CONFÉRENCE DU MIOD CE MATIN : Manou Bheenick, « Le secteur bancaire doit changer »

Le gouverneur de la Banque de Maurice, Rundheersing (Manou) Bheenick, est d’avis que tout le concept de l’activité bancaire est appelé à changer au fil des années, les développements technologiques jouant un rôle prépondérant dans ce changement. « The future of banking is mobile », a déclaré Manou Bheenick lors d’une conférence organisée ce matin par le Mauritius Institute of Directors (MIoD) à l’Hennessy Park Hotel, Ebène, et axée sur le thème de la « Vision 2030 ». Le gouverneur de la banque centrale a plaidé en faveur d’un unique régulateur pour le secteur des services financiers et a estimé, par ailleurs, qu’un “desk” spécial consacré aux services financiers, avec un personnel et des ressources appropriés, doit être créé au ministère des Finances.
Devant un parterre composé de dirigeants de plusieurs institutions bancaires et de sociétés spécialisées dans les services financiers, Manou Bheenick a parlé des développements et des changements que pourrait connaître le secteur bancaire local dans les 15 prochaines années. Tout en admettant qu’il est difficile de faire des prévisions pour ce secteur – comme cela a été le cas pour la crise financière globale, qui s’est déclenchée en 2008 –, le gouverneur de la BoM a déclaré que, dans le sillage des progrès technologiques, on peut entrevoir un secteur bancaire où les transactions ne seront plus physiques mais virtuelles. La face du secteur bancaire changera au rythme des développements technologiques. « The whole concept of banking will change », a-t-il soutenu, ajoutant que la manière de procéder et l’approche des banques vont également subir des modifications.
« Avec les changements dans l’économie réelle, le secteur bancaire sera aussi forcé de changer. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) joueront le rôle de locomotive de ces changements », a-t-il fait ressortir. Manou Bheenick dit entrevoir des développements au niveau des paiements en ligne, du commerce électronique et du “paperless banking”. On doit ainsi s’attendre à voir de moins en moins de succursales ou d’agences bancaires, selon lui. Les barrières d’accès aux services et produits bancaires seront aussi graduellement éliminées. La concurrence dans le secteur bancaire mauricien, a laissé entendre le gouverneur, ne pourra que s’intensifier. Ce dernier a, dans la foulée, évoqué l’arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur avec l’octroi de licences à des banques islamiques, des banques privées spécialisées dans la gestion de patrimoines et des banques d’investissements.
Du côté du régulateur également, des efforts seront nécessaires pour s’adapter à ce nouveau paysage bancaire qui se développe. Il y a, selon Manou Bheenick, plusieurs compartiments ou activités du secteur financier, et qui s’apparentent à des activités bancaires, qui sont hors de contrôle de la BoM. « Nous pensons que, dans un petit marché comme le nôtre, il n’y a pas lieu d’avoir plusieurs régulateurs. J’espère que d’ici 2030, on aura un seul régulateur.  Nous sentons qu’il y a une forte pression pour la réglementation de l’ensemble du secteur financier », a déclaré le gouverneur. Ce dernier observe également une tendance vers la mise en place d’un nouveau cadre réglementaire pour le secteur bancaire. Et ce sont, souligne-t-il, les banques qui l’auront cherché.
« Banking in the future will be challenging for us », a poursuivi Manou Bheenick. D’où la décision de la BoM d’instituer un comité de travail pour se pencher sur les failles dans la pratique bancaire et proposer des réformes répondant aux besoins des clients des banques. Le gouverneur a affirmé que ce n’est pas un exercice de “bank bashing” auquel s’est livrée la BoM en venant de l’avant avec son rapport “Banking Your Future”. Les autorités bancaires, a-t-il précisé, souhaitent que les banques soient « back to basics » et fassent plus d’efforts pour satisfaire les attentes de la clientèle. Manou Bheenick ajoutera dans la foulée que la banque centrale veut que les banques réalisent des profits. « We are happy you are making profits », a-t-il dit, tout en soutenant que la BoM prône un secteur bancaire et financier efficace, mais qui est dans le même temps prêt à accompagner le secteur réel de l’économie lorsque celui va mal.
Dans un autre ordre d’idées, le gouverneur a estimé que le judiciaire et le cadre légal soient adaptés au développement du secteur bancaire. Il n’a pas manqué de faire allusion au cas MCB/NPF, qui n’a pas encore été réglé alors que l’affaire a éclaté il y a 12 ans. La BoM observe également qu’une affaire impliquant le régulateur et la défunte MCCB traîne toujours alors que cette dernière a cessé ses opérations il y a une vingtaine d’années.
Manou Bheenick est convaincu que Maurice a un avenir brillant et peut passer du statut de pays à revenus moyens à celui de pays à revenus élevés, « à condition que l’on soit prêt à apporter les changements structurels qu’il faut ». Les banques auront un rôle crucial à jouer dans cette transformation, mais le secteur doit changer son “mindset”, faire montre de transparence et établir une “win-win situation” pour les consommateurs. « All of us must change and look in the same direction », a déclaré le gouverneur.
Par ailleurs, en réponse à des interrogations de l’assistance, Manou Bheenick a laissé entrevoir sa déception que le texte de loi portant sur la création d’un Deposit Insurance Scheme pour la protection de l’argent des épargnants n’ait pas été adopté jusqu’ici par le Parlement « alors qu’il est prêt depuis deux ans ». Le gouverneur s’est aussi prononcé en faveur d’un traitement différencié (“positive discrimination”) pour les « petites » banques au niveau de la réglementation du secteur.

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