Law and Order – Bonne Gouvernance : Malaise constitutionnel au sommet de l’État

Le DPP conteste la Grâce accordée par la State House commuant une peine de 12 mois de prison en amende de Rs 100 000 au fils du commissaire de police Une demande de Judicial Review contre la décision de l’ancien CJ, Keshoe Prasad Matadeen, logée devant la Cour suprême

Avec les derniers développements dans le dossier du détournement et du blanchiment de Rs 80 millions au préjudice de l’ex-Bramer Banking Corporation Ltd, il devenait évident que la position du fils du commissaire de police, Chandra Prakashsing Dip, allait devenir insoutenable. Ayant bénéficié de la faveur du président de la République suite à une recommandation de la Commission de Pourvoi en Grâce pour commuer une peine de 12 mois de prison ferme en une simple amende de Rs 100 000, et ce, pour une fraude de Rs 3 millions à l’ex-Barclays Bank, il se retrouve désormais dans le box des accusés pour des délits similaires pour une somme plus conséquente, soit de Rs 80 millions, avec le même Modus Operandi et quasiment les mêmes complices. Avec le feu vert du Directeur des poursuites publiques pour le procès suite à l’enquête de l’Independent Commission against Corruption (ICAC) dans cette dernière affaire, la porte était ouverte pour un malaise constitutionnel au plus haut sommet de l’État.

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Cette semaine, l’Office of the Director of Public Prosecutions a encore exacerbé les relations entre les principales institutions émanant de la Constitution, dont la State House, qui a avalisé en un temps record une recommandation de la Commission de Pourvoi en Grâce, avec à la présidence un ancien chef juge, Keshoe Prasad Matadeen, en faveur du fils de commissaire de police. Une demande de Judicial Review est actuellement Pending before the Supreme Court à l’initiative de l’Office du DPP pour contrer la décision de cette instance constitutionnelle.

C’est par l’entremise de la State Attorney Me Karen Parson que le bureau du DPP a soumis mardi cette demande de révision judiciaire d’une décision avalisée et déjà mise à exécution au nom de la présidence de la République. Dès la fin décembre dernier, Chandra Prakashsing Dip avait déjà réglé l’amende de Rs 100 000 et, subséquemment, retiré devant la Cour suprême sa demande de Leave pour contester devant le Privy Council sa condamnation à 12 mois de prison.

Dans des milieux judiciaires avisés, on fait comprendre que la Commission de Pourvoi en Grâce ne disposait d’aucun Locus Standi pour intervenir dans le dossier de Chandra Prakash Dip. « En déclarant en Cour suprême qu’il engagerait des procédures pour faire appel au Privy Council, le fils du commissaire de police avait bénéficié d’une suspension de sa peine d’emprisonnement. La question qui se pose est de savoir sur quel principe de loi la Commission de Pourvoi en Grâce s’est crue habilitée pour accorder une grâce à une sentence non exécutable dans la conjoncture ? Il ne courait aucun risque d’être emprisonné alors. Un casse-tête pour la Cour suprême, qui sera appelée à se prononcer sur une décision d’un ancien chef juge », se demande-t-on.

Les débats en Cour suprême s’annoncent ainsi des plus passionnants, avec la motion de Judicial Review du DPP et, en parallèle, la nouvelle Charge Sheet accablante logée contre Chandra Prakashsing Dip devant la Financial Crimes Division de la Cour suprême, et se déroulant ce mois-ci. Que ce soit du côté de la State House, de la Commission de Pourvoi en Grâce ou de l’Office of the Commissioner of Police aux Casernes centrales, l’évolution de cette demande de Judicial Review sera suivie avec une attention redoublée.

D’ailleurs, Linion Pep Morisien (LPM), à travers ses conseils légaux, affirme que ce qui s’est passé dans le cas du fils du CP était un précédent extrêmement dangereux pour le système de justice pénale et la protection du droit à Maurice. Le DPP est, selon LPM, dans les circonstances de cette affaire, le seul ayant Locus Standi pour bloquer cette décision en faveur de Chandra Dip. « The integrity of the judicial process, particularly, its independence and impartiality and the public perception thereof are compelling reasons for immediate action as justice must not only be done, but must also be seen to be done», avait mis en avant LPM dans une correspondance au DPP.

Lors de l’appel de la procédure de Special Leave de Chandra Dip au Privy Council le 16 janvier dernier, devant la cheffe juge Rehana Mungly-Gulbul, l’avocat de l’accusé, Me Gavin Glover, Senior Counsel, avait indiqué que son client avait sollicité la Commission de Pourvoi en Grâce aux alentours du 8 novembre 2022, soit avant même que la Cour suprême ne rejette sa demande de recourir au Conseil privé. En effet, le 18 novembre dernier la cheffe juge aussi bien que la juge Aruna Devi Narain avaient balayé d’un revers de main toute sollicitation de Chandra Prakashsing Dip au Privy Council.

Visiblement, cette demande devant la Commission de Pourvoi en Grâce avait été formulée dans le dos des hommes loi de l’accusé, soit lorsqu’il avait sollicité une énième intervention de la Cour suprême pour un Stay of execution contre sa sentence, en parallèle avec sa demande de Special Leave, qui a finalement été retirée et qui est considérée comme faisant partie des Delaying Tactics.

Cette révision judiciaire est visiblement dirigée contre la décision de la commission Matadeen, le président de la République jouissant de l’immunité de son côté, fait-on comprendre dans les milieux légaux, avec l’Attorney General’s Office également partie prenante du litige. La Commission de Pourvoi en Grâce pourrait bien se faire représenter par des avocats du privé, fait-on comprendre. Mais déjà les paramètres de cette Judicial Review font jaser, d’autant plus que c’est la cheffe juge Rehana Mungly-Gulbul qui s’était saisie de cette affaire précédemment, avec très probablement un Bench différent…

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