Abolition de la taxe municipale immobilière : L’opposition nargue la majorité  

« …Tentative désespérée  de s’attirer les bonnes grâces d’un électorat qui lui a tourné le dos »

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Mahfooz Cadersaib (MSM) et David Utile (ML) : «  Les Rs 300 M de compensation sont largement suffisantes »

L’abolition de la taxe municipale pour les propriétaires de maisons se concrétise à partir du 1er juillet, annonce faite, mardi, par le grand argentier, lors de l’exercice budgétaire. Cette mesure, qui figurait dans le manifeste électoral du MSM/ML en 2019, fait l’unanimité parmi les porte-parole de l’opposition au motif que la taxe n’était pas fondée sur le plan de l’équité entre les habitants des villes et des villages qui en sont exemptés. En revanche, le conseiller des villes-sœurs, Olivier Barbe (PMSD) et deux anciens maires, Deven Nagalingum (MMM) et Jean-Claude Barbier (LPM) soutiennent que la promulgation de cette mesure, dans un contexte économique compliqué, « ne laisse guère de place au doute quant à l’imminence des élections municipales, le MSM jouant son va-tout dans une tentative désespérée de s’attirer les bonnes grâces d’un électorat qui lui a définitivement tourné le dos. »

Des questions reviennent en boucle, comme le manque à gagner financier avec lequel les mairies devront composer, en dépit des Rs 300 M qui leur seront octroyées par le gouvernement, en guise de compensation. Les deux premiers nommés craignent, en outre, que le gouvernement n’« assoit un peu plus sa mainmise sur les pouvoirs des municipalités. » Des arguments balayés d’un revers de main par le maire des villes-sœurs, David Utile (ML) et son homologue de la capitale, Mahfooz Cadersaib (MSM).

La population citadine ne cesse d’augmenter au début du 20e siècle. D’où l’introduction de la taxe municipale sur les résidences visant à prélever des fonds pour subvenir aux nombreuses dépenses liées à la voirie, à l’éclairage et à l’asphaltage des routes, etc. La taxe s’applique selon la valeur d’acquisition ou de construction et marchande des biens. Après avoir profité des services municipaux sans aucune contribution aux dépenses, les propriétaires de bâtiments commerciaux doivent également passer à la caisse à partir de 1962, en vertu des nouvelles mesures promulguées sous la Local Government Act. Forcément, à mesure que s’égrène le temps, les tarifs  prennent  l’ascenseur, au grand dam des habitants situés au plus bas de l’échelle sociale. La pilule est d’autant dure à avaler que les propriétaires de maisons sises dans les régions rurales sont exemptés de la taxe, alors qu’ils bénéficient quasiment des mêmes services. Cette disparité conduit les dirigeants politiques de tous bords à poser la question de l’implémentation, au début des années 1990,  d’une taxe foncière rurale face aux mouvements de contestations naissants. Un sujet à la fois complexe et sensible politiquement.

La fleur au fusil, l’ancien ministre des Finances Rama, Sithanen avait introduit, en 2006, la National Residential Property Tax (NRPT), applicable sur toutes les propriétés immobilières en milieu urbain ou rural, soulevant une vague de protestations, et le forçant à y apporter moult modifications. On connaît la suite de sa carrière politique. Sauf que face à l’avènement, dans les villages et sur le littoral, des Smart Cities, des maisons luxueuses et des villas aux prestations raffinées, les principaux partis politiques doivent finalement se résoudre à changer leur fusil d’épaule et envisager l’abolition pure et simple de la taxe municipale. « Au-delà de la disparité ville-village, cette mesure, qui touchera 110,000 habitants des 5 villes, figure sur le manifeste électoral 2019 de l’alliance Morisien. D’aucuns diront que cette mesure ne changera en rien la vie des citadins mais je ne compte plus le nombre de fois où j’ai reçu des pères de famille vivant dans une pauvreté extrême, en sus d’être criblés de dettes. Cette exemption a de l’importance pour ces personnes », soutient le maire de Beau-Bassin/Rose-Hill, David Utile.

Mainmise sur les prérogatives des mairies ?

