Société : La face cachée des maltraitances envers les personnes âgées

Dr Patrick How, président de la PMPA : « C’est la décadence totale ! »

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Plusieurs cas de maltraitances envers des personnes âgées enregistrés durant les derniers mois de l’année écoulée n’ont pas laissé insensibles des médecins. Ils n’ont pas hésité à monter au créneau pour tirer la sonnette d’alarme même en cette période de fêtes. Ainsi, la Private Medical Practitioners’ Association (PMPA), « condamne fortement ces agressions envers nos grands-pères et grands-mères », considérant qu’il s’agit là d’un « manque de respect total envers nos aînés, et le signe patent d’une décadence de notre société ».

Les professionnels de la médecine sont en première ligne quand il s’agit des aînés. « Nous sommes appelés à travailler beaucoup avec nos grands-pères et grands-mères, déclare le président de la PMPA, le Dr Patrick How. Ce sont non seulement des témoins privilégiés de notre temps et de notre parcours, mais aussi des éléments clé de notre histoire. Et over and above tout cela, ces personnes inspirent le respect ».
Il poursuit : « à la PMPA, nous condamnons fortement ces récents cas recensés depuis quelques mois avant la fin de 2020, où des personnes âgées ont été agressées, souvent physiquement, et certaines sexuellement. Et dans certains cas, ce qui est pire, c’est quand ce sont leurs propres enfants qui sont les agresseurs ! »

Patrick How reprend : « Les vieilles personnes, on le sait, sont des proies vulnérables. Surtout parce que ce sont des êtres fragiles et sans défense, physiquement et mentalement. De ce fait, certaines personnes mal intentionnées, et qui n’ont aucun respect ni d’égards envers nos aînés, s’en prennent à eux avec violence. Oubliant que ce sont des êtres humains à part entière, en chair et en os. Oubliant que ces personnes les ont élevées avec patience et tendresse, alors qu’eux font usage de violences envers ces vieilles personnes afin d’assouvir leurs pulsions bestiales. C’est révoltant ! » Pour le médecin, cet état de choses résulte d’une érosion totale des valeurs et des bonnes manières. « Nous vivons hélas dans une société tellement portée sur le matérialisme, les excès et les extravagances que les simples sentiments humains ont été occultés. C’est effarant de voir comment des enfants de ces personnes en sont arrivés à s’en prendre à leurs géniteurs ! Tantôt pour les frapper, ou les tuer carrément. Tantôt dans le cas de cet autre qui s’en est pris sexuellement à sa mère !  »

Alors que, renchérit le président de la PMPA, « le rôle de l’adulte est de veiller sur celui qui est moins fort que lui, d’être vigilant et protecteur envers spécialement les enfants et les personnes âgées », parce que sans défenses. « Là, ce qui s’est passé, on le voit, c’est carrément le monde à l’envers ! » L’association des médecins du privé fait remarquer que « de manière générale, chaque adulte sait qu’il faut veiller à ce que les personnes âgées aient accès aux facilités d’usage pour leurs besoins basiques » : nourriture, vêtements, de l’eau pour se laver…

« C’est vraiment le strict minimum. Il faut également s’assurer que nos séniors ne manquent de rien, surtout ceux qui souffrent de pathologies diverses, comme de diabète, de tension artérielle, de complications cardiaques, d’arthrite… Il faut qu’ils prennent leurs médicaments régulièrement et qu’ils soient nourris correctement. »
Il ne faut pas oublier non plus, rappelle ce professionnel de la médecine, qu’il y a parmi la population des séniors, « ceux qui sont frappés d’un handicap », à la suite d’une maladie par exemple. « Envers toutes ces personnes, il est attendu de nous un comportement décent et réfléchi. Empreint d’amour, d’affection et de compassion.

