Éruption du Hunga/Tonga : le nuage de dioxyde de soude a atteint l’Est de l’Afrique

  • Les scientifiques considèrent peu probable que les effluves du Hunga Tonga-Hunga Ha’apai influencent le climat, comme ce fut le cas avec le Mont Pinatubo

Après avoir survolé les îles des Mascareignes et Madagascar, le nuage de poussière contenant du dioxyde de soufre issu du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha’apai des îles Tonga a atteint l’Est de l’Afrique, comme en témoigne une photo-illustration de la NASA. L’éruption brutale et spectaculaire du Hunga-Tonga avait, le 15 janvier, provoqué une crachée de fumée d’une hauteur de 40 kilomètres qui a été charriée par les vents au-dessus de l’Australie et l’océan Indien, en passant par les îles des Mascareignes, dont Maurice et La Réunion, avant d’atteindre les côtes de l’Est de l’Afrique, en milieu de semaine, soit onze jours après l’éruption.

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Si certains experts de la région, de Maurice, de La Réunion et de Mayotte avaient évoqué la possibilité de pluies acides, sur le terrain, il n’en a rien été car, selon d’autres scientifiques, les nuages ont vogué à de trop haute altitude, entre 20 et 30 kms, pour que ce phénomène redouté n’intervienne. Tous les services météorologiques des Mascareignes confirment n’avoir rien détecté de suspect sur les îles alentours, d’autant que même en Nouvelle Calédonie, territoire très proche du volcan, le nuage de fumée n’a eu aucun impact physique sur le pays. Sinon, ce sont ces couchers de soleil spectaculaires — où un spectre de couleur variant du rouge à l’orange, en passant par le mauve, a pu être observé — qui ont magnifié les débuts de nuit de toutes les îles que le nuage de soufre (So2) a touchées. Unanimes, les experts confirment qu’elles sont dues au panache de cendres généré par l’éruption du volcan de l’archipel des Tonga dans le Pacifique.
Des scientifiques américains à La Réunion

Pour ceux qui demeurent sceptiques de l’importance ou de la réalité du phénomène, il faut noter que des scientifiques américains ont débarqué à La Réunion en fin de semaine dernière pour venir analyser le panache volcanique du Hung-Tonga. Ils ont participé à une campagne de mesures du panache du volcan tonguais à partir de l’observatoire atmosphérique du Maïdo situé à St-Paul, sur la côte Ouest de l’île-sœur. Il ne fait aucun doute pour les scientifiques de la région que les îles des Mascareignes ont vécu un phénomène inédit pendant plusieurs jours. Les chercheurs américains ont apporté dans leur bagage du matériel permettant de quantifier le souffre et les particules. À cet effet, des panneaux spéciaux ont été installés en altitude. Les experts du laboratoire de l’atmosphère et des cyclones de l’université de La Réunion ont combiné le matériel américain à des appareils de mesure déjà existants à l’île-sœur.

Stéphanie Evans, chercheure du CNRS au laboratoire de l’atmosphère et des cyclones de l’Université de La Réunion, qui a qualifié ce moment d’«unique et incroyable pour des scientifiques», a expliqué à nos confrères de Réunion 1ère que “Les scientifiques américains nous ont appelés la semaine dernière pour savoir s’ils pouvaient nous rejoindre pour faire des relevés ici, car c’est le seul endroit au monde pour analyser le phénomène.” Selon la chercheure du CNRS, la campagne de mesure de l’observatoire atmosphérique du Maïdo doit permettre d’en savoir plus sur ce panache de fumée constitué de particules fines et de gaz qui ont traversé à haute altitude les Mascareignes.

Pas d’impact
sur le climat

La chercheure a déclaré à nos confrères que « c’est la première fois depuis 30 ans que nous pouvons observer un panache volcanique de cette ampleur. La dernière fois, c’était suite à l’éruption du Pinatubo en Indonésie. Débutée le 15 janvier, l’éruption du Hunga Tonga a injecté l’équivalent du poids de 400 000 petites voitures remplies de souffre et de particules qui ont atteint les hautes altitudes de La Réunion à environ 35 km au-dessus de nos têtes ».

Les satellites qui ont traqué le nuage de cendres l’ont détecté à un moment à plus de 39 km en altitude lorsqu’il volait au-dessus de l’Australie. C’est la première fois que des cendres volcaniques ont été détectées si haut dans l’atmosphère terrestre.
Malgré cela, les scientifiques sont très sceptiques quant à l’influence de cette brutale mais trop courte éruption sur l’évolution du climat. L’explosion spectaculaire et dévastatrice associée à cette éruption, qui a, pour la première fois, été observée en temps réel par une multitude de satellites d’observation de la Terre, a généré une faible quantité de cendres, en comparaison aux autres éruptions volcaniques catastrophiques qui ont marqué l’histoire de l’humanité.