Le conseiller Olivier Barbe confie que l’abolition de la taxe est une bonne chose, mais souligne que « le manifeste électoral 2019 de l’alliance PTr/PMSD, qui avait été publié avant celui du MSM/ML, incluait cette mesure. Le gouvernement n’a fait que kopie lor nou. Étant extrêmement impopulaires en ville, ils voient là une aubaine pour se refaire une santé politique à la veille des municipales. Aussi, je mets en garde le gouvernement contre toute tentative d’accentuer sa mainmise sur les prérogatives des mairies. J’en veux pour preuve sa décision de contourner la motion, votée à l’unanimité au Conseil, de baptiser une foire au nom d’un ancien maire du MMM. »

Même son de cloche du côté du député Deven Nagalingum : « Le ministre de tutelle Anwar Husnoo avait prétendu, en 2020, ne pas avoir le budget nécessaire pour abolir la taxe. Deux ans plus tard, alors que le pays est dans une crise financière sans précédent, les fonds sont apparus comme par magie. Le MSM avait promis que les mairies disposeraient de plus d’autonomie financière et d’action pour mener à bon port des projets. Or, on a affaire à des conseillers qui ont les pieds et les poings liés et, comme il est de coutume avec le MSM, il a fort à parier que ces derniers seront réduits à de simples spectateurs, compte tenu de l’abolition de cette taxe que le gouvernement brandit comme un trophée pour tenter de cacher ses scandales sous le tapis, en prévision des municipales. Ils se mettent le doigt dans l’œil. »

Les deux dirigeants de l’entente de l’Espoir doutent de la capacité des mairies à pouvoir assurer comme il se doit le manque à gagner financier, en dépit des Rs 300 M qui leur seront octroyées par le gouvernement en guise de compensation. « On assiste au déclin des villes où les rues ressemblent à des champs de mine, des terrains de sports investis par des toxicomanes, auxquels on ajoute le déclin de nos équipes sportives au niveau national. Kot pou ena finans asterr ? Les Rs 300 M sont-elles suffisantes pour faire face à cette réalité ? Cet argent sera-t-il utilisé à bon escient ? », se demande Deven Nagalingum. Beaucoup plus nuancé, l’ancien lord maire Jean-Claude Barbier soutient qu’« il serait démagogique de ma part d’affirmer mon opposition à l’abolition de la taxe municipale, alors que je me suis tout le temps fait le chantre de cette mesure. Sauf que je ne peux m’empêcher d’exprimer mes craintes par rapport à l’absence de vision de nos mairies, dans l’orientation des finances notamment. Jadis, les terrains de foot, de volley et de basket étaient pleins à craquer, les activités étaient organisées de manière régulière, avec la moitié du budget qu’ils perçoivent aujourd’hui. Zot inn tap latab kan finn anons abolisyon tax, me ban zabitan lavil pa pou less zot berne par sa. Krwar mwa ! »  

La réplique d’Utile       

Avant de donner la réplique à leurs détracteurs, le lord maire Mahfooz Cadersaib et David Utile soulignent que la taxe résidentielle permettait d’injecter aux alentours de Rs 40 millions annuellement dans les caisses de chaque municipalité et qu’« outre la taxe immobilière, les mairies perçoivent du gouvernement une subvention annuelle qui oscille entre Rs 350 M et Rs 600 M, représentant 10% de notre budget annuel. Cet argent sert principalement à payer nos salariés, payer l’eau et l’électricité, dans la maintenance de l’Hôtel de ville et des bureaux administratifs et pour fournir de l’essence à nos véhicules. Sous le Local Developpement Project, le gouvernement nous alloue également une somme d’environ Rs 20 M pour des projets d’asphaltage des routes, d’aménagement des drains ou pour le sport en général. Notons que depuis deux ans, nous recevons chacune Rs 100 M, sous l’Economic Recovery Program, pour aider les ONG et les PME de la ville dans ces moments difficiles liés au Covid-19. »  

Accoutumé aux bras de fer avec Olivier Barbe, David Utile renvoie son collègue à la Local Government Act entrée en vigueur en décembre 2011 sous le régime PTr/PMSD pour répondre à sa crainte d’une mainmise quasi totale du gouvernement central sur les mairies, après l’abolition de la taxe : « Il a, peut-être, raison mais il ferait bien de se référer à la loi promulguée en 2011 par son gouvernement qui, faute d’une forte assise dans les mairies, avait confisqué bien des prérogatives incombant aux maires. » Mahfooz Cadersaib, de son coté, qualifie de « démagogique » la thèse selon laquelle les Rs 300 M de compensations qui seront allouées à la mairie ne seront pas suffisantes pour combler la fin des taxes. Lorsque vous divisez Rs 300 M par cinq, cela vous donne Rs 60 M de subventions par mairie. Largement suffisantes pour mener les bateaux à bon port ! »

Les retardataires à la caisse, les sommes versées en avance remboursées

Les personnes qui n’ont pas encore réglé leur taxe immobilière pour l’exercice financier 2021/2022 ou d’autres paiements antérieurs sont prévenues. Les mairies entendent recouvrir les factures impayées, afin de renflouer leurs caisses dans l’optique des projets à venir. Elles recevront un courrier, en ce sens, dans les semaines à venir. Les propriétaires des maisons ayant réglé en avance (juillet 2022- 30 juin 2023) seront, quant à eux, remboursés.

 

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