En marge de la visite du pape : L’artisanat et le talent de Rodrigues

 Les paniers en vacoas de Gabriel Azie, aussi connu sous le nom de Tibonom, probablement pour la communion de la messe du 9 septembre au monument Marie, Reine de la Paix

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 Une éventuelle annonce de la canonisation du Père Laval, l’apôtre des Noirs
de l’île Maurice, ne devrait surprendre personne lors de la commémoration
du 155e anniversaire de sa mort

 Le père Georgy Kenny, chargé de la coordination de la messe à Marie, Reine de la Paix : “Tout doit être prêt à 80 % en juillet pour la visite des envoyés du Vatican”

dix-sept semaines de l’arrivée du pape François pour une journée des plus remplies à Maurice, les autorités mauriciennes, du côté du diocèse de Port-Louis ou de l’Hôtel du gouvernement, conjuguent leurs efforts et moyens pour satisfaire les desiderata du Vatican. Dans le camp des autorités civiles, le volet le plus important du passage du souverain pontife à Maurice pour une aussi courte visite demeure la sécurité. A l’évêché, la préoccupation majeure se résume à l’ordonnancement de la messe se déroulant au pied du monument Marie, Reine de la Paix en fin de matinée du 9 septembre avec la bénédiction urbi et orbi prononcée par le pape François à la fin de la cérémonie, probablement vers les 14 heures, coïncidant avec l’angélus de midi à la place Saint-Pierre, Rome. Tout un symbole du rituel catholique. Si pour la précédente visite papale en octobre 1989, Rodrigues avait eu l’honneur d’accueillir Jean-Paul II pour la messe dominicale au stade de La-Ferme, cette partie de la République de Maurice ne sera pas pour autant oubliée dans la programmation officielle. Tout comme ce sera le cas pour le Père Jacques Désiré Laval, l’apôtre des Noirs de l’île Maurice, dont l’Eglise marquera le 155e anniversaire de sa mort ce même 9 septembre avec le séjour du pape sur le sol mauricien.

Cet hommage à Rodrigues, dont la fidélité à l’Eglise catholique ne souffre d’aucune contestation, prendra la forme de la reconnaissance du talent et de l’effort dont font preuve les Rodriguais dans la vie de tous les jours. Le comité diocésain, chargé de la mise en place des différentes étapes de cette visite papale, a tenu à accorder une place prépondérante pour la messe du 9 septembre à l’artisanat à base de vacoas imposant sa présence lors de la partie de la plus importante des célébrations à Marie, Reine de la Paix. Ainsi, quelque 400 paniers en vacoas, qui serviront pour contenir l’hostie de la communion, seront, selon toute probabilité, confectionnés par un maître artisan en la matière de l’île. Gabriel Azie, aussi connu sous le nom de Tibonom, âgé de 55 ans, et habitant de Trèfles à l’Est de Rodrigues, personnalité incontournable de l’artisanat Made in Rodrigues, se prépare à honorer cette mission de consécration.

Déjà, dès la fin de la semaine, Gabriel Azie était parti en repérage dans l’île en vue de s’assurer de l’approvisionnement en vacoas, la matière première, pour réussir la commande artisanale d’une vie. En parallèle, il a déjà converti une partie de son domicile en atelier de travail pour répondre aux exigences de confection de ces 400 paniers dans le délai imparti. Les articles d’artisanat à partir du vacoas n’ont pas de secret pour Tibonom.

“J’ai appris les rudiments de mon père depuis l’âge de 10 ans. Un héritage que je chéris encore. Au cours de ces 45 dernières années, je me suis perfectionné d’autant plus que c’est le gagne-pain, et surtout la fierté de la famille. Mais je dois dire que quand soeur Roselyne des Filles de Marie était venue me voir il y a trois semaines, je ne m’attendais pas du tout à un tel honneur et surtout dans le cadre de la visite du pape à la République”, confiait Gabriel Azie à Week-End en fin de semaine.

“Comment refuser une telle demande ? Soeur Roselyne était porteuse d’un échantillon de panier d’hosties, dont l’image était sur un téléphone cellulaire. Elle m’avait demandé de fabriquer un exemplaire en plus raffiné. Sans chercher de compléments d’informations et avec une grande joie, je me suis mis à exécuter cette tâche. Je me suis évertué à donner le meilleur de moi-même avec un nattage tout en finesse et je lui ai remis l’exemplaire”, raconte Tobonom avec une exaltation sans pareille. Depuis, Gabriel Azie se prépare au feu vert du diocèse de Port-Louis pour enclencher le travail. “Je n’ai pas encore communiqué le coût de la confection de ces paniers, qui constituent un unique objet de souvenir de la visite papale. Probablement, l’Eglise a approché plusieurs artisans à Rodrigues avant de faire un choix dépendant de la qualité du travail. J’ai donné le meilleur de moi-même avec un produit à la hauteur des espérances”, poursuit-il avec une lucidité, qui pourrait désarmer plus d’un.

“Si demain, soeur Roselyne revient pour me confirmer la commande de ces paniers, je serai des plus heureux. Le nombre de paniers se comptera par centaines. Il faudra faire vite, car le temps presse. Sa ene gran mission sa. Si mo gagn sa pou faire, mo pa pou fairs li cher. Li pou ene laglwar ek ene benediksyon. Pou mwa me aussi pou Rodrigue, mo zil. Mo fine faire buku travay travail dans mo lavi ek nimport ki model ki ene dimoune ine amene. La nou pe atane la et nou geutte qui pou arriver”, dit-il à Week-End alors qu’au sein du comité d’organisation de la visite du pape François, l’exercice d’évaluation menant à une décision est sur le point d’être complété.

