Pauvreté aggravée – Wi Nou Kapav : « Affligeant de voir des familles sans nourriture »

Tatianan, Résidence Tulipes: « Lavi tro dir. Enn sase dile inn ariv Rs 230. Dir ou fran, pa kapav al sipermarse, donk nou pey pli ser ankor »

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« Ce qui est affligeant, c’est de voir des familles sans nourriture. L’autre jour, j’ai même vu une dame frapper à la porte des gens pour demander un peu de riz », s’attriste Monique Augustin, Manager du Service de Formation à l’Ong Wi Nou Kapav, à Résidence Tulipes, Baie-du-Tombeau. Le travail d’accompagnement des 2-11 ans que fait l’Ong trouve plus que jamais sa pertinence alors que s’aggrave la pauvreté et où bien des mères, encore des jeunes filles, ne sont pas prêtes à élever leurs enfants.

Tatiana, elle, plus mûre et ayant le sens de la responsabilité, n’est pas pour autant épargnée même si elle s’évertue à trouver du travail ici et là. « Lavi tro dir. Enn sase dile inn ariv Rs 230. Dir ou fran, pa kapav al sipermarse, donk nou pey pli ser ankor », dit-elle.
« Les familles ici ont beaucoup d’enfants en bas âge. Chacun est en train de chercher comment trouver du travail pour arriver à joindre les deux bouts », fait ressortir Monique Augustin. Mais, le plus attristant, confie-t-elle, c’est que certains n’ont même pas de quoi nourrir leurs enfants. « L’autre jour, j’ai rencontré une dame vers 18h45 qui frappait à la porte des gens pour demander un peu de riz, un peu de ceci, un peu de cela pour pouvoir cuire. Cela déchire le cœur de voir une telle situation. Pourtant, cette dame travaille. Elle fait des petits boulots çà et là. Mais, avec quatre ou cinq enfants, ce n’est pas évident », poursuit-elle.

Dans un tel contexte où la pauvreté fait rage et où les mères, souvent seules à élever leurs enfants, n’ont pas pour priorité l’éducation de ces derniers, le travail de Wi Nou Kapav prend tout son sens. Le but de l’Ong, en effet, est d’aider les enfants, habitant les environs de la NHDC à Residence Tulipes, à travers l’éducation car comme Monique Augustin n’aura de cesse de le répéter auprès de ces familles, « seule l’éducation peut faire sortir de la pauvreté ».

Wi Nou Kapav accueille des petits de deux et trois ans dans son centre d’éveil et dispose d’un système d’accompagnement scolaire pour les enfants de Grade 2-11. Les plus jeunes ont un repas alors que les plus grands ont un goûter quand ils viennent pour l’accompagnement scolaire. Les plus petits ont leur petit-déjeuner, déjeuner et goûter. « Nous leur offrons du lait car les parents ne peuvent en acheter », indique-t-elle.

La manager du Service de Formation relève d’ailleurs que « quand les plus grands viennent chez nous les après-midi, ils peuvent manger trois moitiés de pain d’affilée et prendre une tasse de lait ». Elle ajoute : « si un enfant mange autant, cela veut dire qu’il a vraiment faim. S’il reste du pain encore après l’accompagnement, ils en ramènent chez eux. »

Lorsque l’Ong reçoit des packs alimentaires en don, elle les distribue aux parents. Les dons ne sont toutefois pas réguliers. Les familles les reçoivent donc environ une fois par mois. « Ces Food Packs qui comprennent des denrées de base les aident beaucoup », dit-elle.
Au fil des années, l’accompagnement scolaire assuré par Wi Nou Kapav a aidé au progrès des jeunes. « Nous avons commencé ce travail en 2007 et ces derniers poursuivent leur scolarité. Avant, on les accompagnait jusqu’en Form III. Aujourd’hui, par exemple, il y a un jeune en Form IV qui ne veut nous quitter. Il y a beaucoup de progrès. Une petite fille qui était arrivée chez nous était très agressive et violente. Elle semait le désordre dans la classe et un jour on me l’a envoyée car on n’en pouvait plus. Comme j’avais à mettre de l’ordre dans mes reçus, je lui ai dit : fais ce travail-là pour moi », raconte Monique Augustin.

Le lendemain, la fille est revenue en lui demandant s’il y avait encore du travail à faire. « Je lui ai alors fait comprendre que pour travailler il faut d’abord apprendre à lire et à écrire. Depuis ce jour, cette enfant a drastiquement changé. Aujourd’hui, c’est elle qui va chercher ses petits camarades qui ne viennent pas au centre. Elle les encourage. Elle s’est sentie écoutée et aimée », se réjouit-elle.

Cette dernière poursuit : « j’ai même appris que pendant la célébration du Mercredi des Cendres, elle a lu une prière en français et une dame m’a dit qu’elle avait l’intonation parfaite ! C’est ce qui fait notre satisfaction. Ce qui nous motive, c’est de travailler à faire que l’enfant fasse de bonnes choses dans la vie. »

« Manz zis karkas »

Le problème de filles-mères est très répandu à Résidence Tulipes. « C’est la source du problème d’éducation. Il y a beaucoup de filles-mères qui ne sont pas suffisamment matures pour élever leurs enfants. Elles sont elles-mêmes des jeunes à problèmes », reconnaît Monique Augustin.

Tatiana n’est pas de celles-là. Elle est plus mûre et responsable. Mais, à 33 ans, elle a déjà perdu son mari et élève seule ses quatre filles âgées de deux, cinq ans, dix et quinze ans respectivement. Cette dernière souffre d’épilepsie. N’étant pas défaitiste, elle lutte pour la survie de ses petites. « Mo bat bate partou-partou. Parfwa enn zourne, mo pa la. Mo netwaye mo gagn enn ti lavi, enn ti kari tanto. Ena zour pa gagn travay. Gran mersi, bonnfam mama ankor lamem, li ed nou ek miss Monique ed nou », dit-elle reconnaissante en dépit de tout.

N’empêche, sa force de caractère ne l’épargne pas de la dureté de la vie. « Lavi tro dir. Enn sase dile ine ariv Rs 230. Pa fasil. Dir ou fran, pa kapav al sipermarse, donk nou pey pli ser ankor. » Elle confie encore : « Poul, laviann, nepli kapav aste. Mo manz siz karkas e la pat-poul. Kan kapav, gagn zis sosis ki bomarse. » Tatiana laisse plus d’un admiratifs.
Malgré tous les défis dont est fait son quotidien, elle est encore capable de sourire en partageant ce qu’elle vit. On ne sent pas chez elle cette âcreté présente et certainement légitime chez ceux envers qui la vie est cruelle. Elle a gardé le sens du partage. En voyant un habitant se débarrasser de ses branches de bred mouroum, elle demande aux personnes autour si elles en ont besoin. Quand on lui demande de quelle manière elle aurait souhaité voir les autorités venir en aide aux familles comme elle, elle répond simplement : « Si zot kapav zis donn nou enn de manze nou pou korek-nou. Pa deman zot kas. »

Quel cri du coeur de cette autre île Maurice!

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