30 ans du MPRB au Jinfei – Ilona Drack (16 ans) :« Kapav ena gran rev si pa perdi lespwar »

Les adolescents faisant partie du Mouvement pour le Progrès de Roche-Bois (MPRB) étaient dans les coulisses du Jinfei, répétant leur spectacle pour les 30 ans de cette association. Le chanteur Big Frankii, originaire de Roche-Bois, devenu aujourd’hui un chanteur célèbre, a aussi voulu marquer sa présence sur scène pour montrer sa fierté d’avoir été un enfant de ce quartier. Roche-Bois a engendré beaucoup de success stories. Et comme l’a bien décrit Ilona Drack, 16 ans : « Kapav ena gran rev si pa perdi lespwar. »

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La scène du Jinfei accueille quelques comédiens, la plupart des adolescents, chanteurs, danseurs, musiciens, tous issus du Mouvement pour le Progrès de Roche-Bois (MPRB). Parmi, Big Frankii qui assure son répertoire comme un grand. « Mo sorti Roche-Bois, mais quand les gens entendent cela, toutes les mauvaises pensées défilent dans leur tête. C’est pire quand il faut trouver un emploi, voire un poste important pour avancer dans la vie, les gens jugent. Mo anvi dir zot : nou res dan site Roche-Bois, nou kapav fer boukou kitsoz. MPRB est un développeur de talents, une pépinière pour les artistes. Les fléaux existent partout dans les quatre coins de Maurice. Il faut juste relever la tête et avoir du respect pour soi et pour les autres. »

Fierté d’être un enfant de Roche-Bois

Idée que partagent d’autres adolescents du MPRB. Parmi, Ézékiel Emmanuel Menes, 14 ans, un passionné de sculpture qui se dit surpris de son talent. « Finn dekouver enn pasion. Ena matematik osi. » Il joue du djembé, se dit heureux de pouvoir s’épanouir comme jeune, tout en songeant encore au métier auquel il pourrait exercer plus tard. Pianotant sur son téléphone, entre deux répétitions, Ézékiel croit au destin. « MPRB inn apran mwa lir. »

Un mot qui vaut plus que de l’or pour lui, et qui lui permet de chat avec ses friends.
Ilona Drack, 16 ans, est très attentive à son look. L’image, pour elle, est importante car elle rêve de devenir chanteuse. « Inpe kouma Céline Dion. » L’appel vers le large la tente : « Kapav ena gran rev si pa perdi lespwar, pa bess lebra. La mizer mo kone, mo fie lor mo ser pu abiye. Si mo pa santez, mo pou enn dansez. » Un tourbillonnement d’émotions se dégage de ces adolescents à qui la vie n’a pas fait de cadeau. Ballottés entre la misère et l’espoir, ils ont réappris à vivre.

Annyfer Singaraveloo, 14 ans, parle de son désir de devenir une grande comédienne. « Tansion ! (large sourire). J’ai eu le prix de “best actress” dans le film de MPRB, “lamour la fami”. Quand je vois le sourire de Mme Edwige Dukhie, la première femme membre du MPRB, je ne peux pas me laisser abattre. Mo anvi relev Roche-Bois, si nou sort dan landrwa li pa bon, nou bizin vinn bann exzamp por tou bann abitan Roche-Bois. »

Gaëtan Abel peaufine leurs dernières prestations scéniques. Lui-même s’est engagé au sein de cette association en 2008, à la suite d’un projet sur les déchets, et de là, il est devenu un membre important de la communauté. « J’ai créé le spectacle Toufer traitant des 40 droits des enfants. Quand j’ai rejoint le mouvement, j’étais déjà engagé dans le social dans les années 80. Et j’ai voulu transmettre aussi cette culture artistique aux enfants dans le besoin en les accompagnant. »

Gaëtan réalise alors le potentiel des enfants de Roche-Bois et décide de canaliser les talents vers une forme d’art expressif telle que le théâtre, la musique, le chant, la danse. De là, il écrit pour les enfants du MPRB l’hymne “Nou zanfan Roche-Bois”.

