Coup d’Etat constitutionnel allégué : un nouveau chapitre de contradictions

  • La version de Me Yousuf Mohamed, SC, diffère de celle d’Ameenah Gurib-Fakim devant la commission Caunhye
  • Le Senior Counsel affirme que l’ancienne présidente de la République est quelqu’une de déterminée et n’est pas « une innocent lady »
  • L’avocat : « J’étais choqué d’apprendre qu’elle est allée de l’avant avec la commission  Moolan seule. She wanted to insist on her terms of reference  »

Un nouveau chapitre de contradictions a été ouvert, hier, dans l’affaire de coup d’Etat constiutionnel allégué. L’audition de l’avocat de l’ancienne présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, Me Yousuf Mohamed, Senior Counsel, a été marquée par plusieurs contradictions notées entre son récit devant la commission d’enquête Caunhye sur la chronologie des événements et celui de la principale intéressée. « C’est elle qui m’a dit que “tactically she can” car je n’avais aucune tactique » a-t-il laissé entendre aux questions du juge Asraf Caunhye. ll a aussi avancé qu’il avait bel et bien indiqué à Ameenah Gurib-Fakim l’impératif d’avoir l’assentiment du conseil des ministres pour l’institution de la commission d’enquête confiée à sir Hamid Moolan, QC. Mais, selon lui, « she wanted to insist on her terms of reference ».

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Me Yousuf Mohamed, a contredit Ameenah Gurib-Fakim sur plusieurs points dans la chronologie des événements ayant mené l’ancienne présidente de la République à violer l’article 64 de la Constitution. Il a confirmé avoir rencontré l’ancienne locataire de la State House en compagnie de l’avocat Nadeem Hyderkhan qui, selon lui, l’avait appelé de la part d’Ameenah Gurib-Fakim suivant les déclarations dans la presse quant à son souhait d’aider la présidente d’alors, embarrasée par ses liens avec les activités de Planet Earth Institute d’Alvaro Sobrinho.

Asraf Caunhye : Vous vous êtes rencontrés le 14 mars ?
Yousuf Mohamed : Oui effectivement. Ameenah Gurib-Fakim nous a chaleureusement accueillis. On s’est présentés car je ne la connaissais pas à titre personnel. Je lui ai demandé de tout mettre en écrit au sujet de ses dépenses et de s’expliquer sur ses versions contradictoires. Dans notre esprit on y était. « We were there should a tribunal be set up».

AC : Principalement, vous y étiez pour un la mise sur pied d’un tribunal et non pas une commission d’enquête?
YM : Le 15 mars nous sommes repartis, Nadeem Hyderkhan et moi, voir l’ancienne présidente. Elle était là avec ses deux secrétaires. A un moment donné, elle a ordonné aux autres de quitter la pièce car elle voulait s’entretenir avec moi en privé et c’est à ce moment-là qu’elle allait me dire qu’on lui avait conseillé de mettre sur pied une commission d’enquête. Je lui ai demandé « can you do that?». J’ai été ministre dans le passé, je connais la loi sur l’institution d’une commission d’enquête et je l’ai informée qu’elle devait obtenir l’autorisation du cabinet ministériel. Mais elle m’a dit : « I want to insist on my own terms of reference ». A notre sortie, j’ai informé Nadeem Hyderkhan de ce qui se passait.

Et j’ai demandé à ce dernier de me préparer quelques points. Le lendemain matin, le 16 mars, en allant au bureau, on m’informe qu’Ameenah Gurib-Fakim veut me voir mais je ne peux pas y être parce que j’avais une affaire en cour. J’ai appris plus tard que Nadeem Hyderkhan était parti au rendez-vous. Et à 9 h 53, je reçois par email une première ébauche des “terms of reference” de la part de Nadeem Hyderkhan. Puis une autre à 10 h 04. J’ai apporté certaines corrections et j’ai envoyé la copie à 10 h 35. Et je suis parti en cour. Mais il faut préciser qu’à 9 h 04 ce jour-là, Ameenah Gurib-Fakim m’avait déjà envoyé un email avec certains des “terms of reference” qui, je présume, ont été préparés par l’avoué Gilbert Noël. Ce dernier, semble-t-il, avait une tout autre lecture de l’article 64.

