Assemblée nationale : l’introduction du kreol morisien à l’Assemblée provoque des étincelles

L’introduction du kreol morisien à l’Assemblée nationale a été l’unique interpellation répondue par le Leader of the House, Pravind Jugnauth, lors du Prime Minister’s Question Time d’hier. Arianne Navarre-Marie (MMM) voulait savoir quelles sont les avancées dans ce projet. La dernière question parlementaire à ce sujet remonte mai 2023. Les échanges ont provoqué des étincelles avec le Premier ministre se référant à une précédente réponse de Navin Ramgoolamn rejetant cette possibilité.

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Pravind Jugnauth est revenu sur le fait  qu’à part la maîtrise orale et écrite de la langue, l’aspect logistique  doit être pris en considération. Toujours est-il que plusieurs institutions, dont le ministère de l’Éducation, Akademi Kreol Repiblik Moris, l’Université de Maurice, le Mauritius Institute of Education, ainsi que la Creole Speaking Union, travaillent pour préparer le terrain à l’introduction du kreol morisien à l’Assemblée nationale.

Il a également cité longuement feu Dev Virahsawmy, qui disait, en novembre 2015, qu’il ne pensait pas que les députés sont prêts pour utiliser le kreol morisien à l’Assemblée nationale.  Il a élaboré sur le projet intitulé Promoting Institutional Democracy through Language Access in Kreol Repiblik Moris and Digital Media, du Pr Arnaud Carpooran, président de la Creole Speaking Union, qui sera financé par la Higher Education Commission.

Citant le Pr Carpooran, il a indiqué : « le projet est objectivement, réellement sur les rails, et que bien que les avancées ne correspondent pas toujours au rythme que souhaiterait une bonne partie de l’opinion publique nous ne pouvons que nous plier aux exigences calendaires qu’impose un projet de recherche d’une telle ampleur. Le PM a précisé qu’avec l’implication des institutions publiques, que ce soit au niveau de la recherche, de l’encadrement et de l’appui financier, « nous ne pouvons, pour l’heure qu’être optimistes quant à l’avenir, en espérant pouvoir apporter dans un futur pas trop lointain, des livrables concrets à nos responsables politiques pour leur laisser prendre alors, les décisions qu’ils estimeront justes à leur niveau. »

Ce projet permettra de créer un corpus écrit d’au moins 300 000 mots en kreol morisien ; la mise en place d’un module de correcteur orthographique en kreol morisien et la création d’un ensemble de données audio d’au moins 600 000 mots en kreol morisien.

À ce jour, 11 Trainee Project Assistants ont été recrutés pour la traduction de la Constitution de Maurice, des Standing Orders de l’Assemblée nationale et de l’Assemblée régionale de Rodrigues, ainsi que des extraits choisis des transcriptions du Hansard. Quatre Trainee Project Assistants ont aussi été recrutés pour les enregistrements vocaux.

De même, un site internet a été créé pour la diffusion des informations par rapport à ce projet. Des enregistrements audio ont été soumis à l’équipe informatique pour la transcription parole-texte. Un prototype d’un correcteur orthographique a été développé.  Un rapport technique intérimaire a été soumis à la Higher Education Commission.

Le Premier ministre a également pris le soin de mentionner qu’il a toujours soutenu le développement du kreol morisien, en indiquant qu’il y a actuellement  22 506 et 8 200 élèves étudiant le kreol morisien respectivement en primaire et secondaire. Il a souligné également que le premier examen de kreol morisien au National School Certificate a eu lieu l’année dernière, avec un taux de réussite de 96,28%.

Pravind Jugnauth a aussi précisé qu’il a fallu du temps au Lok Sabha, en Inde, où 22 langues sont utilisées; ainsi qu’à l’Assemblée des Seychelles, avant d’introduire le kreol, en dépit du fait que la langue avait déjà le statut national.

