteurs de La Réunion, les zones d’ombre autour des procédures d’extradition avortée ou encore la protection dont a bénéficié le dénommé Franklin auprès des institutions. Ce n’est pas l’opposition qui a dénoncé que la mafia a infiltré les institutions. Mais c’est bel et bien le constat de Pravind Jugnauth et il peut difficilement se faufiler », fait-on comprendre dans les rangs de l’opposition (voir d’autre développement dans l’enquête Franklin plus loin en page 6).

De son côté, le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, qui avait soulevé en novembre 2021 le lièvre de la dose de Molnupiravir gonflée dix fois en moins de 24 heures pour s’afficher à Rs 79.70 pour le compte de CPN Distributors, nullement inquiété par l’enquête de l’ICAC, attend avec impatience le rapport du Directeur de l’Audit au chapitre de la Santé pour rebondir sur ce scandale. Un autre item à ajouter au slogan cher au PMSD Rezilta lor Rezilta.

À ce jour, la Senior Chief Executive Officer Dalida Allagapen, proche du ministre Alan Ganoo, a bénéficié de la clémence de l’establishment du Service civil avec un départ prématuré à la retraite illico presto.

Par contre, d’autres Top Guns au ministère, dont le Dr Ori, directeur de service et conjoint de Me Shamlila Sonah-Ori, avouée attitrée de Pravind Jugnauth, sont encore sous le couvert de l’immunité. À moins que le Directeur de l’Audit n’avance comme explication classique que « all the files have been impounded by ICAC », le prochain rapport de l’Audit devra être en mesure d’apporter un éclairage sur les procédures adoptées et les protagonistes impliqués dans cette sinistre affaire de fraude et de corruption sur des life saving drugs contre la pandémie du Covid-19.

Dans tout cela, comment oublier l’épisode de l’installation de People’s Turf de Jean-Michel Lee Shim, celui qui assure le contrôle de tout ce qui touche au gambling à Maurice, aux dépens du club plus que bicentenaire, Mauritius Turf Club (MTC), au Champ-de-Mars, la gloire du turf mauricien. En dépit de la mainmise de ce même Jean-Michel Lee Shim sur l’espace médiatique en fin de semaine dernière, il aura très peu convaincu au sujet de ses intentions encore sur le monopole qu’il exerce dans ce domaine. Et ce ne sont pas les parlementaires de l’opposition qui manqueront d’en faire les choux gras sur le plan politique avec la connexion PTP et la Horse Racing Division (HRD) ou encore la Gambling Regulatory Authority (GRA).

Si au sein de l’hémicycle l’état des relations en nette décrépitude entre des institutions de la Constitution, dont entre autres les postes de commissaire de police et de Directeur des Poursuites publiques, devrait être abordé avec des gants compte tenu de la doctrine de la séparation des pouvoirs, ce live issue reste préoccupant sur l’échiquier politique, avec des conséquences en matière de pratique de démocratie.

Rééditer la
performance de SAJ

Dans le camp du gouvernement, et plus particulièrement au QG du Sun Trust, l’objectif déclaré est de « réussir les célébrations des 40 ans » du MSM, qui avait été créé à la place de la gare de Vacoas le vendredi 8 avril 1983. Mais très peu de détails ont transpiré à ce jour quant au programme des manifestations politiques du 8 avril. Il n’empêche que même si Pravind Jugnauth maintient que « les élections ne sont pas derrière la porte », nul n’est dupe, surtout au sein de Lakwizinn du PMO. La consigne demeure qu’il faut être sur le qui-vive et se préparer à cette éventualité.

« Surtout que ce sera bientôt la fin de la quatrième année du mandat de la présente législature et que tôt ou tard, ce sera l’heure du bilan et du programme pour s’évertuer de rééditer la performance de sir Anerood Jugnauth (SAJ) avec un trois à la file, soit en 1983, 1987 et en 1990, et cela sans compter la victoire du 11 juin 1982 », font comprendre des apparatchiks du MSM dans la conjoncture.

Sans nul doute pour les besoins du bilan du gouvernement depuis le scrutin du 7 novembre 2019, les deux mamelles devant être exposées sont le programme de soutien financier à la population et à l’économie avec les séquelles inédites du Covid-19 et la mise à exécution des projets d’infrastructure allant de l’extension du Metro-Express au viaduc de Chebel/Sorèze en passant par le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Flacq. La livraison du chantier exceptionnel du viaduc Chebel-Sorèze, enjambant les gorges de la Grande-Rivière-Nord-Ouest (GRNO), annoncée pour juin prochain et son inauguration constitueront le showcase des réalisations du gouvernement presque au même titre que la Mahatma Gandhi Metro Station de Réduit en route pour Côte d’Or.