Du coup, le volume de dioxyde de soufre est estimé comme largement insuffisant pour affecter le climat, selon les premières données recueillies par les experts. Ainsi, selon les données disponibles, l’éruption aux Tonga n’a généré dans l’atmosphère que 400 000 tonnes de dioxyde de soufre, soit environ 2% seulement de la quantité propulsée dans l’atmosphère par l’éruption du mont Pinatubo.

Laquelle éruption, aux Philippines en 1991, qui avait projeté de grandes quantités de dioxyde de soufre dans les couches supérieures de l’atmosphère terrestre, avait engendré un effet de refroidissement mesurable sur le climat de la planète. Cette éruption volcanique, la 2e la plus puissante du 20e siècle, a refroidi la planète de manière significative pendant environ deux ans. Il est peu probable que dans sa forme actuelle, l’éruption du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha’apai du 15 janvier contribue à un changement climatique aussi sensible et affecte la température de la planète.


RELATION ENTRE VOLCANS ET CLIMAT : 31 ans après l’éruption du Mont Pinatubo

Depuis un demi-millénaire, le volcan Pinatubo — situé dans la partie occidentale des Philippines — était en sommeil, laissant paisiblement la forêt recouvrir ses flancs. Le 2 avril 1991, le volcan se réveilla soudain de sa torpeur. La pression magmatique croissante à l’intérieur de la croûte terrestre était devenue trop grande. Après des mois de tremblements de terre réguliers, le flanc nord de la montagne se fissura et lorsque le magma entra en contact avec l’eau souterraine, celle-ci se transforma instantanément en vapeur, provoquant une violente explosion qui eut lieu le 15 juin 1991

Il ne s’agissait, en avril 1991, que de premières éruptions relativement faibles par rapport à ce qui allait suivre. Quelques semaines plus tard, des scientifiques arrivèrent pour surveiller de plus près cette nouvelle activité. Ils enregistrèrent les tremblements de terre continus et, en mai 1991, ils commencèrent à mesurer le dioxyde de soufre (SO2) s’échappant de la fissure. Les émissions de SO2 ont augmenté rapidement jusqu’à la fin du mois de mai, passant de 500 à 5 000 tonnes, avant de diminuer à nouveau de manière substantielle, ce qui suggèra que quelque chose bloquait le processus de dégazage et provoquait une accumulation de gaz en profondeur.

En juin, de petites éruptions recommencèrent à se produire, révélant finalement le vrai pouvoir destructeur de l’éruption du Mont Pinatubo le 15 juin 1991. Les bulles de gaz qui s’étaient accumulées dans la chambre et dans la colonne magmatique au cours des semaines précédentes explosèrent, projetant, pendant neuf heures, environ 5km3 de matière dans la stratosphère pour finalement atteindre des altitudes allant jusqu’à 35 km et entraînant l’effondrement de la montagne.

Les conséquences immédiates de l’éruption furent heureusement contenues par les mesures préventives qui avaient été prises, même si de nombreuses vies ont été perdues — entre 750 et 850 morts au total — et que les dégâts matériels ont été importants.
Impact sur la composition chimique de la stratosphère

L’éruption du Mont Pinatubo fut la plus grande éruption des 100 dernières années. La quantité de soufre injectée — et dispersée en quelques mois dans la stratosphère toute entière — était si importante qu’elle a perturbé la propagation de la lumière dans l’atmosphère pendant plus de 5 ans. Outre cet impact direct qui s’est traduit par un refroidissement de l’atmosphère d’environ 0,2 à 0,5°C (pour la troposphère globale), le nuage volcanique a donné lieu à de multiples effets secondaires. Il a entraîné des changements dans la dynamique atmosphérique et a eu un impact considérable sur la chimie et la composition chimique de l’atmosphère (dont une diminution de la couche d’ozone d’environ 25%) et, finalement, sur l’ensemble du système climatique terrestre.

La couche d’aérosols stratosphériques créée par le Mont Pinatubo a empêché une grande partie du rayonnement solaire d’atteindre la surface de la Terre, entraînant un réchauffement de la stratosphère de 3,5 °C et un refroidissement de la troposphère de l’hémisphère nord de 0,2 à 0,7 °C. Ces chiffres peuvent sembler minimes mais dans le système atmosphérique, les petits changements ont de grandes conséquences. La différence de température entre l’équateur et les pôles s’est accrue, ce qui a entraîné un renforcement de la dynamique atmosphérique à l’échelle mondiale, du vortex polaire aux latitudes moyennes, et d’une série d’autres phénomènes d’oscillation atmosphérique.
Les volcans ont toujours été des facteurs importants de changements climatiques dans l’histoire de la Terre, bien avant que l’activité humaine ne devienne un paramètre à prendre en compte.

C’est pourquoi la nature et le volume de la matière que les volcans éjectent mais aussi la fréquence des éruptions doivent être étroitement surveillés.

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