Human story : Claire Valérie, harcelée à l’université, se livre…

SOS d’étudiants en détresse. Dans le même souffle que la semaine dernière avec l’article sur les étudiants mauriciens à l’étranger, Week-End s’est entretenu avec une jeune Mauricienne qui a décidé de témoigner à visage découvert. Victime de harcèlement moral et même sexuel pendant qu’elle était étudiante en Malaisie il y a près de 10 ans, Claire Valérie, qui lance son livre The Silence of a Mauritian Student, de même qu’une plateforme pour permettre aux autres victimes de s’exprimer, veut alerter sur ce sujet aujourd’hui encore tabou. À l’ère de la Covid où les étudiants mauriciens vivant à l’étranger sont encore plus isolés et livrés à eux-mêmes, son témoignage tombe à point nommé.

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« Ce jour-là, j’ai éclaté en sanglots. Je me suis effondrée », nous confie la jeune femme lors de notre entretien sur WhatsApp de Maurice à l’Australie. Aujourd’hui épanouie et indépendante, Claire Valérie, qui habite actuellement en Australie, a pourtant été pendant plusieurs années victime de harcèlement moral. « Je pensais que c’était de ma faute, je pensais même aller demander pardon à mes harceleurs », dit-elle. Aujourd’hui, elle ne regrette pas d’avoir tenu tête à ces garçons.

“Il met le feu à mes cheveux frisés”

Tout commence en 2011. Après plusieurs années de sacrifice, la jeune fille choisit la Malaisie pour ses études en architecture d’intérieur. « Mes parents ont travaillé dur pour me permettre de compléter mes études à l’étranger. » Une fois arrivée en Malaisie, avec une trentaine de Mauriciens, eux aussi jeunes étudiants, les choses commencent à s’envenimer. « Un des garçons du groupe commençait à me traiter de tous les noms », se souvient-elle. Ce qui devait au départ n’être qu’une « blague » devient au fil des jours de vraies « insultes ». « Il me dénigrait constamment et s’en prenait à mon apparence physique, à mes cheveux frisés… au fait que je parlais français. Il m’appelait “nasyon”, “baya”. Tout ça, au vu et au su des autres qui ne faisaient rien. »

Seule dans un pays qu’elle ne connaissait pas, Claire Valérie commence alors à se renfermer de plus en plus sur elle-même. « Je lui ai dit d’arrêter, mais il ne m’écoutait pas et continuait à m’abaisser, à m’insulter. » Claire Valérie décide de ne rien dire, pensant que ça allait passer, mais un jour, c’est la « goutte d’eau qui fait déborder le vase. » « On était tous sortis pour aller faire un tour dans un centre commercial et tout à coup, j’ai commencé à sentir l’odeur de cheveux brûlés… un des amis de mon harceleur avait mis le feu à mes cheveux. Et il s’en vantait avec tout le monde comme si c’était un exploit », raconte-t-elle. Ses cheveux « frisés » ainsi semblaient à l’époque « déranger » ce petit groupe de Mauriciens, pourtant tous issus de grandes écoles. À l’époque, Claire Valérie n’ose pas utiliser le mot « racisme », qu’elle n’a pas peur aujourd’hui de dénoncer.

Son calvaire ne s’arrête pas là. « Un soir, en rentrant dans mon appartement, et en consultant ma page Facebook, je vois un commentaire de mon harceleur insultant ouvertement ma famille et moi. Et tous les autres du groupe de Mauriciens ont participé aux insultes. Et c’est à ce moment-là que j’ai craqué. » Commence alors une vraie descente aux enfers. « Je n’avais plus le contrôle de rien. »

“Tous des Mauriciens”

Sans entrer dans les détails, Claire Valérie tombe alors gravement malade. Et c’est à ce moment-là que ses parents prennent conscience de la gravité des événements. Loin de leur enfant, ils tentent par tous les moyens de la faire bouger. « J’ai aussi été victime d’abus… et le médecin m’a diagnostiqué un début d’un cancer des ovaires. Je devais débourser énormément d’argent pour me payer des injections », dit-elle. « Quand ma mère l’a su, elle a pleuré toutes les larmes de son corps et c’était cela le déclic, car je ne pouvais pas supporter voir pleurer mes parents qui avaient tant sacrifié pour moi », dit-elle. « J’ai informé l’université qui a prévenu l’étudiant en question et depuis j’essaie d’avancer avec ce passé douloureux. »

Aujourd’hui, Claire Valérie habite en Australie où elle a fondé plusieurs associations qu’elle dirige d’une main de fer. « Je ne me laisse plus faire comme avant. Ici aussi, j’ai été victime de harcèlement sexuel ou encore de sexisme. Des cas que j’ai tout de suite rapportés aux instances concernées », dit-elle. « Mais je ne me tairai plus. » Aujourd’hui, Claire Valérie, avec l’aide de quelques proches, veut créer une association pour lutter contre le harcèlement scolaire. « L’association que je crée est Claire Valérie pour zéro bully. » Elle lancera aussi un filtre sur les réseaux sociaux pour permettre aux victimes de s’exprimer. Un moyen aussi pour sensibiliser la population, les autorités et les parents qui envoient leurs enfants à l’étranger et qui doivent comprendre que ce problème est bien réel et que les dégâts sont incommensurables. « Ce qui me fait plus de peine, c’est que mes tortionnaires étaient tous des Mauriciens. Cela doit changer, et cela commence ici, et très jeune », affirme-t-elle.

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