Corporate Crime — Des compagnies sur le banc des accusés

Me Rajesh Unnuth : «  Grand temps pour une Corporate Manslaughter and Corporate Homicide Act »

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Les procès au pénal ne concernent pas uniquement un ou des individus mais s’appliquent aussi à des entreprises, accusées d’avoir été responsables d’un délit et qui doivent répondre d’accusations formulées contre elles en cour. À Maurice, il y a toutefois des cas, comme l’accident fatal à Sorèze en mai 2013 ayant causé la mort de dix personnes et plusieurs blessés, où il existe une certaine confusion quand il s’agit de poursuivre ou encore d’appliquer une sentence contre une compagnie car les lois ne seraient pas clairement spécifiées. Certains juristes ont, par ailleurs, recommandé plus de précision dans nos textes de loi pour mieux rendre justice pour ce genre de délits.

Un “corporate crime” en droit pénal fait référence à un crime commis par une entreprise ou par un individu agissant au nom d’une entreprise. Il faudra ainsi trouver au terme d’un procès le degré de responsabilité d’une compagnie pour les actes délictueux commis. Une compagnie se doit aussi de s’assurer de la sécurité de ses employés, clients ou du public, au risque de faire face à des poursuites pour acte de négligence ayant causé mort d’homme, comme l’accident fatal survenu à Sorèze le 3 mai 2013, ayant causé la mort de dix personnes, dont le chauffeur de la Blue Line appartenant à la Compagnie nationale de transport. Les conclusions d’une commission d’enquête instituée sur ce cas avaient attribué les causes de l’accident à des freins défectueux et à la non-activation des freins à main, à savoir des freins d’urgence.

Corporate Manslaughter

Ceux ayant été blessés lors de cet accident fatal ont pu avoir recours à des plaintes sous forme de réclamations de dommages pour le tort qui leur a été causé. Toutefois, il n’existe pas spécifiquement une loi à Maurice qui permet de poursuivre une compagnie pour homicide involontaire (Corporate manslaughter), du fait que la compagnie doit être tenue responsable de ce drame pour n’avoir pas assuré la sécurité du public par ses activités. En droit anglais, la Corporate Manslaughter and Corporate Homicide Act a été promulguée en 2007 pour combler les lacunes concernant l’attribution des responsabilités à une compagnie pour le tort commis. Ainsi, en droit anglais, la responsabilité criminelle est engagée lorsque les « faits matériels du delit » (actus reus) et « l’intention criminelle » (men’s rea) ont été établis. Maurice ne dispose pas d’une telle loi. D’où le fait qu’une loi similaire à celle de la Corporate Manslaughter and Corporate Homicide Act serait, selon l’avocat Rajesh Unnuth, ex-magistrat, « une bonne raison pour encourager les compagnies à être plus rigides pour l’application d’une “Health and safety Policy”, principalement pour les entreprises avec des activités à hauts risques. » Cela concerne les compagnies qui se montrent souvent grossièrement négligentes quant à la sécurité.

Amendes dérisoires

Me Rajesh Unnuth estime ainsi qu’il « est grand temps d’avoir une Corporate Manslaughter and Corporate Homicide Act comme celle qui existe en Angleterre depuis 2007 ». Il avance qu’avec ce texte de loi, « il sera ainsi possible de poursuivre une compagnie au pénal pour un homicide involontaire, ou même d’entamer des poursuites contre le directeur ou le “controlling mind” de la compagnie, qui de par ses actes a commis une “breach of the duty of care towards the victim” ». Selon les textes de loi à Maurice, une compagnie peut être poursuivie sous l’Occupational Safety and Health Act (OSHA) si un individu est décédé sur le site de travail. L’article 5 de l’OSHA veille ainsi à la responsabilité de l’employeur de s’assurer de la sécurité de son employé. L’amende maximale, selon l’article 94 de l’OSHA, est de Rs 75 000 et la peine d’emprisonnement maximale d’une année. « Les amendes à Maurice sont dérisoires pour un “corporate body” et il est clair que la peine d’un an de prison n’est pas applicable pour une compagnie, raison pour laquelle une Corporate Manslaughter and Corporate Homicide Act est nécessaire ». L’homme de loi rappelle que, sous l’OSHA, « un procès est intenté en cour industrielle et la compagnie est poursuivie pour “breach of general duties of employers” ». La compagnie sera alors représentée dans la plupart des cas par son directeur général ou par le secrétaire de la compagnie. Ainsi, selon lui, un texte de loi sur le “corporate manslaughter” permettra de rendre justice de manière plus juste. « Sous nos lois actuelles, il n’est pas juste de poursuivre le directeur général ou encore le secrétaire de la compagnie incriminée. L’unique moyen de poursuivre un directeur général est sur l’application de la Corporate Manslaughter and Corporate Homicide Act calquée sur le système anglais. Il est regrettable de voir des familles perdre leurs proches alors qu’ils sont censés se trouver dans un environnement sûr quand ils sont sur leur lieu de travail. Il faut penser à ses mères et pères de famille qui perdent la vie dans ces circonstances ». L’homme de loi souhaite aussi faire un appel à la Law Reform Commission pour considérer une éventuelle proposition de loi sur le “corporate manslaughter”.

Me Rajesh Unnuth d’ajouter : « Même si cette loi serait la bienvenue, il y a de nombreuses conditions à satisfaire avant qu’une institution ne soit trouvée coupable. C’est une tâche ardue d’établir la culpabilité d’une institution ».

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