« En 30 années d’existence, nous avons réalisé que cette célébration devait mettre en avant l’avenir. Il ne faut plus rester dans le passé, mais voir plus grand avec la relève et mettre tout l’enseignement donné au profit des jeunes de Roche-Bois pour qu’ils assurent la pérennité. »

Edwige Dukhie, une des chevilles ouvrières du MPRB, raconte avoir rejoint l’association à ses balbutiements après sa fondation en juillet 1993, suite à une manifestation pacifique des habitants de Roche-Bois contre la décision de la mairie de Port-Louis de démolir un espace vert, un jardin d’enfants et une aire de jeux pour la mise en place d’un garage municipal à côté d’une déchetterie, ce qui a déjà causé beaucoup de désagréments à l’environnement de Roche-Bois.

À partir de cette mobilisation, une prise de conscience s’est développée parmi les habitants de Roche-Bois, se traduisant par un sens des responsabilités pour une participation active à l’amélioration de la situation socio-économique et politique du quartier.

Edwige Dukhie évoque aussi le programme d’appui communautaire à l’éducation de la petite enfance visant à assurer qu’environ 500 jeunes enfants de Roche-Bois et de la région du quartier sont prêts psychologiquement, socialement, émotionnellement et physiquement à intégrer l’école primaire dans le cadre de la nouvelle structure éducative proposée dans la scolarisation de neuf ans depuis janvier 2018 et 2019. Cela, en vue de s’assurer qu’ils bénéficient pleinement du nouveau système éducatif.

Le combat contre l’errance des enfants des rues

Il y a aussi le combat pour l’éradication de la pauvreté à Roche-Bois avec, en 2014, le développement intégré des parents et des enfants qui est devenu un projet holistique dont le but est de réduire la pauvreté. « Il y a eu ce projet de pass en 2001 (1999-2001) pour l’autonomisation de 176 enfants de niveau IV des deux écoles primaires de Roche-Bois. Ces enfants ont été suivis jusqu’à leur participation aux examens du CPE en 2001. Une équipe de travailleurs sociaux a assuré le lien entre l’école et les familles des enfants. À travers la sensibilisation des parents concernés, ce projet a donné naissance à l’École des Parents, un programme regroupant une centaine de parents sur leur contribution effective à la réussite scolaire de leurs enfants. »

Dans le hall du Jinfei, de grands tableaux évoquent le parcours du MPRB pendant ces dernières 30 années. Edwige raconte les différentes étapes de vie de l’association. Elle rappelle aussi la contribution de la bijouterie Ravior sur le projet Hope ayant trait au phénomène des enfants des rues. Une sorte de guerre contre l’errance. « Nous avons fait sortir des enfants de la rue pour les enseigner à lire et à écrire. On a même mis en place un centre Training & Resource, un nouveau centre à Cité Roche-Bois, un club de lecture. » Et d’ajouter que depuis 1999, le MPRB a élargi son champ d’activité sur les plans national, régional et international. Ainsi, de 1999 à 2005, le MPRB a abrité le Secrétariat national du réseau des ONG des droits de l’homme d’Afrique australe (Sahringon), un réseau d’organisations militant pour les droits de l’homme dans la région de l’Afrique australe.

Le MPRB coordonne depuis toutes les activités du réseau dans la région de l’océan Indien, y compris les Seychelles, Madagascar et les Comores. On apprend que le MPRB a permis aux enfants chagossiens de bénéficier de cours en anglais. Il s’attelle aussi à l’autonomisation sociale des filles-mères. Un autre projet qui a porté ses fruits est Zenes Konekte, qui vise à informer les jeunes de Roche-Bois et des régions avoisinantes des opportunités qui s’offrent à eux en termes d’accompagnement et de formations en sus d’emplois disponibles.

Edwige ne passe pas par quatre chemins : « Le plus grand défi du MPRB est d’avoir réussi à faire ces jeunes sortir de la misère et de leur cocon pour apprendre l’art sous toutes ses formes. Ces jeunes ont eu un passeport qui leur ouvre les portes sur de belles opportunités d’avenir. L’avenir s’écrit avec la jeunesse. Quand il est l’heure de céder sa place aux jeunes de Roche-Bois, il faut le faire, car c’est sur eux que reposent l’avenir et toute cette fierté d’être un résident de Roche-Bois. »

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