Pas de violences. Ni verbales ni physiques. »
Évidemment, fait remarquer le médecin, « nombre de personnes âgées ont leurs petites manies, leurs habitudes bien personnelles », qui, pour certains adultes, peuvent être agaçantes. « Mais cela ne coûte rien d’avoir un peu de patience, non ? Est-ce que nous, adultes, sommes parfaits ? Ne les irritons-nous pas par nos attitudes ? Pourquoi cette mentalité égoïste et individualiste ? »
La PMPA « réfléchit beaucoup » sur ces comportements déviants des uns et des autres, qui ont agressé des personnes âgées, dont certains sont leurs parents. « Il y a certes des facteurs étrangers, dans certains cas, comme les drogues synthétiques. Mais il y a aussi ces cas de déviances… C’est un phénomène social majeur et nous devons tous revoir notre approche. »


« La Carer’s Allowance, c’est pour le patient exclusivement ! »
Des médecins du privé et du public, qui côtoient les aînés et qui font partie de la Medical Unit du ministère de la Sécurité sociale, font remonter un certain nombre de cas de maltraitances « que nous avons, nous-mêmes personnellement notées auprès de certaines vieilles personnes qui sont sous notre responsabilité via le Carer’s Allowance Scheme. Souvent, les personnes qui s’occupent de ces aînés estiment que cet argent leur revient… Faux ! Cet argent est exclusivement pour les séniors et pour veillerqu’ils soient bien traités. »

De plus, soutiennent ces médecins, « dans la majeure partie des cas, quand nous faisons des plaintes, ayant été des témoins de divers types de maltraitances envers des séniors – physique ou verbale, mais également psychologique –, nous sommes tristes de constater que les autorités concernées ne font pas de suivi ». Et d’ajouter qu’il n’y a pas de suite à leurs plaintes. « C’est à la fois triste et révoltant. Nous ne pouvons pas laisser nos personnes âgées entre les mains de potentiels agresseurs, qui peuvent leur nuire à tout moment ! » Ses interlocuteurs retiennent plusieurs « cas spécifiques où les personnes âgées sont victimes de maltraitances multiples », physiques et psychologiques. « Il faut absolument stopper cela. Ça n’a rien de reluisant ! »

« Une grand-mère alitée exploitée par les siens »
C’est l’histoire de Dadi Devianee. Elle habite un petit village du Nord. Depuis quelques années maintenant, elle a droit à une Carers’ Allowance, puisqu’elle a été victime de plusieurs complications de santé, dont des soucis cardiaques. De fait, Dadi Devianee reste clouée au lit. Un jeune professionnel de la médecine a été affecté à son chevet depuis début 2020 dans le cadre du programme Carer’s Allowance.
« Au départ, quand je m’y rendais, explique-t-il, je prenais contact avec une jeune femme, qui m’a dit qu’elle était sa nièce et qu’elle était en charge de la Dadi. À chaque fois, quand je venais pour mes visites, elle débarquait quelques minutes en retard. Bon, une fois, ça va. Mais systématiquement, cela commençait à bien faire. »

Le médecin poursuit : « Comme j’ai beaucoup de patients, un peu partout dans l’île, je ne me faisais pas une fixation. Je me disais qu’il fallait donner une chance à cette personne. Aussi je n’ai pas fait pression sur elle. »

Mais au fur et à mesure des visites, la situation ne s’améliorait pas. Et finalement, un beau jour, le médecin débarque, bien qu’il ait informé la “responsible person” de la vieille dame plus de 48 heures à l’avance, « avec l’idée qu’elle sera présente, et à l’heure cette fois ». Mais rapidement, « les choses sont allées de travers », se souvient-il. « La jeune femme ne venant pas venir ouvrir la porte pour que je puisse entrer examiner mon patient, les autres personnes habitant cette cour familiale sont sorties et m’ont expliqué qu’elle négligeait Dadi Devianee… Qu’elle n’en voulait qu’à l’aide financière perçue et que, souvent, elle délaissait la vieille dame dans son lit, sans ouvrir les volets et les rideaux, sans la changer, sans lui donner un bain… Pire : elle ne l’alimentait pas correctement. »

Il n’en fallait pas plus pour que ce médecin sorte de ses gonds : « Quand la nièce est arrivée, je l’ai sérieusement réprimandée. Elle a tenté de me crier dessus, puis s’est rétractée et a commencé à se plaindre, disant qu’elle avait besoin de cet argent pour joindre les deux bouts. » Le médecin a alors expliqué à la nièce que cette Carers’ Allowance n’est pas à elle, mais à Dadi Devianee. « C’est une somme donnée par l’État pour veiller à ce qu’elle ne manque de rien. »

Sur ce, le médecin a enregistré une plainte, mais, dit-il, « les autorités n’ont pas donné suite à l’affaire. C’est triste. Il y a beaucoup de vieilles personnes qui subissent ce type de traitements. »

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