Une lettre au Directeur des Poursuites publiques pour réclamer son intervention
La Commission Vérité et Justice avait déjà dénoncé plusieurs cas illégaux de prescription ainsi que des Compulsory Acquisitions
Après avoir travaillé sur plusieurs cas d’expropriation des terres à Maurice, la Land Research and Monitoring Unit (LRMU) se penche sur le dossier de la famille Bégué, à Rodrigues. L’entrée en opération de la Land Division de la Cour suprême est un espoir pour les descendants de Gabriel Bégué, qui ont vu des portions importantes de leurs terrains être prescrites et vendues à leur insu au fil des années. La Commission Vérité et Justice avait déjà dénoncé une telle situation. Toutefois, les ventes ont continué depuis. Ce qui a poussé Israël Bégué à réclamer l’intervention du Directeur des Poursuites publiques, en attendant que le cas soit transféré à la Land Division.
L’association Descendants of Gabriel Bégué Welfare and Heritage a vu le jour en 1998, pour mettre un terme au pillage des terres de la famille à Grand-Baie, Rodrigues. Ce cas avait été entendu par la Commission Vérité et Justice, qui a relevé qu’il y a eu au fil des années plusieurs cas de prescriptions illégales ainsi que des Compulsory Acquisitions, pas toujours dans les règles, par le gouvernement central. Notamment pour l’aménagement d’un terrain de foot et la construction d’un centre communautaire.
Israël Bégué, qui a pris le relais de son cousin, Ronald, relate les grandes lignes de cette histoire, qui a pris une triste tournure, menant au gel des comptes bancaires de ses cousins. « Notre ancêtre, Gabriel Bégué, un colon français, s’était installé à Rodrigues en 1825. En 1829, il a obtenu un terrain de 329 arpents à Grand-Baie et 50 autres à Baie-aux-Huîtres. Il est décédé en 1832. De ses six enfants, certains sont restés à Rodrigues et d’autres ont émigré. En l’absence de ces derniers, les titres de propriété n’ont pu être attribués à ceux qui étaient restés »,dit-il.
Même si les Bégué ont toujours occupé le terrain en question, cela n’a pas empêché des intérêts étrangers d’en prescrire plusieurs portions. Même le gouvernement central a, en plusieurs occasions, eu recours à des procédures de Compulsory Acquisition pour s’octroyer des parties du terrain, notamment pour l’aménagement d’un terrain de foot. La Commission Vérité et Justice avait révélé que les procédures appropriées n’avaient pas toujours été respectées dans ce cas.
Le plus grave, indique Israël Bégué, c’est que certains de ses cousins, en voulant se faire justice, ont été pris au piège par des hommes de loi. « Il y a un avoué qui a fait geler les comptes bancaires de mes cousins car il leur réclamait une forte somme d’argent. Il voulait même une partie du terrain. J’ai un cousin qui a fait un AVC à cause de cela. D’autre part, il y a un trio de notaires, qui a conseillé à certains proches de prescrire leurs propres terrains, alors qu’ils auraient pu faire un affidavit de succession », ajoute-t-il.
À ce jour, il y a plusieurs étrangers qui habitent le terrain des Bégué, après en avoir fait acquisition auprès de personnes qui avaient eu recours à la prescription dans le passé. C’est notamment le cas d’un élu régional. Israël Bégué se bat aujourd’hui pour mettre un terme à la vente de terrains appartenant à sa famille.
Après 12 années d’attente à la Cour suprême, il a préféré suspendre les procédures. « La Land Research and Monitoring Unit travaille actuellement sur notre dossier et on m’a dit qu’une visite est prévue à Rodrigues ce mois-ci. Je suis confiant que la Land Division fera avancer le dossier très rapidement », affirme-t-on.
Entre-temps, pour interdire la vente des terrains, Israël Bégué s’est tourné vers le Directeur des Poursuites publiques, Me Rashid Ahmine. Il souhaite que la Land Division puisse émettre une injonction interdisant la vente des terrains, en attendant que l’affaire soit prise sur le fond. Il fait ressortir que l’article 2 236 et 2 239 du Code Civil prévoit que « ceux qui possèdent pour autrui et leurs héritiers ne prescrivent jamais, par quelque laps de temps que ce soit, quand même bien eux et leurs héritiers posséderaient pendant mille ans ».
Ce qui veut dire, précise-t-il, que les terres familiales ne peuvent être prescrites par un tiers ou par un héritier. La famille Bégué espère qu’après toutes ces années de lutte et tout le malheur auquel elle a dû faire face, qu’il y aura enfin la lumière au bout du tunnel, avec l’entrée en jeu de la Land Research Monitoring Unit et la Land Division de la Cour Suprême. Le gouvernement accorde aux victimes, dont les dossiers sont considérés comme étant Genuine une somme de Rs 300 000 pour les procédures judiciaires.