La Remise de Fin d’Année (RFA) imposée par les grandes enseignes : Une épée de Damoclès sur la tête des PME

Elles demandent au ministre Soomilduth Bholah d’abolir ce mécanisme

La pandémie a eu des conséquences économiques particulièrement lourdes pour les activités des Petites et Moyennes Entreprises (PME), dont celles qui fournissent leurs produits aux grandes enseignes. Ces petits fabricants reviennent à la charge et demandent au ministre du Développement industriel et des PME, Soomilduth Bholah, de mettre fin à la Remise de Fin d’Année (RFA) qu’ils doivent verser annuellement aux grandes surfaces. Cette remise est calculée selon le volume de ventes des produits exposés dans les rayons ou le chiffre d’affaires du fabricant durant l’année écoulée.

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Forcément, les grandes surfaces ont tout intérêt à faciliter la commercialisation des produits des grandes marques en leur offrant une meilleure visibilité dans leurs rayons. Une win-win situation, car en face, le petit fabricant dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas Rs 10 millions n’a pas, contrairement aux marques incontournables, forcément les reins solides.

Pour comprendre la genèse de l’introduction de ce mécanisme à Maurice, il faut remonter au 28 août 1994. Le pays entre alors dans l’ère de la distribution de masse avec l’implantation à Phœnix de l’hypermarché Continent, appartenant à un groupe français. Le concept séduit les Mauriciens, qui disposent ainsi de produits de consommation de plus en plus nombreux et diversifiés. En parallèle, le nombre de fournisseurs s’accroît. C’est à partir de cette situation que germe dans la tête des patrons de Continent l’idée d’introduire la RFA, qui est déjà implantée en France depuis de nombreuses années. Confrontés à la rude concurrence qui s’annonçait à l’époque, les représentants d’une vingtaine de grandes surfaces décident alors de se regrouper au sein d’une association baptisée les Grandes Surface Réunies (GSR). Le groupe emboîte alors le pas à son concurrent français en intégrant la RFA à son système financier.

Certes, cette pratique s’est au fil du temps ancrée dans les mœurs du marché local de la grande distribution, sans toutefois être régie par un quelconque cadre légal. Les négociations entre le fournisseur et le distributeur se concrétisent par un contrat écrit ou l’on trouve en première ligne l’obligation de résultat pour le distributeur. « Le distributeur doit bien sûr viser le succès quand il entreprend de négocier avec un fournisseur afin d’obtenir le meilleur prix aux meilleures conditions pour chaque produit. À la fin, ce sont les grandes marques qui se taillent la part du lion au détriment des PME », soutient le directeur marketing d’une grande surface. Un patron de PME s’est confié à Week-End sous le couvert de l’anonymat, par peur de représailles commerciales.

« Je fournis mes produits annuellement à une trentaine de grandes surfaces. En tant que petit fabricant qui brasse un chiffre d’affaires de Rs 7 millions par an, je dois payer en moyennes Rs 150 000 à chaque grande surface. En d’autres mots, je reverse à mes clients jusqu’à 50% de mon chiffre d’affaires. Or, les grandes marques qui brassent plus de Rs 50 millions annuellement reversent inéluctablement des sommes nettement supérieures à la grande distribution », soutient notre interlocuteur.

« Les licenciements  vont pleuvoir »

En outre, dans le domaine de la grande distribution, la coopération commerciale est souvent « imposée » aux fournisseurs qui doivent alors participer au financement de prospectus ou d’actions événementielles. Elle se traduit aussi par l’attribution de têtes de gondoles, de location d’emplacements dans l’hypermarché ou la prise en charge d’une partie de la publicité. Cette « coopération » financière des fournisseurs constitue alors une partie des marges arrièresÀ ce petit jeu-là, les PME se retrouvent avec une épée de Damoclès sur la tête, à laquelle s’ajoute la crise financière provoquée par la pandémie. « On a maintes fois convié le ministre des PME, Soomilduth Bholah, pour discuter de ce mécanisme qui nous enfonce de plus en plus, mais il fait la sourde oreille. Les licenciements vont pleuvoir s’il ne remédie pas à la situation », nous confie un fournisseur d’une marque de lessive. Nous avons tenté de joindre ledit ministre, en vain.

Pour ou contre la RFA

Jayen Chellum (ACIM) : « Une taxe déguisée »

Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM), estime que « nous avons plusieurs fois fait parvenir des courriers au National Price Consultative Council (NPCC) et on attend toujours que cette instance joue son rôle de chien de garde en ce qui concerne les abus de la grande distribution. » Il faudrait, selon lui, « briser les monopoles qui sévissent dans ce secteur. » Jayen Chellum, qui dit comprendre l’exaspération des PME concernant la RFA, qui est une taxe déguisée, souligne que « le ministre de tutelle, Soomilduth Bholah, doit assumer ses responsabilités en défendant la cause de ces petits fabricants qui sont des coureurs de marathon auxquels on demande de participer à une course de 100 mètres en compagnie des grands groupes. »

Suttyhudeo Tengur (APEC) : « Profitable aux consommateurs »

Suttyhudeo Tengur, directeur de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC), n’est pas du même avis que Jayen Chellum sur toute la question. « La RFA est profitable aux consommateurs au bas de l’échelle », dit-il. Pour étayer son argument, Suttyhudeo Tengur souligne que « je suis pour un concept de compétition comme dans le cadre de la RFA qui engendre des soldes gigantesques tout au long de l’année. Je comprends la position des PME ,mais nous vivons dans un monde où l’innovation a permis un bon nombre de petits fournisseurs de grandir. »

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