Syrie: accrochages entre forces gouvernementales et jihadistes français menés par Oumar Diaby

Des accrochages ont opposé mercredi les forces gouvernementales syriennes à des jihadistes français retranchés dans un camp du nord-ouest du pays, dont elles accusent le chef, Oumar Diaby, alias Omar Omsen, de refuser de se livrer aux autorités.
C'est la première fois, depuis qu'elles ont pris le pouvoir en décembre 2024, que les autorités islamistes, qui veulent rompre avec leur passé jihadiste, annoncent une confrontation avec des combattants étrangers.
Estimés à quelques dizaines, les jihadistes dirigés par Diaby, un ancien délinquant franco-sénégalais devenu prêcheur, sont retranchés avec leurs familles dans un camp de la région de Harim, près de la frontière turque.
Les forces gouvernementales syriennes accusent Diaby, 50 ans, d'avoir enlevé une fillette et d'avoir refusé de se livrer aux autorités, et ont annoncé par la suite avoir encerclé le camp.
Dans un communiqué, le commandant des forces de sécurité intérieure de la province d'Idleb (nord-ouest), le général Ghassan Bakir, a accusé Diaby de tirer sur les forces gouvernementales et "d'utiliser les civils comme boucliers humains" .
Un correspondant de l'AFP sur place a cependant indiqué que les armes se sont tues mercredi en début d'après-midi. Et il a pu pénétrer dans le camp où il a vu des combattants français et d'autres nationalités, pour la plupart masqués.
Selon Rami Abdel Rahman, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), une ONG basée au Royaume-Uni mais disposant d'un vaste réseau de sources en Syrie, des "jihadistes étrangers (non Français) mènent une médiation" pour parvenir à une issue pacifique.
- Le groupe "des étrangers" -
Auparavant, le fils d'Oumar Diaby, un jihadiste qui se fait appeler Jibril al-Mouhajer, avait déclaré à l'AFP sur WhatsApp que "les affrontements ont commencé après minuit (..)".
"Les forces de sécurité ont bombardé le camp qui abrite des femmes et des enfants", a ajouté le jeune homme, connu pour avoir joué dans l'équipe de football de l'ancienne enclave rebelle d'Idleb.
Un habitant de la localité de Harim, située aux abords du camp, a affirmé à l'AFP avoir vu les forces gouvernementales acheminer des renforts depuis mardi, et avoir entendu des explosions depuis la nuit.
"Nous sommes restés à la maison, nous n'avons pas envoyé les enfants à l'école", a dit cet homme ayant requis l'anonymat.
Les jihadistes français qui se font appeler "Firqat al Ghouraba" (le groupe des étrangers) constituent un rassemblement marginal et sans lien avec le groupe Etat islamique, qui avait régné par la terreur en Syrie et en Irak avant d'être défait.
Des milliers de jihadistes étrangers, dont des Occidentaux, avaient afflué en Syrie pendant la guerre civile qui a éclaté après la répression par l'ex-président Bachar al-Assad d'un soulèvement populaire en 2011.
Le conflit a pris fin en décembre 2024 avec la prise de pouvoir par une coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh, qui a renversé Bachar al-Assad.
- Depuis Chareh -
Comme d'autres extrémistes, ces Français semblent être tombés en disgrâce depuis l'accession au pouvoir de M. Chareh, président intérimaire qui tente de faire oublier son passé jihadiste.
Oumar Diaby avait prêté allégeance à Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui était dirigé par M. Chareh et contrôlait l'enclave rebelle d'Idleb. Mais en août 2020, il avait été arrêté par HTS, puis libéré en février 2022 sans que les raisons de son arrestation ne soient communiquées.
Après sa prise du pouvoir, Ahmad al-Chareh a dissous le HTS, fer de lance de l'offensive rebelle contre Damas, et appelé tous les autres groupes armés à faire de même et rejoindre les rangs de la nouvelle armée syrienne.
Soupçonné d'avoir convaincu de nombreux Français de rejoindre la Syrie, Oumar Diaby fait l'objet d'un mandat d'arrêt de la justice française et a été qualifié en 2016 par les Etats-Unis de "terroriste international".
Une "petite cinquantaine" de personnes feraient partie de son groupe, avaient indiqué en décembre 2024 des sources sécuritaires françaises à l'AFP.
A la même période, le procureur antiterroriste Olivier Christen avait déclaré au quotidien Le Figaro qu'il restait dans le secteur d'Idleb une "grosse centaine" de Français sur les "1.500 partis faire le jihad dans les années 2000".