En contrepartie, le grain de sable dans le mécanisme électoral du MSM se présente sur un dossier des plus délicats vu la promesse archi répétée que « the government will deliver during this mandate on social housing ». À ce coup, le Deputy Prime Minister et ministre du Logement, Steven Obeegadoo, dont l’ambition est de réunir les militants, est sifflé hors-jeu politiquement. Le retard accumulé dans la construction de ces 12 000 unités de logement social sous l’égide de la New Social Living Development Limited semble difficile à être comblé d’ici la tenue des prochaines élections générales. Les derniers plans tirés par les promoteurs du projet indiquent que le contrat pour la construction de 8 000 sur 12 000 unités pourrait être alloué incessamment, avec les premières livraisons à la mi-2024.

Affront politique dans le sud

Mais si le jugement du Privy Council de la pétition électorale de Suren Dayal tombe entre-temps, que ce soit dans un sens ou dans un autre, les répercussions pèseront lourd sur la détermination du calendrier électoral. À ce stade, tout cela relève de la conjecture politique. Dans la réalité, d’ici au début du deuxième trimestre de l’année prochaine, aucune unité sous le programme de la New Social Living Development Limited ne sera livrée. Une certitude avec la présélection de 14 compagnies pour la construction de 8 000 maisons. Ce choix indique que sept d’entre elles ont décroché les plus importants contrats, soit :

l RBRB Construction : 900 unités ;

l Kuros Construction : 900 unités

l Hyver : 550 unités de logement

l N. Gopee : 800 maisons

l Square Deal : 800 unités

l DLB Construction : 750

l Taylemay & Sons : 600.

D’autres compagnies, dont des majors du secteur, comme General Construction, Gamma Civic, Transinvest et autres Super Constriuction et Ramasawmy & Ramasawmy se contenteront chacun de 200 unités. Le calendrier de travail établi souligne que les chantiers avec la construction de 100 à 150 unités devront être livrés dans un délai de 420 jours à compter de l’immobilisation

l ceux jusqu’à 300 dans 510 jours, soit au cours du premier semestre de 2025 et

l les sites avec la construction de plus de 300 dans 600 jours, notamment vers la fin du premier semestre de 2025.

Les Top Chefs de Lakwizinn concèdent que cette performance du DPM Obeegadoo représente un boulet à gérer au titre du bilan gouvernemental. Mais il y aurait plus urgent à se préoccuper sur le terrain politique dans l’immédiat. La sortie du leader du MSM, mardi, à Surinam, une initiative du ministre Kavy Ramano, est considérée comme un « faux pas politique majeur » au vu des retombées au préjudice de l’action gouvernementale.

Des milieux avisés à l’Hôtel du Gouvernement reconnaissent que le Premier ministre a essuyé un véritable affront politique auprès d’une partie de l’électorat du sud. Pravind Jugnauth a été confronté à un véritable ressentiment quant au nombre de ministres d’une section de l’électorat au sein du gouvernement. Les explications du Premier ministre à l’effet qu’il a exercé son choix sur la base des capacités politiques et de la compétence sont remises en question. « Nou poz nou la kestion lor so volonte fer kiksoz pou nou. Sou Ramgoolam ti ena kat minis mizilman, aster ena zis de. Be finn rekil nou », faisait-on comprendre en guise de réactions.

Mais le facteur qui aura généré le plus de réactions négatives a été les critiques acerbes à l’encontre du Directeur des Poursuites publiques, Me Rashid Ahmine. Qualifiant ces remarques d’inélégantes, ceux qui ont participé à cette réunion politique ajoutent avec force : « Ou vinn kot nou, ala sa fwa-la bizin ekout kritik ki pe fer lor DPP, sipa li pa pe fer so travay bien. Sa li PM so lazanda politik. Nou osi nou konn obzerve ki pe arive. Dayer nou ti anvi kone dan lepase kan DPP pa finn obzekte larg lezot dimounn, pa fin dir narye. Ena ankor dimounn ki’nn grasie fek fek-la. Sa paret ki tou korek. Lorla li garson komiser de polis. »

Des signes que Lakwizinn du PMO tentera de décoder et y apporter des solutions pour tenter de soigner le décompte des votes lors des prochaines élections, alors que Kavy Ramano doit se faire encore tout petit…

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