Hier à Roche Bois : Le vibrant hommage de Racinetatane à Kaya

  • Percy Yip Tong : « Kaya était courageux et en avance sur son temps ; sa musique et ses actions en témoignent »
  • Un “nyabinghi” (hommage) sur la tombe de l’artiste disparu en février 1999 s’est prolongé jusqu’à tard dans la nuit dans le quartier

« Koumsa mem nou ti ete touletan, kan Kaya ti vivan : ansam, pe zoue lamizik…» Les mots sont de Berty Fok, le percussionniste qui a montré son étonnante puissance au son de Racinetatane, pendant que Kaya, lui, y donnait sa mélodie et ses couleurs chaudes : son universalité. Autour du musicien de la première heure de Racinetatane, d’autres proches : Reynald Collet, son frère aîné ; James Dean, qui officiait aux guitares ; Charles Quirin, ami de longue date, et Percy Yip Tong, premier producteur de l’artiste disparu. Tous se sont réunis au cimetière de Roche-Bois sur la tombe de Kaya, hier, pour un “nyabinghi” (hommage dans la culture rasta) qui s’est prolongé dans les rues du quartier, par la suite…

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Parents, proches, une foule de rastas et simples amoureux de la musique de Kaya et Racinetatane étaient réunis autour d’un même sentiment : honorer la mémoire de celui qui a poussé son dernier souffle alors qu’il se trouvait en détention, le 21 février 1999, dans une cellule d’Alcatraz, aux Casernes Centrales. Djembés de différentes dimensions, et autres percussions sont là, dans un premier temps, autour de la tombe de l’artiste, au cimetière de Roche-Bois, puis dans les rues du quartier, pour un « chant l’amour » dédié à Kaya. Des chansons pour dire son courage et son vécu, pour accompagner son âme, pour dire leur amour au frère disparu dans des circonstances toujours énigmatiques, 20 ans plus tard… L’assistance grossit au fur et à mesure, chacun amenant une contribution personnelle. Le fils de Kaya, Azariah, se joindra au petit groupe, et fidèle à son tempérament de jeune homme discret et timide, il assiste à l’hommage vibrant que les compagnons d’armes de son père lui ont concocté… Très tôt le matin, la première à avoir rendu visite à Kaya, c’était Véronique Topize, sa veuve. Une couronne de fleurs blanches et un message « zame nou pou bliye toi » attestent de son passage. Berty Fok et son inséparable djembé donnent le ton pendant que Charles Quirin, Reynald Collet et d’autres amis donnent de la voix…

« Quand Kaya a dit “oui” qu’il avait fumé un joint en public, souligne Percy Yip Tong, producteur de Racinetatane dans les années 80, il savait pertinemment bien qu’il allait se retrouver en prison : il comprenait quelles seraient les répercussions de sa réponse. Il ne faut pas oublier que d’autres ont nié avoir fumé. Mais lui, il avait cette grande honnêteté, ce courage de dire la vérité, et d’aller jusqu’au bout. Il ne faisait rien à moitié. » Autour du dénicheur de talent exceptionnel qu’est Percy Yip Tong, ceux réunis pour l’hommage sur la tombe de l’artiste hochent la tête. Nombre d’entre eux ont connu l’humaniste qu’était Kaya dans les rues de Roche-Bois et gardent un souvenir encore très vivant des émeutes qui ont suivi la nouvelle de son décès…

Berty Fok se souvient des concerts, « des moments passés ensemble…» Il relate : « On était toujours ensemble, une grande famille, à jouer de la musique, à discuter, rire, composer. Et par moments, on faisait les fous aussi, comme tout le monde…» Malheureusement, ajoute-il, « nou pa finn gard okenn tras sa bann moman la… tou foto, video, son, tou inn perdi, eparpiye. Restent les souvenirs dans nos têtes et dans nos cœurs. » Percy Yip Tong résumera : « Kaya ti an avans lor so letan, lor nou tou. Sa musique, ses mots, ses messages en témoignent. »

Cette journée d’hommage, Berty Fok et les premiers frères d’armes de Racinetatane, dont James Dean, Charles Quirin, Reynald Collet, l’ont célébrée à leur façon. « J’ai été invité pour la table ronde organisée par la Creole Speaking Union, retient le percussionniste. C’était bien… C’est vrai, je voulais organiser un concert roots, un digne hommage, mais je ne veux pas faire quelque chose de bâclé. Et tant pis si nous, les musiciens d’origine de Racinetatane, n’avons pas été en première ligne de l’hommage national. »

Ce jeudi 21 février 2019, une douce lumière a baigné les parents, amis et proches de Kaya pour ce vibrant hommage qu’ils ont souhaité « intime, loin des projecteurs et des artifices que Kaya et Racinetatane dénoncent dans leurs chansons. » Et puisque le “feeling” était là, la “good vibe” s’est prolongée dans les rues des quartiers où le “nyabinghi” a distillé les sons de la musique de Kaya jusque tard dans la nuit…

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