Poutine porte la "responsabilité morale" de la mort d'une Britannique empoisonnée au Novitchok en 2018

Le Royaume-Uni a convoqué jeudi l'ambassadeur russe et sanctionné l'intégralité du renseignement militaire de ce pays après qu'une enquête a conclu à la "responsabilité morale" du président Vladimir Poutine dans la mort d'une Britannique, empoisonnée au Novitchok en 2018.

Dawn Sturgess, mère de famille de 44 ans, est décédée en juillet 2018 en Angleterre, quelques mois après la tentative d'empoisonnement de l'ex-agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia, qui ont eux survécu.

L'affaire avait provoqué une crise diplomatique entre la Russie et le Royaume-Uni, et des expulsions réciproques de diplomates, un fait sans précédent depuis la fin de la Guerre froide.

Dawn Sturgess est la "victime innocente d'une tentative d'assassinat menée par des agents d'une organisation étatique russe dans les rues de Salisbury", ville du sud-ouest de l'Angleterre, a conclu Anthony Hugues, président de l'enquête indépendante qui rendait ses conclusions jeudi.

Le ministère britannique des Affaires étrangères a annoncé dans la foulée avoir convoqué l'ambassadeur russe, Andreï Kelin, et infligé des sanctions contre "l'intégralité" du renseignement militaire russe (GRU), jugé responsable de la mort de Dawn Sturgess.

"Ce rapport est clair : la responsabilité morale incombe à Poutine", a martelé le Premier ministre britannique Keir Starmer, et il est "une preuve supplémentaire des activités hostiles choquantes et inconscientes menées sur le sol britannique".

- "Prétextes fallacieux" -

Des accusations battues en brèche par la Russie.

Moscou ne "reconnaît pas les sanctions illégitimes imposées sous des prétextes fallacieux... et se réserve le droit de riposter", a réagi Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, à l'agence de presse étatique russe Ria Novosti.

Les agents du GRU, "leurs supérieurs et ceux qui ont autorisé la mission, y compris le président Poutine", portent "à eux seuls, la responsabilité morale" de la mort de Dawn Sturgess, a souligné l'ancien juge Anthony Hugues, en présentant son rapport.

Le 4 mars 2018, Sergueï et Ioulia Skripal avaient été retrouvés inconscients sur un banc de Salisbury, puis hospitalisés dans un état grave.

Quatre mois plus tard, Dawn Sturgess s'est servie de ce qu'elle pensait être un parfum, dans un flacon trouvé par son compagnon dans une poubelle à Amesbury, à une quinzaine de kilomètres de là.

Les agents russes impliqués ont "imprudemment jeté cette bouteille dans un lieu public ou semi-public avant de quitter Salisbury. Ils n'ont pas pris en considération le danger de mort ou de blessures graves pour un nombre incalculable d'innocents", a déclaré M. Hughes.

- "Manquements" -

Outre le GRU, les nouvelles sanctions visent onze personnes "responsables d'activités hostiles pour le compte de l'Etat russe", y compris pour le GRU.

En juillet dernier, le Royaume-Uni avait déjà sanctionné 18 personnes et trois unités du renseignement militaire russe, accusées "d'avoir mené une campagne malveillante en ligne pendant plusieurs années".

Trois agents des services de renseignement russes ont été inculpés dans l'enquête pénale britannique sur la mort de Dawn Sturgess, et sont sous le coup de mandats d'arrêt.

S'il souligne des "manquements" dans la manière dont les autorités ont géré les mesures de sécurité autour de Sergueï Skripal, le rapport d'enquête publié jeudi n'a pas conclu que les autorités britanniques avaient sous-estimé le risque d'assassinat qui pesait sur lui et sa fille à l'époque.

"Les seules mesures qui auraient pu éviter l'attaque auraient consisté à le cacher complètement sous une toute nouvelle identité et à empêcher toute forme de contact entre lui et sa famille. En 2018, le risque n'était pas suffisamment grave pour justifier des précautions aussi importantes", a déclaré M. Hughes.

Sergueï et Ioulia Skripal, qui vivent cachés sous protection policière, n'ont pas été auditionnés lors de l'enquête publique pour des raisons de sécurité. Mais l'ancien agent double avait lui aussi directement mis en cause le président russe dans son témoignage écrit.

"L'enquête a conclu que Dawn avait été une victime totalement innocente", ont salué ses proches jeudi. Mais ils se disent très "inquiets" par les questions "laissées sans réponse" dans le rapport, qui "ne contient aucune recommandation" pour éviter qu'un tel drame ne se reproduise.