Océan indien-Realpolitik : Chagos, casse-tête chinois pour la base américaine

Port-Louis doit conjuguer ses efforts pour franchir de nouveaux obstacles conjoints de Londres et de Washington au sujet de la conclusion de l’accord sur la souveraineté sur l’archipel Débats annoncés, cette semaine ,à la Westminster Hall sur l’axe sino-mauricien avec des accusations d’un pied-à-terre militaire de Beijing au cœur de l’océan Indien Conversations stratégiques avec l’administration Biden pour le PM, Pravind Jugnauth, en marge de sa participation à l’US-Africa Summit à Washington D. C. du 13 au 15 de ce mois

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L’ambition de Maurice de compléter le processus de décolonisation avec l’exercice de la souveraineté sur l’archipel des Chagos le 12 mars prochain, à l’occasion des 55 ans de l’indépendance, amorce une nouvelle étape. Certes, avec la déclaration conjointe à Port-Louis et à Londres du 3 novembre, la réouverture des négociations en vue d’un accord avec pour toile de fond le Droit international a été entamée. Une nouvelle étape doit être franchie à la mi-décembre suite à l’invitation du président des États-Unis, Joe Biden, au Premier ministre, Pravind Jugnauth à l’US-Africa Summit avec la partie mauricienne disposant d’un slot diplomatique pour ouvrir le dossier des Chagos avec les Américains. Néanmoins, des développements intervenus au cours de la semaine écoulée confirment que des manoeuvres au plus haut niveau politique sont engagées pour faire échec à la conclusion de tout accord sur les Chagos. Maurice est accusée d’être très proche de la Chine, au point de pouvoir allouer un pied-à-terre militaire à Beijing dans le sillage de tout accord sur l’archipel.

Cette initiative de sabotage de tout accord anglo-mauricien au sujet de la souveraineté de Port-Louis sur l’archipel des Chagos s’articule sur un point militaro-diplomatique des plus sensibles dans le cadre de la realpolitik de l’océan Indien. L’empreinte militaire et navale de la République populaire de Chine dans l’océan Indien comme une extension de l’équation militaire en Mer de Chine suscite des appréhensions non seulement à Washington et à Londres, mais a également provoqué un rapprochement stratégique avec l’Inde de Narendra Modi, bénéficiant dorénavant du droit d’escale à la base militaire de Diego Garcia.
Confiance
Ainsi, le député conservateur Daniel Kawczynski, qui n’en est pas à sa première controverse après l’épisode des réfugiés ukrainiens en début d’année, a monté une vicieuse attaque contre Maurice à ce sujet. Dans cette contre-offensive, il a également embrigadé des représentants républicains, siégeant à la House of Representative Armed Services Subcommittee on Readiness. Tout en prenant la décision de provoquer un débat au Westminster Hall à la Chambre des Communes, annoncé pour cette semaine, pour bloquer les négociations, ce député conservateur accuse Maurice d’être une succursale politique des Chinois dans l’océan Indien. La thèse qu’il tente de vendre aux Américains est que « handing sovereignty to Mauritius — with its deepening economic ties to Beijing — offers no guarantee that China won’t soon have its own base on the island chain. »
Dans une déclaration au Daily Mail en fin de semaine dernière, Daniel Kawczynski ameute les Américains à l’effet que « if you look at the amount of investment the Chinese have in Mauritius, I would argue that for all intents and purposes they control Mauritius. They have a policy of hoovering up all of these islands in the South China Sea… the idea the Chinese are not going to take advantage of us giving up these islands is wrong. »
Du côté des républicains aux États-Unis, le message est reçu quasiment dix sur dix dans la mesure où ils font comprendre que « since the Biden Administration gave away Bagram — a strategic airbase only a few hundred miles from the Chinese border and our only base situated between Iran, Russia, and China — the base in Diego Garcia is absolutely critical. »
Situant l’importance tactique et stratégique de la base de Diego Garcia, la partie américaine souligne que le United States Marine Pre-positioning Squadron Two, comprenant sept unités de la marine « packed with tanks, armoured personnel carriers, munitions, fuel, spare parts and even a mobile field hospital for rapidly deployment to war zones », y est installé en permanence. Diego Garcia a aussi accueilli des B-52 à être déployés avec également pas plus tard qu’au cours de la semaine écoulée l’escale du sous-marin à propulsion nucléaire USS West Virginia, actuellement en deterrence patrol dans l’océan Indien.
À Port-Louis, tout en se disant conscient que d’ici à la conclusion de cette nouvelle étape de négociations, des tentatives surgiront en vue de faire dérailler ce processus de décolonisation complète, l’on se dit confiant de pouvoir convaincre que ce soit Londres ou Washington de la position de Maurice par rapport à la base américaine de Diego Garcia « for defence purposes » des intérêts de l’occident.

Une des cartes maîtresses demeure la proximité entre Port-Louis et New Delhi, que ce soit sur le plan politique, militaire ou économique, avec en toile de fond les travaux d’envergure en voie d’exécution au niveau de la piste d’atterrissage et de l’infrastructure portuaire à Agelaga. À ce stade, dans les milieux autorisés, l’on veut éviter de commenter en public cette tactique de divide and rule, surtout cette mise en apposition entre New Delhi et Beijing avec Port-Louis au centre.

« Des négociations au sujet de la souveraineté territoriale ne se déroulent pas dans des colonnes des journaux. Des canaux de communication ont été établis entre les stakeholders et nous travaillerons dans ce cadre établi », indique-t-on du côté de l’Hôtel du gouvernement. À cet effet, le prochain déplacement du Premier ministre à Washington en vue du sommet États-Unis/Afrique est présenté comme, une occasion pour Maurice de dissiper tout malentendu ou doute entretenu au préjudice de Maurice au sujet de ce mano-à-mano à distance entre New Delhi et Beijing dans l’océan Indien.
D’autres sources avancent que pour le volet de la sécurité maritime dans l’océan Indien, Maurice se range davantage du côté de l’Inde que de la Chine. Pour preuve, elles citent la participation de représentants de la National Coast Guard à une Coastal Security Conference (CoSC), organisée au cours de la semaine écoulée par l’Indian Coast Guard sous l’égide du Colombo Security Conclave. À cette occasion, le secrétaire à la défense de l’Inde, Girdhar Aramane, s’est appesanti sur le thème de « collaborative efforts for coastal security. »

Le dossier des Chagos continue à susciter des vagues en dépit du changement d’attitude apparent du Royaume-Uni.

 

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