L’importance du volet de  la sécurité

Quant aux grandes lignes de la visite du souverain pontife, le comité officiel sous la présidence du secrétaire au Cabinet, Nayan Kumar Ballah, réuni pour la première fois mercredi au Treasury Building, relève l’importance du volet de la sécurité entourant le déplacement du souverain pontife pour les célébrations à Marie, Reine de la Paix. Le déplacement au caveau du Père Laval à Sainte-Croix sera de nature privée avec la foule de badauds retenue à distance en ce 9 septembre, ce lieu etant d’habitude pris d’assaut par la foule.

D’autre part, le pèlerinage annuel du Père Laval revêtira un aspect particulier, compte tenu que c’est le 155e anniversaire de sa mort et que la veille sera un dimanche avec un nombre plus conséquent de pèlerins sur les lieux. Toutefois, avec la visite du pape du 9 septembre, le diocèse de Port-Louis peut être appelé à se pencher sur une révision des horaires de messe dans la soirée du 8, étant donné la messe d’actions de grâce au monument Marie, Reine de la Paix du 9 septembre. A ce jour, très peu de détails ont transpiré à ce chapitre.

Pour ce qui est de la messe célébrée par le pape François avec, à ses côtés, entre autres le cardinal Maurice Piat, Mgr Alain Harel, vicaire épiscopal de Rodrigues, et Mgr Gilbert Aubry de l’île de La Réunion, et entouré des membres du clergé, la dimension indianocéanique sera en filigrane vue la participation active des diocèses faisant partie de la Conférence épiscopale de l’océan Indien (CEDOI), sauf probablement Madagascar, pays que visitera le pape dans sa tournée dans cette partie d’Afrique. Pour sa part, le père Jean-Claude Veder, responsable du comité d’organisateur, confirme qu’”il n’y a pas de meilleur thème que le Père Laval en ce 9 septembre. Toute la cérémonie sera centrée sur l’œuvre du Père Laval”. 

Mais au sein du diocèse de Port-Louis, l’on se garde de s’aventurer sur le terrain des spéculations autour d’une annonce officielle du Vatican quant à une éventuelle date de la canonisation de l’apôtre de l’île Mauice. L’absence du père Bernard Hym, vice-postulateur de la cause de la canonisation du Père Laval, permet pour l’instant d’alléger la pression à ce sujet. Toutefois, nombreux sont les Mauriciens, toutes fois religieuses confondues, qui accueilleront avec ferveur une annonce en ce sens de la bouche du pape François.

En parallèle, le comité d’organisation diocésain multiplie les contacts et consultations dans les paroisses pour mettre au point la logistique. L’harmonie vestimentaire par rapport aux règlements canoniques est, semble-t-il, déjà réglée comme sur du papier à musique, les sœurs carmélites du couvent de Bonne-Terre et un groupe de couturières étant déjà attelées à la tâche. Les détails des préparatifs ont été passés en revue lors d’une séance de travail, animée conjointement par les pères Georgy Kenny et Jean-Claude Veder à l’ICJM, hier matin, en présence d’une cinquantaine de prêtres, de religieuses et de laïcs.

“Nous sommes déjà concrètement dans la liturgie de la messe du 9 septembre”

A cette occasion, des maquettes des chasubles que porteront le pape François et les évêques concélébrant la messe ont été présentées, de même que l’étole des membres du clergé. L’objectif du comité liturgique est de boucler 80% des préparatifs avant la prochaine mission de constat du Vatican attendue à Maurice dans les premiers jours de juillet. Les envoyés du pape prévoient non seulement d’établir des contacts avec leurs interlocuteurs, mais comptent également visiter les différents sites pour des vérifications.

“La réunion du jour visait à apporter des éléments pour enrichir le travail déjà fait et pour finaliser certaines choses. Valeur du jour, nous sommes déjà concrètement dans la liturgie de la messe solennelle du 9 septembre. De ce fait, nous nous attendons à voir les différents sous-comités institués s’engager dans des actions très concrètes afin que d’ici le début de juillet, le target de 80% soit atteint”, a confié à Week-End le père Georgy Kenny.

Par ailleurs, le comité d’organisation institué par le gouvernement a constitué une cellule spéciale sous le contrôle du commissaire de police, Karl Mario Nobin, en vue de s’assurer que toutes les mesures soient prises pour la sécurité du chef de l’Eglise de Rome et de son entourage. Le gros morceau reste la messe en plein air de la mi-journée à Marie, Reine de la Paix avec quelque 100 000 personnes susceptibles de faire le déplacement.

Les autorités se montrent extrêmement avares pour confirmer certains détails. L’heure d’arrivée du pape à Port-Louis pour la célébration d’eucharistie, bien qu’elle déjà été arrêtée, est gardée jalousement secrète, de même que le mode de transport du souverain pontife de Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport à Marie, Reine de la Paix.

Des indications sont que le pape pourra effectuer une partie du trajet en hélicoptère avant d’entrer dans la papamobile. Mais aucune source n’a voulu confirmer ou infirmer cet élément d’information. Probablement, le programme officiel dera rendu public après le feu vert de la délégation du Vatican de juillet, après un constat de visu des lieux.

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