AC : Comment saviez-vous que c’était ainsi ?

YM : On s’est parlé. Et puis à midi ce jour-là, j’ai rencontré Mes Herve Duval Jr et Yanilla Moonshiram à mon bureau pour qu’ils m’assistent dans l’éventualité de la mise sur pied d’un tribunal. Nadeem Hyderkhan est revenu du Réduit et il était clair que Gilbert Noël pensait qu’Ameenah Gurib-Fakim pouvait agir “in her own deliberate judgment”. Et c’est là que Nadeem Hyderkhan m’informe que sir Hamid Moolan a été contacté pour présider cette commission d’enquête. Ameenah Gurib-Fakim m’a contacté et je lui ai dit  « Madam, there is a legal issue. Please do not proceed, hold on. » et que je vais en discuter avec sir Hamid Moolan. J’ai téléphoné à sir Hamid et il m’a demandé de venir le rencontrer seul. En y arrivant, sir Hamid m’informe qu’il avait écrit au PM pour accepter qu’il préside cette commission. Elle m’a appelé plus tard quand elle avait déjà communiqué publiquement sur la mise sur pied d’une commission d’enquête sur Sobrinho. Je lui ai dit : « Madame vous me demandez ce qui s’est passé avec sir Hamid Moollan alors que vous m’avez mis devant un fait accompli ». Et elle m’a déclaré que : « Je l’ai fait pour des raisons tactiques ».

AC : L’ancienne présidente nous a déclaré que vous lui avez dit que « no you can’t but tactically you can » ?

YM : The word “tactical reason” came from her. Quand j’ai appris qu’elle avait dit cela, j’ai écrit à la commission pour être entendu.

AC : Pourquoi lui demander de “hold on” et d’aller discuter avec sir Hamid ?

YM : Pour dire à sir Hamid qu’elle avait tort et de la dissuader.

AC : Le seul conseil que vous pouviez donner était qu’elle ne pouvait pas le faire cette commission d’enquête ?

YM : I said you can’t proceed, wait, hold on, I’m going to see sir Hamid.

AC: Pourquoi alors aider à rédiger les “terms of reference” quand vous saviez que c’était illégal ?

YM : I took it for granted that she would go through Cabinet and she would push for her own terms of reference.

« Ce fut un choc pour moi » d’apprendre que « she was proceeding on her own» a laissé entendre Me Yousuf Mohamed. Il a expliqué que le lendemain, soit le samedi 17 mars, Nadeem Hyderkhan l’informe que la présidente de la République veut de nouveau les voir. Il affirme s’être rendu au Château du Réduit et qu’Ameenah Gurib-Fakim voulait savoir « what now ?».

Yousuf Mohamed laisse entendre qu’il lui a dit que « vous avez violé la loi ». « If there were to be a special tribunal, you would be grilled » et que « par égard pour votre famille, vos enfants, votre époux, votre père, vous devez démissionner parce que le pays ne peut se permettre de ce conflit au sommet de l’État ». Vers les 14 h, selon Yousuf Mohamed, Ameenah Gurib-Fakim lui a demandé de l’aider « à rédiger la lettre de démission».

Selon Me Mohamed, durant le délai d’une semaine qu’avait demandé Gurib-Fakim pour retirer ses effets personnels du Réduit, elle lui a envoyé des documents, concernant trois de ses prédécesseurs qui avaient bénéficié des facilités d’autres organisations mais aussi des informations au sujet d’une demande de paiement pour les frais médicaux d’un ancien président de la République. Il a également pris à témoin un échange de SMS entre Ameenah Gurib-Fakim et le “Deputy Prime minister” Ivan Collendavelloo. « She’s very resolute and determined. We can see that she’s not an innocent lady, not totally someone innocent. Elle a dit : I’ll do it my way », a conclu Me Mohamed comme pour montrer comme l’ancienne présidente avait une personnalité imposante.

La commission d’enquête reprendra ce lundi 27 août avec les auditions de l’avocat Nadeem Hyderkhan et de l’avoué Gilbert Noël.

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