COMMISSION D’ENQUÊTE : Me Gulbul m’a offert Rs 5 M contre mon silence en 2003, selon Bottesoie

Joseph Jacharee Bottesoie succède aux Jeeva devant la commission d’enquête sur la drogue. Hier, cet ancien détenu, incarcéré en 2001 pour une affaire de drogue, et qui a passé 10 ans derrière les barreaux, est revenu sur un épisode de son parcours où, dit-il, « Me Raouf Gulbul, qui assurait ma défense, m’avait proposé Rs 5 M », ajoutant : « Je devais prendre la responsabilité de l’affaire en cours et ne pas dénoncer Rajen Velvindron comme celui à qui appartenait la drogue retrouvée dans mon appartement lors de mon arrestation, en 2001. » Cet habitant de Quatre-Bornes a expliqué qu’il avait également « écrit une lettre à diverses instances – dont le chef de l’ADSU de l’époque, le juge et d’autres autorités encore – pour les mettre au courant de la proposition de Me Gulbul ».
Dans le sillage de cet « incident », Joseph Jacharee Bottesoie, habitant Quatre-Bornes mais originaire de Rodrigues, devait « refuser » que Me Raouf Gulbul continue de le représenter. « J’avais de ce fait écrit une lettre à cet effet, que j’ai remise à un officier de la prison. J’en avais fait cinq copies, destinées notamment au chef de l’ADSU de l’époque, mais aussi à d’autres autorités. »
Joseph Jacharee Bottesoie avait été arrêté le 11 janvier 2001 alors qu’il se trouvait à Saint-Pierre. Une fouille de son appartement, sis à Belle-Rose, par les enquêteurs de l’ADSU, devait mener à la découverte de 2,5 kilos d’héroïne d’une valeur marchande de Rs 25 000 ainsi qu’une forte somme d’argent en liquide et des items du parfait « paraphenalia » du trafiquant, soit une balance électronique, des sachets en plastique et de la toile isolante, entre autres. Deux autres hommes, également natifs de Rodrigues, devaient être arrêtés en même temps que Joseph Jacharee Bottesoie, soit Wesley Philippe et Ricaud Legentil. Dans sa déposition, Bottesoie devait révéler que la drogue découverte dans son appartement appartenait à Rajen Velvindron, un habitant de Terre-Rouge. Celui-ci avait été cueilli à sa descente d’avion alors qu’il revenait de Singapour quelques semaines plus tard.
Lors de sa déposition devant la Commission Lam Shang Leen hier, Jacharee Bottesoie devait revenir sur un épisode de son incarcération où, déclare-t-il, « Me Raouf Gulbul, qui assurait ma défense, était venu m’offrir Rs 5 M, de la part de Velvindron, à condition que je retire mes accusations contre ce dernier et que je prenne donc la responsabilité entière de toute l’affaire ».
Paul Lam Shang Leen : Pendant votre procès, vous aviez fait une déclaration. Dites-nous à nouveau ce que vous aviez dit et pourquoi vous aviez fait cette déclaration.
Jacharee Bottesoie : J’avais eu un problème d’empoisonnement à plusieurs reprises. J’en avais informé les officiers de la prison et, de ce fait, je me trouvais dans l’unité de sécurité. On m’a alors prévenu que Me Gulbul était venu me rendre visite. Quand je suis allé à sa rencontre, il m’a dit certaines choses qui m’ont beaucoup surpris. Il m’a dit : “Si to anvi, to kapav pran ene la monai ek Rajen Velvindron.” J’étais très choqué ! J’avais déja payé une tranche des honoraires de Me Gulbul et je ne m’attendais pas du tout à cela… Quand je suis retourné dans ma cellule, j’ai réfléchi. C’est à partir de là que j’ai écrit cette lettre, que j’ai envoyée au chef de l’ADSU de l’époque ainsi qu’au juge et à d’autres autorités. Je disais dans cette lettre que je ne voulais plus que Me Gulbul me représente et qu’il m’avait offert Rs 5 M pour ne pas témoigner contre Velvindron.