Toutefois, une interpellation  supplémentaire d’Ariane Navarre-Marie a toutefois mis le feu aux poudres, poussant le Premier ministre, à comparer sa réponse, avec celle de Navin Ramgoolam, en avril 2008.

Navarre-Marie : Le Premier ministre peut-il donner l’assurance à la Chambre que le kreol morisien va être introduit à l’Assemblée nationale avant la fin de son mandat ?

PM : Je pense que l’honorable membre n’a pas compris ce que j’ai expliqué dans ma réponse. Selon les experts…

(Commentaires d’Ariane Navarre-Marie)

PM : Voulez-vous répondre à ma place ?

Navarre-Marie : Mo konpran zis kreol mwa !

PM : Koze…

Navarre-Marie : L’arrogance !

PM : Cet honorable membre n’a pas la décence d’écouter ma réponse… (Brouhaha). Je n’ai fait aucun commentaire quand elle a posé son interpellation. S’il vous plaît, écoutez quand je réponds à votre question. J’ai pris le temps de la Chambre pour expliquer les différentes étapes en détail, afin de pouvoir introduire le kreol morisien à l’Assemblée…

Navarre-Marie : Échec lamentable !

Speaker : S’il vous plaît ! Essayez d’être polie.  (Brouhaha) Ce sont de mauvaises manières.

PM : Elle parle d’échec lamentable et l’honorable Bérenger répond « yes ! » (Brouhaha)

PM : « Yes ! »

Opposition : Échec, échec.

Speaker : Order, order…  Vous n’avez pas le droit de répondre…

PM : Laissez-moi rappeler à l’honorable Navarre-Marie et particulièrement, l’honorable Paul Raymond Bérenger, qu’une interpellation avait été adressée par feu Éric Guimbeau à ce sujet. Le Premier ministre, d’alors, Navin Ramgoolam, avait répondu : « La section 49 de la Constitution mentionne que la langue officielle de l’Assemblée était l’anglais et que le français pouvait aussi être utilisé. La question d’amender la Constitution pour inclure le kreol comme une langue officielle ne se pose pas ». (Brouhaha)

PM : Ensuite, l’honorable Bérenger avait posé une interpellation supplémentaire demandant si le Premier ministre était disposé à revoir ce règlement. Voici la réponse du Dr Ramgoolam…

Navarre-Marie : Me li pa la…

PM : Li pa la ? He is your leader ! You want him to be your Prime Minister (Brouhaha)

PM : You want him to become Prime Minister… (Brouhaha)

PM : Li pa la… Li pa la… (Brouhaha)

Speaker : Order, order, both sides of the House.

PM : Laissez-moi leur rappeler quelle était la réponse du Dr Ramgoolam à l’époque : “Le danger de la langue kreol…

(Brouhaha)

PM : Ekoute, ekout seki to lider inn dir… “Je pense que le danger c’est, si nous utilisons le kreol ici, chacun va commencer à insulter l’autre. Car il est plus facile d’insulter en kreol qu’en français ou en anglais…

(Rires)

Opposition : La honte !

PM : Quelles raisons frivoles mises en avant par le Dr Ramgoolam pour dire « non, nous n’allons pas introduire le kreol morisien à l’Assemblée. » Je voulais simplement mentionner cela car c’est leur leader… Ils veulent faire de lui le Premier ministre de ce pays. Donc, j’ai dit quelles ont été les mesures prises, c’est un on-going process. Cela n’arrive pas du jour au lendemain. J’ai déjà mentionné l’Inde. Vous savez combien de temps cela a pris pour introduire toutes ces langues ? Il y a l’aspect logistique aussi. De même pour les Seychelles. Ils ont pris du temps pour officialiser un dictionnaire, avant que le kreol ne puisse être introduit à leur Assemblée.

Il y a eu d’autres gouvernements, pendant toutes ces années, ils n’ont rien fait. Mais nous sommes en train de le faire et il viendra un temps où nous parlerons le kreol morisien dans cette assemblée.

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