PLSL : Combien de fois Me Gulbul est-il venu vous voir après cela ?
JB : Je ne crois pas qu’il soit venu après…
PLSL : Vous êtes sûr ?
JB : Ah si, si, en effet. Il était revenu. J’avais oublié.
PLSL : Est-ce que d’autres avocats étaient venus vous voir ?
JB : Oui. Il y avait un avocat dont j’ai oublié le nom…
PLSL : Ça commence par un P ? Payendee ?
JB : Je crois, oui, c’est cela.
PLSL : Vous aviez sollicité ses services ?
JB : Pas du tout ! Je crois qu’il était venu rencontrer un client, un certain Dongo. Et il avait souhaité me rencontrer.
PLSL : Il n’était donc pas votre avocat… Alors, que vous a-t-il dit ?
JB : Il m’a demandé comment cela se passait avec mon “case”… Mais à sa manière de me parler, je devinais qu’il était là lui aussi pour protéger Rajen Velvindron.
PLSL : Il a proposé d’acheter votre silence ?
JB : Il me disait d’accepter la responsabilité de l’affaire.
PLSL : Vous avez fait des dénonciations. Que s’est-il passé ensuite ?
JB : Je me rappelle pas.
PLSL : Il n’y a pas eu d’enquête dans le sillage de ce que vous avez déclaré ?
JB : Oui.
PLSL : Un peu plus tôt, vous avez dit que vous aviez été empoisonné. Que s’était-il passé ?
JB : C’était avant que n’ait eu lieu l’incident avec Me Gulbul. A trois reprises, j’ai eu des malaises après avoir consommé de la nourriture.
PLSL : Il y a eu enquête à partir de là ?
JB : Oui, j’avais fait part de mes soupçons aux gardiens de la prison et c’est à partir de ce moment-là que j’ai été placé en isolement.
PLSL : Combien d’avocats ont essayé de vous soudoyer ?
JB : Un seul.
PLSL : Vous faisiez partie d’un réseau de trafiquants, vous étiez un maillon de la chaîne. Comment cela se passait ?
JB : Je gardais la drogue chez moi.
PLSL : Dans la hiérarchie de ce réseau, où vous étiez situé ?
JB : Au bas de l’échelle.
PLSL : Comment êtes-vous entré dans ce milieu ?
JB : J’habitais chez mon frère, Ricardo. Une cousine, Marie-Claude, et son époux sont également venus vivre là. Puis on a cherché une nouvelle maison où ma cousine, son mari et moi sommes parti vivre. C’est à travers le mari de ma cousine que j’ai fait la connaissance de Rajen Velvindron.
PLSL : Vous ne faisiez que garder la drogue ? Vous n’en vendiez pas ?
JB : Pas toujours…
PLSL : Qu’en est-il du dénommé Zuel, qui vous a dénoncé ?
JB : Je lui avais vendu de la drogue.
PLSL : Que receviez-vous en échange de ces “services” de Velvindron ?
JB : De l’argent. Rs 20 000 ou Rs 15 000…
PLSL : Vous n’avez pas essayé de savoir comment se déroulait le business ? Qui était au-dessus de Velvindron ?
JB : Non.
Dans un autre volet de son interrogatoire, Paul Lam Shang Leen a voulu savoir de Joseph Jacharee Bottesoie « comment le business se déroule en prison ». L’ex-détenu, qui a passé 10 ans derrière les barreaux (sa condamnation était de 6 ans mais il en a fait encore deux ainsi que deux autres en “remand”), a simplement répondu qu’il était « en cellule d’isolation ». Et d’ajouter : « Mo pa ti ena kontak ek lezot deteni. Mo ti pe zwin bann kondane kuma Hateem Oozeer. » L’ancien juge devait se montrer insistant : « Vous avez passé huit ans comme condamné et vous n’avez pas vu de téléphones circuler ? Tout était normal ? » Jacharee Bottesoie devait indiquer : « Si, je remarquais qu’il y avait un mouvement, mais je passais mon chemin. (…) La drogue entre facilement en prison. »

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